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Les bureaux vides: l’autre crise immobilière en Suisse

Certains sont obligés de détruire des immeubles de bureaux pour en faire des logements résidentiels.
Certains détruisent des bureaux pour en faire des logements.Image: Shutterstock

L’autre crise immobilière en Suisse

Les entreprises suisses louent des bureaux toujours plus petits, mais plus centrés et modernes. Seules quelques villes en profitent, alors que dans les agglomérations, les locaux vacants pullulent. Une bonne nouvelle pour les petites entreprises, mais pas pour les communes.
23.02.2025, 11:55
Stefan Ehrbar / ch media
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Le trajet en tram de la gare de Zurich-Oerlikon à l'aéroport de Kloten vous emmène à travers ce qui ressemble à une zone sinistrée. Des dizaines d'immeubles remplis de bureaux, parfois flambant neufs, mais totalement inoccupés, des affiches «à louer» placardées sur les façades. Cette concentration de surfaces vides dans le quartier nord de la ville figure certainement parmi les plus importantes du pays. Le quartier n'est cependant pas une exception.

Au total, on recense environ 60 millions de mètres carrés de bureaux en Suisse. Cela correspond à environ deux fois la ville de Lucerne. Près de 3 millions de mètres carrés, soit environ 5% de cette surface, ont été mis en location en 2024 selon la société immobilière CSL (qui base sa comparaison sur une période qui s'étend d'avril à septembre). Cela représente donc 5% de biens vacants supplémentaires par rapport à l'année précédente.

Les raisons de la multiplication des espaces disponibles sont variées. Au cours des deux dernières années, la construction a certes ralenti, mais pas totalement arrêtée. Parallèlement, la conjoncture s'est affaiblie. Comme davantage d'employés travaillent à domicile, les entreprises ont en outre besoin de moins de locaux.

«Un emplacement parfait»

Lorsqu'elles louent des bureaux, il est important qu'ils soient bien placés. Quelques localités en profitent: la ville de Zurich, par exemple, où, selon CSL, il y avait en 2024 11% moins de surfaces vacantes ou sur le marché que l'année précédente. A Lausanne et Genève, c'était respectivement 19 et 28% de moins. En revanche, le tableau s'assombrit pour les agglomérations et les petites localités.

Dans leur dernier rapport, les analystes de CSL écrivent que les locataires se concentrent plus que jamais sur la qualité du site.

«Mieux vaut un peu moins de surface, mais un emplacement parfait, avec des agencements modernes et une construction durable, nous montre la tendance»

Dans le nord de Zurich, on constate d'un côté la forte demande pour des locaux en centre-ville, de l'autre la misère dans les zones plus périphériques. A la gare d'Oerlikon, la septième plus grande de Suisse, les CFF ont érigé deux tours qu'ils ont pu louer sans problème. Et ils prévoient la construction d'une troisième. L'aéroport, très stratégique en termes de mobilité, a également réussi à vendre sans problème 70 000 mètres carrés de bureaux dans un énorme complexe tout juste sorti de terre et baptisé The Circle.

A quelques centaines de mètres de là, d'autres bâtiments sont à l'abandon. A Opfikon, plus de 30% des bureaux sont vides, selon les données du prestataire de services immobiliers JLL, un record national. A Zurich-Seebach, à 700 mètres à peine de la gare d'Oerlikon, la caisse de pension BVK a tiré la sonnette d'alarme. Après le départ de Credit Suisse, locataire de deux immeubles, la première caisse de pension de Suisse – par ailleurs grande pourvoyeuse d'immobilier commercial – transforme une majeure partie de la surface en appartements, annonce le Tages-Anzeiger.

Des développements similaires ont lieu partout à travers le pays. Dans l'agglomération de Saint-Gall, CSL a enregistré l'année dernière une augmentation de 48% des surfaces de bureaux à reprendre, et de 24% dans l'agglomération de Lucerne. Les loyers ont donc également baissé dans de nombreux endroits: autour d'Aarau, Coire, Schaffhouse ou Thoune. En outre, les surfaces restent vides plus longtemps. Ceux qui souhaitent mettre en location des bureaux dans la périphérie bernoise doivent faire preuve de «beaucoup de patience».

Et dans les années à venir, l'activité de construction devrait s'intensifier à nouveau. Une bonne nouvelle pour les petites entreprises et les start-ups, qui recherchent souvent des espaces de travail moins chers dans les agglomérations et créent «une certaine demande en périphérie», constate encore la société immobilière.

Prendre davantage de risques

Les locataires commerciaux se trouvent désormais en position de force. 80 à 90% d'entre eux attendent désormais un geste de la part de leurs bailleurs: la possibilité de résilier les contrats après quelques années ou l'absence d'obligation de démontage après le déménagement. De leur côté, les bailleurs doivent «prendre davantage de risques pour occuper leurs surfaces».

Compte tenu de la pénurie de logements dans de nombreuses villes, ils pourraient se demander s'ils veulent suivre l'exemple de la caisse de pension BVK. Mais de tels projets coûtent cher et ne riment pas automatiquement avec rentabilité. Les appartements requièrent des aménagements plus conséquents: cuisines, d'installations sanitaires, accès. Et, de par leur affectation passée, ces appartements sont considérés comme plus difficiles à louer.

On peut citer le cas d'ancien bureaux de la SRF à Zurich-Seebach. Leur transformation a abouti à la création de 110 lofts, aujourd'hui presque tous habités. Mais pour cela, le porteur du projet a dû faire preuve d'une patience inhabituelle pour la ville, et a même dû temporairement renoncer à deux loyers. Certains propriétaires immobiliers procèdent donc de manière plus radicale: à 300 mètres de là, la caisse de pension de Coop procède à la démolition complète de plusieurs bâtiments pour les remplacer par des tours résidentielles.

De nombreuses communes trouvent leur intérêt

Cela n'est toutefois possible que si le règlement de zones de la commune en question autorise une telle utilisation. De nombreuses communes devraient y trouver un intérêt. Les bureaux vides leur posent en effet problème, non seulement en raison du manque de recettes fiscales, mais aussi en termes de qualité de vie et d'ambiance des lieux.

Le recul de la quantité d'employés qui se rendent dans les bureaux impacte la fréquentation des restaurants et des magasins du quartier. Les coiffeurs, fitness et autres bars le ressentent en début et en fin de journée. Dans le pire des cas, il leur faut mettre la clé sous la porte. Par ailleurs, si moins de personnes se déplacent en transports en commun, cela peut entraîner une diminution de l'offre.

Ce sont surtout les agglomérations ayant beaucoup misé sur ce genre d'espaces pendant les années de boom qui souffrent aujourd'hui de cette inversion de vapeur. Pour elles, il peut être intéressant de développer des quartiers d'habitation à la place. Ne reste sinon que l'espoir d'une reprise, ou que les entreprises renoncent au télétravail.

(Traduit de l'allemand par Valentine Zenker)

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