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Suisse: les grandes entreprises ont du mal à recruter des chefs

Voici le talon d'Achille des grandes entreprises suisses

En principe, chaque entreprise a besoin d'un plan pour savoir comment procéder en cas de départ ou d'absence à court terme du chef. Mais dans le monde économique suisse, ce n'est malheureusement souvent pas le cas.
08.03.2024, 06:0208.03.2024, 06:10
Florence Vuichard et Ann-Kathrin Amstutz / ch media
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Sergio Ermotti venait à peine d'être nommé à la tête d'UBS que l'on se demandait déjà qui pourrait lui succéder. Lors d'une rencontre organisée à par le Financial Times à Londres fin novembre, Colm Kelleher, président de la banque, a déclaré qu'une liste de trois successeurs potentiels serait établie au cours des deux prochaines années.

Sa clairvoyance fait de Kelleher une exception dans le monde économique suisse, l'un des rares à ne pas avoir oublié que le choix d'une bonne direction opérationnelle est en fin de compte le travail principal d'un président.

Le contre-exemple est la banque Julius Bär qui, après la débâcle de Benko, a destitué son chef Philipp Rickenbacher, sans pour autant présenter un seul successeur potentiel – et ce, bien que, suite à la dernière réorganisation, pas moins de 15 personnes siègent au sein de la direction. Celle-ci aurait été reléguée au rang d'«organe de réception des ordres» de Rickenbacher, comme l'a récemment fait remarquer un critique à CH Media.

PDG déchu de Julius Baer, ​​Philipp Rickenbacher.
Le PDG déchu de Julius Baer, ​​Philipp Rickenbacher.Image: Christoph Ruckstuhl/NZZ

Luttes de pouvoir et trop grand vide à combler

le patron de Swiss Dieter Vranckx
Dieter Vranckx, désormais chez LufthansaImage: Séverin Bigler

Conséquence: le nouveau chef devra venir de l'extérieur. Il en va probablement de même chez Swiss. Car là aussi, aucun successeur n'est en vue. L'éternel numéro deux, le directeur financier de longue date Markus Binkert, a manifestement voulu devenir, lui aussi, numéro un et a rejoint l'entreprise d'hôtellerie et de restauration SV Group. Et cela justement quelques jours avant que le chef Dieter Vranckx ne soit transféré au siège du groupe Lufthansa.

Chez Novartis aussi, la question se pose de savoir qui succédera un jour au chef du groupe Vasant Narasimhan. En effet, la candidate la plus prometteuse à sa succession a quitté le groupe pharmaceutique à l'automne 2023 de manière totalement inattendue.

Elle était considérée comme une successeure potentielle à la direction de Novartis, puis soudain elle a disparu: Marie-France Tschudin.
Marie-France TschudinImage: Novartis

La responsable de l'activité des médicaments innovants, Marie-France Tschudin, était la deuxième manager la plus importante, mais aurait perdu une lutte de pouvoir interne contre le chef du groupe Narasimhan, selon les rumeurs.

Or, il n'y a pas d'autre successeur en vue. Et le président du conseil d'administration, Jörg Reinhardt, n'a plus beaucoup de temps pour en trouver, car son mandat de douze ans se termine début 2025.

Autre exemple encore plus étrange, le remplacement inattendu du chef de Denner. Le vide laissé par le patron de longue date Mario Irminger après son ascension à la tête de Migros était si important que son successeur n'a pu être présenté que neuf mois plus tard. Et il faudra attendre encore plus longtemps avant que le personnel puisse réellement voir son nouveau chef. En effet, Torsten Friedrich, l'ex-patron de Lidl, ne prendra pas les rênes de Denner avant un an. Ce qui signifie que le discounter restera sans chef pendant près de deux ans.

Mario Irminger
Mario IrmingerImage: keystone

Ces derniers temps, les départs inattendus de chefs sans que la succession soit réglée conduisent de plus en plus souvent à des solutions à double mandat. Le président du conseil d'administration reprend alors les reines, même si ce n'est souvent que temporairement. C'est ainsi que l'entreprise Lonza se retrouve – une fois de plus – sans chef et dirigée en solo par Albert Baehny, qui était à la tête de l'entreprise pendant de nombreuses années.

Des candidats potentiels en pourparler

Les experts ne peuvent que s'étonner. «La planification stratégique du personnel devrait être, avec la stratégie d'entreprise, l'une des deux disciplines reines du conseil d'administration», déclare le chasseur de têtes Guido Schilling.

«Malheureusement, elle est souvent négligée»
Guido Schilling

Concrètement, ce sont le comité de nomination, ou plus précisément son responsable, et le président du conseil d'administration qui sont chargés de veiller à ce qu'il y ait toujours un plan de succession interne pour chaque fonction importante. En d'autres termes, ils devraient disposer d'un plan d'urgence en cas de défaillance soudaine du chef, de son départ – ou de son renvoi.

Cela nécessite à son tour une certaine préparation, comme le souligne Schilling. Les personnes responsables au sein du conseil d'administration doivent être en contact avec tous les candidats potentiels à la direction.

«Il n'est pas rare que les candidats potentiels aient besoin d'une préparation supplémentaire pour cette tâche»

Il se peut en effet qu'ils doivent encore suivre une formation continue ou acquérir davantage d'expérience au sein de l'entreprise.

Il ne faudrait pas se focaliser sur un seul candidat potentiel. «Dans l'idéal, il y a plus d'une candidature interne pour le poste de CEO, ainsi que des noms externes», déclare Schilling.

«Un conseil d'administration doit connaître les talents avant d'avoir besoin d'eux»

Une relève sans effusion de sang

Le patron d'ABB, Björn Rosengren, est remplacé par un vétéran d'ABB.
Björn Rosengren, ancien PDG d'ABB, a été remplacé à l'interne.Image: Annick Rampe/NZZ

ABB, acteur majeur dans le secteur des technologies de l’énergie et de l’automation, vient de montrer l'exemple. Lorsque le groupe industriel a annoncé le départ de Björn Rosengren pour début août, son successeur à immédiatement été annoncé. Ainsi, Morten Wierod, qui travaille depuis plus de 25 ans dans le groupe et le connaît par cœur, reprendra le poste de chef. Et jusqu'à la fin de l'année, Rosengren restera à la disposition de Wierod pour le conseiller.

Bien entendu, les membres du conseil d'administration d'ABB savaient dès le départ qu'en choisissant Rosengren, alors âgé de 61 ans, qu'ils engageaient un CEO de transition pour la restructuration du groupe. La question de la succession était donc d'actualité dès le début. Néanmoins, l'entreprise illustre presque le cas idéal d'une planification de la succession réussie, qui débouche sur une transmission dans les règles de l'art.

Kelleher souhaiterait certainement que cela se passe ainsi chez UBS. Il doit son modèle en matière de planification de la succession à son ancien employeur Morgan Stanley. En 2024, le chef à long terme James Gorman y a été remplacé «sans effusion de sang», comme l'a souligné Kelleher. Pendant des années, Gorman avait mis en place des successeurs internes potentiels, l'un d'entre eux est devenu chef, les autres sont restés fidèles à la banque.

Mais l'histoire ne se termine pas toujours bien, même lorsqu'une succession interne est prête. C'est ce que montre l'exemple du Credit Suisse. Lors de son départ, en février 2020, Tidjane Thiam était visiblement fier de présenter un successeur interne au trône: Thomas Gottstein. Mais lui non plus n'a pas pu sauver la banque.

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

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