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Analyse

Une crise majeure pourrait bientôt frapper l'économie mondiale

Trader John Romolo works on the floor of the New York Stock Exchange, Monday, Oct. 13, 2025. (AP Photo/Richard Drew)
Financial Markets Wall Street
Le regard sceptique d’un trader à la Bourse de New York.Image: keystone
Analyse

Les signes d'une crise économique majeure se multiplient

Les signes laissant craindre un effondrement du système financier se multiplient. Des experts du domaine livrent leur analyse de la situation et parlent des conséquences qu'aurait une nouvelle crise économique majeure.
21.10.2025, 20:5521.10.2025, 20:55
Philipp Löpfe
Philipp Löpfe

Jamie Dimon est le PDG de JP Morgan, actuellement la banque la plus performante au monde. Bien que son établissement enregistre d’excellents résultats, il ne se sent plus tout à fait à l’aise. Il a ainsi déclaré récemment:

«Je ne devrais probablement pas dire ça, mais quand je vois un cafard, il y en a probablement beaucoup d’autres»

Cette remarque fait référence à la faillite de First Brands Group. Dimon y voit plus qu’un simple cas isolé.

«A mon avis, c’était, à bien des égards, une fraude ouverte»

Une affaire qui en dit long

Le cas de First Brands est en réalité bien plus qu’une simple broutille. Il s’agit en quelque sorte de la réponse américaine à l’escroc Autrichien récemment condamné René Benko, mais en beaucoup plus grave.

JPMorgan Chase CEO Jamie Dimon speaks during the Global Markets Conference in Paris, France, Thursday May 15, 2025. (AP Photo/Michel Euler, Pool)
France Global Markets Conference
L'homme qui a peur des cafards: Jamie Dimon, PDG de J.P. Morgan..Image: keystone

Le PDG de First Brands s’appelle Patrick James. C’est un personnage étonnant. Né en Malaisie, il est arrivé aux Etats-Unis comme étudiant, plus ou moins sans le sou. Très vite, il s’est retrouvé impliqué dans des affaires douteuses.

«Depuis l’an 2000, il est suivi par des plaintes et des articles dans la presse locale. Ils relatent des usines fermées, des faillites et des créanciers floués qui ont tenté de saisir ses biens.»
Financial Times

Pourtant, James a réussi à développer un nouveau modèle économique apparemment lucratif. Il s’est spécialisé dans l’achat de créances de petites entreprises, en percevant une prime pour ce service. Certains se souviendront peut-être que ce même modèle avait déjà conduit Greensill Capital à une méga-faillite, précipitant Credit Suisse dans le désastre.

Cela ne semblait toutefois déranger personne. James menait la vie d’un milliardaire: que pourrait-il bien mal tourner ? Les crédits affluaient à flot, jusqu’au jour où First Brands a dû déposer le bilan. Il est suspecté que certaines créances ont été comptabilisées deux fois et qu’environ deux milliards de dollars se sont probablement évaporés.

Si c’était un cas isolé, la faillite de First Brands pourrait être supportable. Mais «ce fiasco a attiré l’attention des régulateurs du monde entier», rapporte le Financial Times:

«Ils examinent si ce n’est pas le symptôme d’une maladie systémique touchant une forme populaire de financement à Wall Street»

Peut-être tomberont-ils sur d’autres «cafards», comme l’a laissé entendre Dimon.

Der Goldpreis ist wieder gestiegen: Goldbarren bei einem Münchner Goldhändler (Archivbild).
Autre signe de crainte généralisée sur les marchés: le prix de l’or enchaîne les records.Image: DPA

D’ailleurs, qui s’étonnera que la UBS soit elle aussi impliquée dans ce mauvais jeu et doive maintenant craindre pour plus de 400 millions de dollars? Mais c’est une autre histoire.

Une nouvelle bulle à la dotcom?

Non seulement des faillites spectaculaires privent les investisseurs de sommeil, mais les symptômes de la bulle dotcom se multiplient également. Pour les plus jeunes d’entre vous: même si elles n’avaient jamais réalisé le moindre centime de profit, les actions de nombreuses startups ont été échangées à des prix fantaisistes lors de l’euphorie Internet des années 1990. Le simple suffixe «.com» suffisait à éveiller l’avidité des investisseurs.

Ce phénomène se répète aujourd’hui dans l’euphorie autour de l’IA. Sont surtout concernées les entreprises promettant de satisfaire l’énorme appétit énergétique des géants de l’IA, des startups proposant de petits réacteurs nucléaires comme Oklo. Cette entreprise, fondée par Sam Altman, ne connaît pour l’instant le concept de «profit» que de nom, mais elle affiche déjà une capitalisation boursière de 26 milliards de dollars.

Oklo est en bonne compagnie. Le Financial Times mentionne à cet égard plusieurs autres startups, valorisées à des milliards de dollars en bourse, mais qui n’ont jusqu’ici pas prouvé qu’elles seraient un jour rentables.

FILE - Sam Altman, Co-Founder and Chief Executive Officer, OpenAI, testifies before a Senate Committee on Commerce, Science, and Transportation hearing on Capitol Hill in Washington, May 8, 2025. (AP  ...
Le gagnant du boom de l’IA: Sam AltmanImage: keystone

En général, il y a encore beaucoup d’air chaud dans les entreprises d’IA.

«Dix startups d’IA déficitaires ont atteint au cours des douze derniers mois une valorisation boursière de plus d’un billion (réd: 1000 milliards) de dollars.»
«C’est une augmentation sans précédent et cela nourrit la crainte qu’une bulle se forme et s’étende à l’ensemble de l’économie»
Financial Times

Pas que des aspects négatifs

Pour ceux qui mettent des lunettes roses, ce phénomène peut aussi présenter un aspect positif. «Bien sûr, il s’agit d’une bulle», explique par exemple Hemant Taneja, de la société de capital-risque General Catalyst. Elle ajoute:

«Mais les bulles ont du bon: elles orientent capitaux et talents vers de nouvelles tendances. Cela se solde souvent par des carnages, mais cela crée aussi les modèles économiques qui transforment le monde.»

Pour illustrer cette thèse, on cite souvent Google et Amazon, qui sont également nés de la bulle dotcom. Ceux qui ont investi à temps dans ces entreprises ont pu absorber facilement les pertes des faillites des autres.

Enfin, l’évolution du prix de l’or n’est pas une source de réjouissance, mais plutôt d’inquiétude. Cette année, il a déjà atteint son 47ᵉ record et se situe actuellement au‑dessus de 4200 dollars l’once. Dans le même temps, le dollar a perdu environ dix pour cent face aux principales autres devises. La ruée vers l’or s’explique donc par le fait que les investisseurs se préoccupent sérieusement de la sécurité du billet vert. Et n’oublions pas: l’économie mondiale dépend toujours du dollar.

Après la crise financière de 2008, Charles Prince, alors PDG de Citigroup, expliquait pourquoi les banquiers si «intelligents» n’avaient pas reconnu le danger des hypothèques titrisées, avec la célèbre phrase:

«Tant que la musique joue, nous devons danser»

Pourquoi les banquiers doivent danser

Actuellement, les banquiers doivent à nouveau danser, car la musique continue: les entreprises technologiques et les institutions financières affichent des profits records. Mais, comme avant la crise financière, les banquiers ne se sentent plus très à l’aise en dansant. Presque chaque jour, des articles paraissent dans des médias économiques sérieux, tels que le Financial Times et le Wall Street Journal, avertissant d’un crash imminent.

Ted Pick, PDG de la banque d’investissement Morgan Stanley, parle ainsi dans le Wall Street Journal du sentiment de ses collègues, qui constitue «un mélange inconfortable d’incertitudes macroéconomiques et d’opportunités de gains gigantesques».

On peut comprendre Ted Pick. A l’euphorie de Wall Street s’oppose une situation économique réelle très incertaine. L’inflation continue de grimper, les entreprises embauchent à peine, la dette publique est colossale, et, politiquement, les Etats-Unis sont une fois de plus paralysés par un shutdown. De plus, la guerre commerciale avec la Chine reprend de la vigueur. Tout cela semble peu préoccuper le président.

De graves conséquences

Le sentiment d’inquiétude des investisseurs est renforcé par le fait qu’un éventuel crash pourrait avoir des conséquences catastrophiques et que les pertes seraient bien supérieures à celles de la bulle dotcom. Invité dans The Economist, Gita Gopinath, ancienne économiste en chef du FMI, écrit:

«Si une correction du marché de l’ampleur du crash des dotcom se produisait, je m’attends à ce que la richesse des familles américaines soit détruite à hauteur de plus de 20 000 milliards de dollars. Cela correspond à environ 70% du produit intérieur brut américain en 2024. Et cela équivaut à plus de sept fois les pertes du crash du début des années 2000.»

Si la prophétie de Gita Gopinath se réalise, nous devons tous nous préparer:

«En résumé, un crash aujourd’hui ne se terminerait pas par un refroidissement économique court et relativement inoffensif, comme après l’éclatement de la bulle dotcom. Beaucoup plus de richesse est en jeu, et il y aurait beaucoup moins de marge politique pour absorber le choc. Les vulnérabilités structurelles et le contexte macroéconomique sont beaucoup plus dangereux. Nous devons nous préparer à des conséquences globales graves.»

Traduit de l'allemand par Tim Boekholt

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