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Trump précipite la récession américaine

Pourquoi la récession américaine de Trump menace aussi l’économie suisse.
Trump précipite la récession américaine et bouleverse l’économie suisse.Image: watson

Trump met en péril l’économie des Etats-Unis et de la Suisse

Au départ, ce n’étaient que des droits de douane absurdes contre des îles peuplées de pingouins. Aujourd'hui, ce sont des rayons vides, des ports déserts et des portefeuilles vides. Le chaos politique de Donald Trump touche désormais le quotidien des Américains – et affecte aussi la Suisse.
30.04.2025, 11:4130.04.2025, 11:41
Niklaus Vontobel / ch media
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La Bourse se trouve aujourd'hui dans une situation que l'économiste vedette Paul Krugman n'hésite pas à comparer à une personne piégée dans une relation abusive:

«Elle continue de tout nier et interprète le moindre signe de décence comme une preuve que son partenaire va vraiment changer»
Paul Krugman

Dernière démonstration de cette relation toxique? Lorsque le président américain a exigé la «destitution» du président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, le qualifiant de «grand perdant». Un jour plus tard, il affirmait qu’il n’avait «pas l’intention de renvoyer Powell».

L'une des preuves, nombreuses, qu'il n'y a aucune rationalité chez Trump. Mais il n'en fallait pas plus pour que la Bourse s'envole, comme toujours lorsque le milliardaire dit une chose un jour et son contraire le lendemain. Paul Krugman recommande ainsi d'ignorer la Bourse et de se concentrer sur l'économie réelle.

«Tout indique que le chaos politique va bientôt faire des dégâts»
Paul Krugman

Un sinistre présage qui concerne non seulement les Etats-Unis, mais aussi la Suisse.

Les décisions erratiques de Donald Trump font fluctuer la Bourse à toute vitesse.
La Bourse de New York est sujette aux caprices de Donald Trump.Image: Corbis News

Comment la Suisse a obtenu un répit tarifaire

C’est de manière chaotique que Donald Trump a imposé de nouveaux droits de douane lors de son «Jour de la libération», le 2 avril dernier. Ceux-ci ont été calculés selon une «méthode Mickey Mouse», selon les économistes, produisant arbitrairement des tarifs: 31% contre la Suisse, 10% contre les îles Pingouin.

epa12006193 US President Donald Trump speaks during a tariff announcement in the Rose Garden of the White House in Washington, DC, USA, 02 April 2025. Trump plans to roll out tariffs on global trading ...
Donald Trump le «Jour de la libération», le 2 avril.Keystone

Selon le Wall Street Journal, la façon dont Donald Trump a ensuite suspendu ces tarifs était tout aussi désordonnée. Pendant que la Bourse chutait, le président appelait sur les réseaux sociaux à tenir bon: «Ne soyez pas faibles! Ne soyez pas stupides!»

Une recommandation que n'ont pas suivi son secrétaire au Trésor, Scott Bessent, ni son ministre de l’Economie, Howard Lutnick, qui ont cédé à la panique. A la perceptive d'un krach boursier imminent, les deux hauts responsables ont tenté d'avertir Donald Trump. C'était sans compter sur Peter Navarro, le conseiller commercial pro-tarifs et influent auprès du chef de l'Etat, qui rôdait constamment dans le Bureau ovale.

Profitant d’une réunion de Peter Navarro ailleurs dans la Maison-Blanche, Scott Bessent et Howard Lutnick se sont précipités chez le président, décidés à ne pas repartir tant qu’il n’aurait pas annoncé une suspension des tarifs.

Trump s'entoure de flatteurs

Donald Trump est entouré de «oui-à-tout», des collaborateurs rivalisant de flatteries. Lors d’une réunion ministérielle, on a entendu:

«Votre vision est un tournant dans l’histoire américaine»

Ou encore:

«Ce que vous faites en politique étrangère est un grand service pour notre pays, mais aussi pour le monde entier»

Les mêmes louanges ont fusé après la suspension des tarifs. Selon Scott Bessent, c'était «le plan dès le départ». Isoler la Chine et la rendre seule responsable de la souffrance des travailleurs américains. Le conseiller Stephen Miller a parlé de la «plus grande stratégie de maître d’un président américain dans l’histoire».

La Bourse s’est envolée.

Des tarifs douaniers toujours exorbitants

Cependant, même les tarifs actuels de 10% contre la Suisse et l’UE restent bien plus élevés qu’auparavant. Donald Trump a imposé des tarifs encore plus élevés contre le Mexique, le Canada et la Chine – jusqu’à 145%. Selon le Budget Lab de l'université Yale, les Etats-Unis appliquent désormais des droits de douane moyens de 28%, soit près de douze fois plus qu’avant. Pour retrouver un niveau similaire, il faut remonter à 1901.

Après des décennies de libre-échange, ériger ainsi un mur tarifaire autour de la plus grande économie mondiale constitue une rupture historique – et ce n’est qu'un des nombreux ingrédients d’un cocktail explosif: coupes budgétaires désordonnées dans l’administration et la recherche publique par Elon Musk, attaques contre les avocats et les universités, expulsions illégales, et quasi-arrêt de l'immigration de main-d’œuvre.

La récession a déjà commencé

Selon l’université de Yale, les nouveaux tarifs vont, à eux seuls, augmenter le niveau général des prix de 3% et coûter environ 4900 dollars par ménage américain. Les consommateurs le constateront bientôt dans les rayons de Walmart, Target et Home Depot.

Les dirigeants de ces trois géants du commerce de détail, rompant avec les flatteries adressées à Donald Trump, ont alerté sur la hausse des prix et même sur des pénuries de produits. On observe déjà dans le port de Los Angeles, principale porte d’entrée des importations asiatiques, une chute du trafic rappelant les confinements de la pandémie de Covid.

Le Fonds monétaire international (FMI), habituellement prudent, met en garde contre un «net ralentissement». Selon des enquêtes, les entreprises signalent des commandes en chute libre et une situation des affaires aussi mauvaise qu’en pleine crise financière de 2008.

«Trump a hérité d’une économie en perte de vitesse et l’a affaiblie davantage. Nous sommes déjà en récession, et comme toujours, on n'y glisse pas lentement – on y tombe»
Neil Dutta, chef économiste chez Renaissance Macro Research

En période de récession, la Bourse révèle les faiblesses cachées. L’investisseur Warren Buffett l’a résumé ainsi: «C’est seulement quand la mer se retire qu’on voit qui nageait sans maillot.»

Elon Musk pourrait bien être l’un de ces «nageurs nus». Malgré une forte baisse, Tesla reste extrêmement valorisée en Bourse – quatre fois plus, par rapport aux bénéfices, qu'Amazon, Apple ou Microsoft. Cette valorisation ne serait justifiée que si les profits de Tesla croissaient durablement – sans le moindre incident.

Un professeur de Harvard a décrit Musk dans le New York Times comme le produit d'un «statut messianique» et d'un «culte financier d'investisseurs aveuglés». En récession, les ventes de Tesla pourraient chuter, entraînant avec elles la foi dans Musk, sa fortune et son pouvoir.

Retour des taux négatifs en Suisse

La Banque nationale suisse (BNS) a abaissé en mars son taux directeur à 0,25%. Prochaine décision en juin. Karsten Junius, chef économiste chez Safra Sarasin, indique que les marchés anticipent une nouvelle baisse du taux – d’abord à 0% en juin, puis peut-être en territoire négatif au second semestre.

Cette perspective s'explique par les sombres prévisions pour l’économie américaine:

«Une récession aux Etats-Unis pèsera aussi sur l’économie et l’inflation en Suisse. La BNS sera forcée de baisser les taux»
Karsten Junius, chef économiste chez Safra Sarasin

On observe déjà ces attentes sur les obligations d'Etat suisses à deux ans, dont les rendements ont plongé cette semaine bien en dessous de zéro – atteignant leur niveau le plus bas depuis la période de taux planchers post-Covid. Le phénomène des taux négatifs est donc de retour. Si cela se confirme, les taux hypothécaires baisseraient encore, stimulant encore davantage les prix de l’immobilier.

La liste complète des droits de douane distribués par Trump
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La liste complète des droits de douane distribués par Trump
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Le témoignage étonnant de ces jumelles australiennes fait le buzz
Video: watson
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