Une confession, pour commencer: notre douce obsession pour Le Petit Vendôme date très précisément du 28 mars 2017. Oui, quasi dix ans d’amour. A l’époque, le magazine GQ s’était lancé dans le classement risqué des «meilleurs sandwichs de Paris».
Dans le lot, un bête jambon-beurre, classique de la cuisine française sur le pouce, discrètement confectionné au numéro 8 de la rue des Capucines, dans le très chic 2e arrondissement. Pour vous situer le truc, les imposants bureaux du ministre de la Justice sont à 200 mètres.
Seconde confession: nous ne sommes pas les seuls à en avoir fait une véritable obsession: Kate Moss ou encore Mark Zuckerberg (et sa femme) ont déjà craqué pour ce bistro maintenu dans son jus, où l’on avale goulûment des escargots sauvages de Bourgogne ou un bon pied de cochon grillé, arrosé d’un godet de Saint-Pourçain, en touchant les coudes de son voisin de banquette.
Il y a quelques jours, voilà que le jambon-beurre du Petit Vendôme, à 6 euros à l’emporter, est devenu le «meilleur sandwich du monde», selon le magazine Time Out. Dans cette brasserie typiquement parisienne, avec un bar PMU d’origine et des saucissons qui pendent au plafond, les produits du terroir tiennent le beau rôle. Autrement dit:
Une consécration pour ce casse-dalle typiquement parisien, que l’on attrape d’une main pressée avant de retourner au bureau ou se balader au Jardin des Tuileries. Et c’est plutôt rassurant pour notre époque d’apprendre que la simplicité tape le haut des hit-parades, à l’heure des sandwichs à 20 balles, tristement baroques, gorgés de tout et de son contraire, mais surtout d’avocat et de chou kale, avec «18 sauces maison à choix».
La composition de cette star?
Là-bas, pas de concept, mais une histoire. Surtout, un savoir-faire, une efficacité et une gentillesse qui fait cruellement défaut aux derniers machins bistronomiques des grandes villes, qui nous arrosent de bullshit sur Instagram.
Au Petit Vendôme, les serveuses Lili et Aurore anticipent nos besoins en armant un immense sourire, slaloment entre les chaises avec une dextérité digne des JO et possèdent ce talent improbable de pouvoir toujours rajouter une table dans ce bistro qui, vide, est déjà très exigu.
Sur les coups de midi, pour se dénicher une place, c’est logiquement la guerre des tranchées. Entre les cravatés qui viennent bruyamment croquer une morse en causant «K€» et les touristes aimantés par les guides gastronomiques, il faut souvent se rabattre sur la vente à l’emporter. Mais, là aussi, il faut savoir être patient, puisque, sur le trottoir des Capucines se forment constamment des fils d’attente, témoins du succès du troquet.
Si les casse-croûtes du Petit Vendôme plaisent autant, c’est sans doute aussi pour leur fraîcheur. Derrière le comptoir, Sophie envoie une centaine de sandwichs par service, tous préparés à la minute, contrairement aux boulangeries. La baguette croustillante est livrée deux fois par jour par la boulangerie Julien.
Gilles Caussade, qui est propriétaire du Petit Vendôme depuis 2012 après l’avoir racheté à la famille Leroux, fut jadis un producteur de cinéma ayant bossé sur La Cité des enfants perdus, Arizona Dream ou encore Le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain.
Encore un peu de name dropping? En novembre 2022, Gwyneth Paltrow y avait fait un saut. En juillet dernier, c’était au tour de Lady Gaga de faire un petit détour par la rue des Capucines pour attraper un jambon-beurre à l’emporter, juste après sa prestation aux JO de Paris.
Alors, tout le monde est content? Presque! Depuis la sortie de son classement des «meilleurs sandwichs du monde», Time Out croule sous les critiques de nombreux Français et, sur le profil Instagram du guide en ligne, l’anti-parisianisme bat son plein.
En réalité, Time Out est sorti de Paris. Preuve en est, le troisième du classement, pour ne citer que lui, est une véritable institution à Miami: le Newman’s Jewban de chez Kush. Et puis, au diable les éternels gueulards hexagonaux. Car, cerise sur le foie gras, ce bougnat de quartier réussit l’exploit de chérir les traditions culinaires françaises, sans jamais virer réac.
Branché, mais populaire, touristique, mais profondément honnête, le Petit Vendôme écrase la concurrence en nous offrant l’assurance de ne pas bouffer dans une arnaque parisienne.
Mercredi dernier, en pleine Fashion Week et peu avant de nous entretenir avec l’ancien garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, on n’a donc pas pu résister. Une énième fois, sur la terrasse, avec les premiers rayons de soleil printaniers de la capitale.
Merci Aurore!