Pendant des décennies, la Chine a connu un succès sensationnel avec son modèle économique. Le Parti communiste a réprimé la consommation privée afin de libérer des capitaux qu'il a ensuite dirigés vers des investissements dans les routes, les ponts, les écoles et les industries qu'il privilégiait. Des millions de Chinois et de Chinoises ont ainsi pu sortir de la pauvreté.
Le modèle n'est pas nouveau et n'est pas non plus une invention chinoise. La Corée du Sud l'a appliqué avec succès, tout comme le Japon. Ils ont eux aussi connu des miracles économiques. Bien plus tôt, les Etats-Unis ou le Royaume-Uni ont eu recours à des éléments du même modèle. C'est ce que décrivent les économistes Matthew Klein et Michael Pettis dans leur livre Trade Wars are Class Wars.
Mais à un moment donné, ce modèle a fait son temps. Pour la Chine, c'était déjà le cas il y a 10 ou 15 ans, comme le dit l'économiste Pettis. Les routes, les ponts et les écoles les plus importants avaient été construits, les entreprises privilégiées auraient dû apprendre à gérer l'argent de manière plus économe - et auraient eu moins besoin d'épargne.
Mais la Chine a continué comme avant. D'immenses tours d'habitation sont construites, dont personne ne veut et qui doivent être rasées sans être utilisées. Des sommes colossales ont été gaspillées. Plusieurs géants de l'immobilier vacillent dangereusement.
«Le secteur immobilier chinois est au bord du désastre, une fois de plus», écrit George Magnus, expert de la Chine et ancien chef économiste de l'UBS, sur le réseau X (anciennement Twitter). C'est, en effet, ce qui s'était déjà produit il y a deux ans, lorsque le géant de l'immobilier Evergrande s'était retrouvé, pour la première fois, en difficulté. Ce sont toujours les symptômes du même problème.
La Chine devrait abandonner son modèle d'épargne et d'investissement élevé et passer à une consommation privée plus importante, à un modèle de croissance tiré par la consommation. Mais cela n'a jamais été facile pour aucun pays.
Comme l'écrit Pettis, chaque miracle de croissance a été suivi d'une phase d'adaptation qui a bouleversé les attentes, surtout celles qui semblaient les plus évidentes et les plus largement acceptées.
Selon Pettis, la Chine pourra probablement éviter une crise financière ou une forte dépression. Les autorités financières ont la capacité de contrôler et de restructurer les dettes devenues mauvaises. L'expert chinois Magnus en est convaincu: le Parti ne laissera pas couler une seule grande banque. Une crise incontrôlée sera ainsi évitée.
Il est beaucoup plus probable que la Chine connaisse le même sort que le Japon et doive traverser une très longue période de faible croissance, écrit Pettis. Au Japon, le boom des années 1980 a été suivi de deux décennies de faible croissance et de déflation, c'est-à-dire de baisse ou de stagnation des prix.
Quelles seraient les conséquences pour la Suisse? Jan-Egbert Sturm, directeur du Centre de recherches conjoncturelles de l'EPF de Zurich (KOF), explique que l'on constate depuis longtemps un ralentissement de la croissance économique en Chine et que l'époque des taux de croissance à deux chiffres est révolue depuis longtemps.
La Chine pourrait à présent connaître un nouveau ralentissement, qui affecterait à son tour l'économie mondiale, et ce, à un moment où celle-ci montre elle-même plutôt des signes de faiblesse. Sturm ajoute:
Via l'économie mondiale, la Suisse est touchée: la demande pour ses exportations s'affaiblit. Cet effet indirect, via la conjoncture mondiale, est de loin le plus important pour la Suisse, dit Sturm. Si la croissance de l'économie mondiale devait fortement diminuer, alors celle de la Suisse aussi. «Mais nous n'en sommes pas là.»
Si la Chine parvient à passer à un nouveau modèle économique, cela profitera à l'économie suisse. Une consommation accrue en Chine signifierait que le pays consommerait davantage sa propre production – et exporterait moins dans le monde entier. Les exportateurs suisses auraient moins de concurrence. Et plus de consommation signifie qu'il y aurait plus de demandes pour les biens et les services suisses sur ce marché toujours gigantesque.
Mais avant d'en arriver là, plus d'un géant chinois de l'immobilier devrait encore vaciller.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)