Migros oublie l'essentiel avec ses nouvelles mesures
Depuis des décennies, Migros incarne en Suisse la reine incontestée des marques maison. Une réputation forgée à coups d’audace et parfois de provocation. Qui n’a pas souri devant la glace «Jane & Mary’s», clin d’œil à «Ben & Jerry’s», ou le «Mirador», copie assumée de l’«Aromat» de Knorr? Ces détournements agaçaient les multinationales, mais amusèrent la clientèle et, surtout, offraient à Migros une visibilité qui allait bien au-delà des prix cassés et de la qualité.
Aujourd’hui, le directeur général Mario Irminger s’attaque à ce trésor maison: une marque sur trois va disparaître. Près de 80 noms rayés d’un trait. Sur le papier, la logique économique est implacable: inventer, moderniser et promouvoir chaque marque coûte cher. Ecrire simplement «Migros» sur l’emballage permet d’économiser.
Mais ce calcul oublie l’essentiel. Car en balayant d’un «ça ne sert à rien» le shampoing M-Budget ou la gamme protéinée Oh!, son directeur marketing Rémy Müller prend le risque d’effacer des repères affectifs ancrés dans le quotidien de milliers de Suissesses et Suisses pour leurs produits fétiches.
Certes, tout n’a pas la force d’un chocolat Frey, d’un bâtonnet Farmer ou d’un cracker Blévita. Mais même les marques plus confidentielles ont leurs fans. Elles font partie du plaisir d’arpenter les rayons, de fureter. En supprimant un tiers de ses marques pour les fondre dans une identité unique, l’enseigne s’expose à un danger: celui de transformer une expérience de course vivante en un M tristement monotone.