Une «nouvelle peur, une culpabilité». Taylor Swift flippe et s'en veut. D'avoir dû annuler trois concerts à Vienne à cause d'un dangereux gamin radicalisé, qui planifiait un attentat terroriste contre ses fans. Et à l'idée d’avoir à protéger des millions de vies. A chaque fois que l'Américaine arme une série de concerts dans une ville, la foule est plus dense qu'ailleurs. A Londres, plus d'un demi-million de Swifties a été concassé dans le ventre du vaste Wembley, en cinq petits soirs. Idem début juin, en guise d'apéro britannique.
Ce n’est pas simplement gigantesque.
C’est inconcevable.
À l'heure où Donald Trump se mesure quotidiennement le zizi en affirmant qu'il aimante plus de monde que Kamala Harris en meeting, Taylor Swift est contrainte de trimballer son triomphe comme une cible au milieu du front. Et ça n'a plus grand-chose de musical, de féérique, de naïf, d'ordinaire.
Le divertissement se transforme en déploiement militaire.
Quand elle déclare, jeudi sur Instagram, que «mon équipe et moi-même avons travaillé main dans la main avec le personnel des stades et les autorités britanniques», on pense MI5 au lieu de pop star. Services secrets plutôt que refrains à succès. On comprend aussi qu'à Londres, il a bien fallu propager de l'amour, malgré les risques. Mais que le cœur ne pouvait pas y être. Du moins, pas totalement. Taylor Swift, 34 ans, est aujourd'hui la personne la plus puissante et donc la plus vulnérable. Et chanter, c'est accepter de s'envoyer volontairement au front.
Alors que le marathon touche à sa fin, on estime la jauge totale de cet Eras Tour à plus de 13 millions de spectateurs. C'est cinq millions de plus que la population suisse.
On peut très bien digérer ce chiffre de manière artistique. Se dire que Taylor Swift est la plus grande star de la planète. Que c'est la preuve mathématique que sa musique est foutrement universelle. Ou que le business des concerts n'est pas encore (totalement) à bout de souffle.
On peut aussi refréner notre empathie face à ce gigantisme incontrôlé, qu'elle a non seulement accepté, mais désiré et fabriqué. Que la toute fraîche milliardaire est responsable des dangers que son ambition personnelle provoque. Que ce sont les risques du métier, comme on dit. Et que ce métier n'est peut-être pas aussi indispensable que celui de médecin ou de président des Etats-Unis.
On peut surtout confirmer que chanter devant 13 millions de spectateurs n'a plus rien à voir avec l'objectif de remplir deux fois l'Olympia ou de faire un jour le Stade de France. En deux ans, Taylor Swift est passée de la «fille de l'Amérique» à une gourou capable de changer quelques faces du monde. Elle trimballe une influence inédite sur la santé financière et l'activité sismique des villes qu'elle traverse. Sur l'éducation de millions d’ados et sur la présidentielle américaine.
Le message qu'elle a partagé jeudi sur Instagram explique d'ailleurs pourquoi les deux candidats attendent avec une telle impatience et une telle fébrilité ses puissants conseils de vote.
Cette semaine, Donald Trump s'est montré pour la première fois en extérieur et en Caroline du Nord, protégé par des vitres blindées. Et il est illusoire d'imaginer que le candidat républicain ne pense pas chaque seconde à cette balle qui lui a frôlé le crâne, en scannant sa foule. Taylor Swift et ses Swifties sont désormais condamnés à penser à la mort à chaque concert. L'innocence a disparu. Une gravité intolérable qui devrait logiquement bouleverser la suite de sa carrière. Et de sa vie. Le jeu en vaut-il la chandelle? Seule la milliardaire de la pop possède la réponse à cette question.