«Repenser la bourse»: tel est le leitmotiv de BX Swiss. Qu'y a-t-il exactement de nouveau?
Lucas Bruggeman: Autrefois, la bourse était surtout réservée aux investisseurs institutionnels. Nous voulons la rapprocher des particuliers et devenir une place de marché accessible à tous.
Cela signifie que vous souhaitez relancer le concept des «actions populaires», ces programmes d'actionnariat accessibles au grand public?
Non, car les véritables actions populaires n'existent plus aujourd'hui. Autrefois, on entendait par là des actions de Nestlé, Roche, etc. Ces entreprises sont toujours présentes, mais le terme "action populaire" me paraît poussiéreux et dépassé.
Les actions se négocient aujourd'hui de manière plus globale et plus accessible qu'autrefois. Ce qui compte désormais, c'est avant tout l'histoire qu'une entreprise raconte: quelle valeur ajoutée elle crée et quelle vision elle poursuit.
Mais avec le terme «action populaire», il y a aussi une notion de «confiance».
La confiance a toujours été le socle des «actions populaires». Mais, depuis l'affaire Credit Suisse, ce capital de confiance a été ébranlé.
Comment?
Avec un accès simplifié aux plans d'épargne et aux ETF. Nous sommes convaincus que ce sont précisément les investisseurs privés qui souhaitent placer leur argent sur le long terme. Il est donc essentiel qu'ils commencent le plus tôt possible.
Les ETF et les fonds existent déjà depuis longtemps. Qu'est-ce que BX Swiss fait différemment?
Nous ne vendons pas nos propres produits. Nous sommes une place de marché qui offre aux investisseurs l'accès à un large choix de produits.
Avec notre plateforme de connaissances BX plus, nous voulons également aider les investisseurs privés à mieux s'orienter et à prendre des décisions d'investissement éclairées.
Mais encore une fois: supposons que je veuille acheter un ETF. Pourquoi ne pas m'adresser directement à BlackRock ou à un autre fournisseur?
Chez nous, les investisseurs peuvent négocier des ETFs de BlackRock et de nombreux autres fournisseurs via leur banque. Ils bénéficient d'un large choix, d'une plateforme transparente et souvent de conditions plus avantageuses que sur le marché.
Pour ceux qui ne sont pas experts: Swissquote propose également des produits financiers à coût réduit. Qu'est-ce qui vous différencie?
Swissquote est une banque et un courtier. Les investisseurs y négocient directement en bourse. Nous, en revanche, sommes une bourse indépendante et réglementée, un marché où les transactions se font de manière transparente.
Qu'est-ce qui vous distingue de Six?
Nous sommes une bourse plus petite et plus agile, axée sur les besoins des investisseurs privés, avec un large éventail de produits. Chez nous, on peut acheter différentes classes d'actifs.
Ils proposent également des produits dits OTC («Over-The-Counter»), c'est-à-dire des actions d'entreprises qui ne sont pas cotées sur les grandes bourses.
Nous ne proposons pas de trading OTC, nous sommes une bourse réglementée. Chez nous, on peut négocier des actions, des produits structurés, des ETF, des ETP et des obligations. Pour les titres OTC, il faut se tourner vers des plateformes comme OTC-X de la Banque Cantonale Bernoise.
N'est-ce pas dangereux? Surtout avec ces actions, c'est aux Etats-Unis qu'il y a eu des abus.
Nous sommes une bourse réglementée, strictement contrôlée et transparente. Chez nous, les mêmes normes réglementaires s'appliquent que dans les autres bourses: critères d'admission, obligations de transparence et surveillance.
Les actions OTC étaient autrefois négociées par des banques régionales. Les titres de compagnies de remontées mécaniques étaient très prisés à l'époque. Qu'est-ce qui se négocie aujourd'hui sur BX Swiss?
Les actions non cotées, comme celles de compagnies de remontées mécaniques, sont négociées en Suisse via des plateformes telles que OTC‑X (BEKB). BX Swiss se concentre, elle, sur le négoce régulé d'actions, d'ETF, d'ETP, de produits structurés et d'obligations.
Vous ne voulez pas seulement être le «Lidl» des petits investisseurs, vous voulez aussi soutenir les PME. Comment comptez-vous créer un marché liquide pour ces entreprises?
L'objectif est que les PME suisses puissent se financer via la Bourse.
Pourquoi ne le font-elles pas encore?
Elles peuvent le faire sans IPO (l'abréviation anglaise pour introduction en bourse) et sans passer par la procédure très lourde et coûteuse qui y est normalement associée.
Il n'est pas toujours nécessaire de passer par une IPO. Même une entreprise familiale peut, sous certaines conditions, être cotée en bourse. C'est plus simple et moins coûteux, tout en restant soumis à un contrôle et à une approbation réglementaires. En Suisse, plusieurs centaines, potentiellement plus de 1000 entreprises, pourraient ainsi accéder au marché des capitaux.
Même pour ce type d'entreprises, les actionnaires exigent de la transparence. Comment y parvient-on?
La transparence est obligatoire: par exemple, publier les résultats annuels, signaler les changements significatifs, présenter la direction. Et oui, un certain capital propre est également nécessaire. Chez BX Swiss, il s'agit de deux millions de francs. Mais c'est accessible pour de nombreuses PME.
Pourquoi cela n'est-il pas déjà fait à grande échelle?
Parce qu'en Suisse, il manque des acheteurs. Contrairement à la Suède, par exemple, la demande est trop faible. En Suède, environ 30% de la population détient des actions. La culture actionnariale y est donc beaucoup plus développée qu'en Suisse.
Comment expliquez-vous cela?
En Suède, par exemple, il existe des avantages fiscaux pour les investisseurs privés et institutionnels qui placent leur argent dans des entreprises suédoises. Cela n'existe pas en Suisse. De plus, les coûts doivent être réduits. Grâce à l'intelligence artificielle (IA), cela deviendra heureusement bientôt possible.
Les actions à bas prix sont particulièrement prisées par les fraudeurs financiers. Leurs cours sont artificiellement gonflés à court terme grâce à de fausses promesses, pour être immédiatement revendus avec de gros profits. Les petits investisseurs, eux, perdent ainsi leur argent.
Nous privilégions la qualité et non les soi-disant «penny stocks».
C'est pourquoi nous collaborons actuellement avec l'Université des sciences appliquées de Zurich (ZHAW) dans le cadre d'un projet visant à déterminer quelles entreprises suisses sont adaptées à une introduction en bourse.
Quel rôle joue l'IA dans ce processus?
A titre d'exemple, elle aide les entreprises à préparer plus rapidement les documents réglementaires nécessaires à une introduction en bourse, ce qui permet de gagner du temps et de l'argent.
Parlons encore un peu des actions populaires. Le problème ne réside-t-il pas aussi dans le fait que le citoyen «moyen» n'est pas vraiment fait pour être investisseur? Autrement dit: la psychologie comportementale nous montre que la plupart des gens ont beaucoup plus peur de perdre que d'aspirer à un gain. Et cela, alors même que ce dernier, comme maintes fois démontré, rapporte sur le long terme. Seuls quelques investisseurs professionnels parviennent à surmonter cette peur du risque et réussissent ainsi.
Je ne partage pas cet avis. Pour moi, le problème est que le citoyen moyen manque de connaissances financières. Beaucoup ignorent qu'un investissement judicieux peut améliorer considérablement leur situation financière sur le long terme.
Ce sont surtout les cryptomonnaies qui incitent les jeunes au jeu. Ils veulent du Bitcoin et de l'Ether.
Les jeunes investisseurs achètent aussi Tesla ou Nvidia, car ils recherchent une histoire derrière l'investissement. Mais ils s'intéresseraient tout autant à une entreprise suisse, par exemple, celle qui fabrique les toutes petites vis de l'iPhone, un «hidden champion». Le problème, c'est que son histoire est trop peu racontée. Mais je reste optimiste: cela viendra.
La peur d'investir est aussi liée à la situation géopolitique actuelle. Est-ce vraiment le bon moment pour entrer en Bourse? Ne vaudrait-il pas mieux attendre le prochain krach?
Il y aura toujours des krachs. C'est pour cela qu'il faut constituer son patrimoine progressivement et de manière diversifiée, par exemple en investissant un montant mensuel. Nous n'avons aucun contrôle sur la géopolitique. En revanche, nous pouvons nous protéger contre l'inflation, et la probabilité qu'elle se produise est bien réelle.
Traduit et adapté par Noëline Flippe