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Pourquoi le prix des vins de Bordeaux sont en baisse

Voici ce qui se cache derrière la chute des prix du Bordeaux

Les vins de Bordeaux perdent de leur valeur.
Image: shutterstock|watson
Les grands crus de la région viticole de Bordeaux sont connus pour leurs tarifs parfois exorbitants. Aujourd'hui, les prix dégringolent – en Suisse, d'environ 30%. Le Bordeaux devient-il bon marché?
08.06.2024, 11:54
Stefan Brändle, Paris / ch media
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Bonne nouvelle pour les amateurs de vin: le secteur du vin de Bordeaux baisse fortement ses prix. Les «primeurs» de la dernière récolte coûtent actuellement presque un tiers de moins que l'année précédente. Dans la Revue du Vin de France, un négociant a estimé que «les prix devraient baisser de 15 à 35% par rapport à 2022». L'association des vins de Bordeaux CIVB arrive à des chiffres similaires.

Lafite-Rothschild, l'un des prestigieux noms de la plus grande région viticole du monde, réduit par exemple son prix à la production de 32%. Le prix en magasin dépend notamment des intermédiaires, mais la plupart des vendeurs répercutent la réduction de prix.

En Suisse aussi. Dans le magasin de vin Martel à Saint-Gall, qui opère dans tout le pays, la réduction de prix peut atteindre 40%, selon le directeur des achats Philippe Gallusser. Pour les meilleurs grands crus, qui atteignent des prix à trois chiffres, cela représente une somme considérable. Mais les vins d'entrée de gamme sont aussi concernés. Philippe Gallusser en cite deux: Lespault-Martillac, issu de la célèbre région bordelaise de Pessac-Léognan et vendu en 2022 pour environ 25 francs, est maintenant proposé à près de 21 francs. Le célèbre Château Poujeaux de Moulis dans le Médoc coûte plus de 10% de moins qu'en 2022, soit seulement 26 francs pour le millésime 2023.

Voici le problème

Pourquoi les prix s'effondrent-ils dans l'une des meilleures, mais aussi des plus chères régions viticoles du monde? «Les grands crus ont réalisé qu'ils ont longtemps exagéré», explique Philippe Gallusser. Au cours des années passées, ils ont réduit artificiellement l'offre pour maintenir les prix élevés. Mais aujourd'hui, les caves du Bordelais sont pleines; retenir de la marchandise devient impossible. Les 300 000 bouteilles en moyenne d'un grand cru doivent être écoulées. Il ne faut pas oublier: la qualité d'un grand vin implique qu'il ne soit pas livré immédiatement.

Dans la région de Bordeaux, le millésime 2023 ne sera expédié que trois ans après, c'est-à-dire en 2026, afin qu'il puisse encore mûrir. Notons que Philippe Gallusser donne au millésime 2023 la note «très bon». Ce n'est pas le vin du siècle comme le millésime 2022, mais il a à la fois de la fraîcheur et de la substance.

La consommation de rouge décline

Le fait que le secteur bordelais sabre radicalement dans ses prix ne peut pas se résumer à une seule cause. Une explication est à trouver également dans le fait que la région viticole du Bordelais traverse une grave crise des ventes. Pour faire simple, on boit moins, mais mieux et plus cher.

Dans ce contexte, les vins populaires et de table sont particulièrement touchés. Le rouge est moins demandé qu'auparavant: en France, il disparaît lentement de la table du dîner, et le soir, les jeunes préfèrent boire de la bière, du champagne ou du blanc. Ainsi, tandis que les grands crus des châteaux survolent la mêlée, les petits viticulteurs trinquent et les faillites se multiplient.

Mais le constat ne s'applique pas seulement à l'Hexagone. Les viticulteurs français ont exporté 7% de vin rouge en moins vers l'étranger au cours du dernier semestre, selon le ministère de l'Agriculture à Paris. Notamment parce que la Chine évite les produits de luxe en provenance de France, pour protester contre les droits de douane occidentaux sur les voitures électriques.

Un dernier effet pernicieux

Les petits viticulteurs du Bordelais ont pourtant augmenté leur production ces dernières années. Ils voulaient aussi profiter des recettes fantastiques des grands crus. Mais ils sont restés sur leur vin bon marché: depuis l'ère du Covid, ils doivent de plus en plus le distiller pour en faire des produits de nettoyage; d'autres arrachent leurs vignes pour planter des kiwis ou des oliviers à la place.

Pour finir, l'image du fier vin de Bordeaux, et donc aussi celle des grands crus, est en baisse. En France même, ceux-ci sont de plus en plus critiqués pour leurs prix exorbitants, qui se répercutent sur les vins AOC classiques. En raison de l'inflation, les vins de tous les jours sont devenus inabordables pour de nombreux Français. Ils espèrent maintenant que la baisse des prix du haut de gamme s'étendra à l'ensemble du secteur viticole.

Avez-vous déjà vu un torrent de vin rouge?

Vidéo: watson

Traduit et adapté par Tanja Maeder

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