Il y a cette phrase d'Andy Warhol, qui atterrit là, dans le premier épisode: «A l'avenir, tout le monde aura son quart d'heure de gloire». Derrière ce slogan qui fait frémir les créateurs de contenus passionnés d'éphémère, le mythique artiste ne croyait pas si bien dire, tant il relève de la psychanalyse d'une époque et d'une société embarquée dans un voyeurisme crasse. Une tâche à laquelle s'est attelé le duo Matthieu Rumani et Nicolas Slomka, qui revient sur les origines de la première télé-réalité française en 2001.
Loft Story a déchaîné les passions, les médias, le monde du divertissement; l'émission a activé une multitude de programmes dérivés dans sa foulée.
La série Culte, diffusée sur Prime Video, s'affaire à brosser les coulisses, parcourues et disséquées pour cerner l'ampleur du phénomène. Il n'est pas question du trash, il est question d'analyser le régime du succès derrière ces 11 célibataires gonflés d'hormones et (6 garçons et 5 filles) catapultés dans un loft de 225 mètres carrés, encerclés par 26 caméras et 70 micros.
L'équipe de production est poussée à bout, à l'impossible rythme d'un business malsain. Tout ce petit monde est mené à la baguette par Isabelle de Rochechouart (Anaïde Rozam), personnage fortement inspiré d'Alexia Laroche-Joubert, qui mise sa carrière sur ce programme pionnier dans la petite lucarne.
L'ancrage du show est avant tout l'évocation d'un basculement entre deux époques, entre l'ancienne télévision et la nouvelle; entre une jeunesse et un milieu d'intellos parisiens offusqués par le contexte sulfureux - la scène de la piscine est presque synonyme de pivot du divertissement télévisuel.
Loana et Jean-Edouard jouent à touche-pipi et font des papouilles dans la piscine. La suite s'est transformée en tollé général et transmuée en débat de société, pour clamer que la télé-réalité n'est rien d'autre que de la télé-poubelle. L'émission devient même un dilemme moral qui apparaît dans l'opinion publique, entre gonfler à l'excès un phénomène et y voir une forme de critique à la Orwell - Big Brother is watching you.
Loft Story, c'est un gros pavé dans la mare du paysage audiovisuel français (PAF) et une guerre est déclarée entre les chaînes M6 et TF1, dans les coulisses. L'univers télévisuel change au fil des quotidiennes de l'émission qui deviendra...culte.
Outre l'amorce d'un nouvel âge d'or du divertissement télévisuel, un autre enjeu se dessine: le personnage de Loana (Marie Colomb).
Une Loana poignante, que la comédienne Marie Colomb (Les Magnétiques) campe avec brio. Elle est étonnante de fragilité, de douceur dans un monde qui souhaite l'avaler et l'utiliser pour doper l'audimat. Elle est surtout la seule des lofteuses à trouver sa place dans le récit et sortir des latitudes télévisuelles, pour rendre hommage à ce personnage iconique de la pop culture francophone des années 2000.
De l'autre, il y a Anaïde Rozam, intransigeante et auteure d'une prestation explosive, dans ce siège éjectable de productrice. Un savant mélange de malice et de dents qui raient le parquet. En somme, la série Culte fonce tête baissée pour dégommer le fantasme d'une célébrité à la carte, négociée pour un laps de temps. Les dégâts sont lourds et la série dégaine sans retenue.
«Culte» est disponible depuis le 18 octobre sur Prime Video.