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Les islamistes de Muslim Interaktiv «effraient» l'Allemagne

Des participants à une manifestation à Hambourg à l'appel du groupe Muslim Interaktiv.
Des participants à une manifestation à Hambourg à l'appel du groupe Muslim Interaktiv.image: capture.

«Takbir! Allah akbar!»: ces islamistes radicaux «effraient» l'Allemagne

A Hambourg, le groupe salafiste Muslim Interaktiv se mobilise contre le «génocide» à Gaza et demande le retour du «califat». Une spécialiste allemande de l'islamisme décrit ce mouvement surveillé de près par les autorités.
18.10.2024, 06:0318.10.2024, 09:11
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Ils sont redescendus dans les rues de Hambourg samedi 12 octobre avec toute la panoplie des slogans propres aux mouvements islamistes radicaux. «Takbir! Allah akbar!», Dieu est le plus grand, des mots entonnés autrefois par les armées musulmanes, ici des cris de ralliement, ponctués de la profession de foi islamique. Ils, ce sont les membres et sympathisants de Muslim Interaktiv, un groupe salafiste implanté dans la grande ville portuaire du Nord de l’Allemagne, surveillé comme le lait sur le feu par les services de la protection de la Constitution.

Encadrés par un important dispositif policier, ils ont défilé, sono à fond, pour exiger la fin du «génocide à Gaza» et réclamer l’instauration d’un «califat». Les dizaines de milliers de morts gazaouis suite au massacre du Hamas du 7 octobre leur donnent des arguments. Mais leur revendication de toujours est le «califat». Ce mot renvoie aux premiers temps de l’islam. Il désigne l’organisation politico-religieuse qui vit le jour à la mort du prophète Mahomet et qui, très vite, prit la forme et la taille d’un empire, aboli en 1924 par la jeune république turque.

«Les membres de Muslim Interaktiv, un groupe apparu en 2020, jouent avec les lois de l’Allemagne», constate Susanne Schröter, la directrice du Centre de recherche sur l'islam global de Francfort (FFGI), jointe par watson. Le 27 avril dernier, lors d’une précédente démonstration de force à Hambourg, leur mot d’ordre, visible sur une pancarte, était des plus clairs:

«Le califat est la solution»
Hambourg, 27 avril 2024

«Sauf que vouloir le califat, c’est vouloir l’abolition de la démocratie. Cette exigence est contraire à la constitution allemande. Elle justifierait une interdiction de Muslim Interaktiv et par conséquent sa dissolution», observe Susanne Schröter.

Pour contourner le problème, le groupe salafiste, idéologiquement proche du mouvement Hizb ut-Tahrir interdit en Allemagne depuis 2003 pour appels à la haine, notamment antijuive, a indiqué qu’il entendait instaurer un califat au «Proche-Orient» et non pas en Allemagne comme il le laissait d'abord entendre. Les formations politiques allemandes sont divisées sur les mesures à prendre pour contrer l'activisme de Muslim Interaktiv: la droite et l’extrême droite demandent son interdiction, la gauche, SPD et Verts, ne l’exigent pas.

«Mais tous les partis de gouvernement jugent la rhétorique de ces islamistes effrayante»
Susanne Schröter

Effrayante? Susanne Schröter développe:

«Muslim Interaktiv est un mouvement antisémite, qui cache son antisémitisme derrière ses appels à la destruction d’Israël. Hostile à la démocratie, le groupe ne reconnaît qu’une loi, celle, dit-il, du Coran. Il épouse les thèses décoloniales qui cherchent à culpabiliser les pays d'accueil en Occident. Il prône la séparation des sexes. Il organise des campagnes pour le voilement des femmes, y compris des petites filles, affiches à l’appui, sur les réseaux sociaux et en dehors des réseaux sociaux.»
Susanne Schröter

Ce n’est pas tout, poursuit la directrice du Centre de recherche sur l'islam global de Francfort:

«Muslim Interaktiv, à côté de ses conseils de comportement destinés à la jeunesse musulmane, organise des campagnes de dénigrement contre des musulmans libéraux, publiant leurs photos et les mettant en danger. Il a des relais idéologiques chez les universitaires et les gymnasiens.»
Susanne Schröter
Susanne Schröter.
Susanne Schröter.image: dr

«Serait-on aussi indulgent face des manifs nazies?»

Dans un tweet daté du 13 octobre, Susanne Schröter ne mâche pas ses mots. En voici la traduction: «Nouvelle démonstration de force islamiste à Hambourg. Est-ce là la nouvelle norme en Allemagne? Les politiques seraient-ils tout aussi indulgents à l’égard de rassemblements nazis, ou alors les gens croient-ils que l’islamisme fait partie d’un folklore haut en couleur?»

Apparu en 2020 à Hambourg, le groupe salafiste, adepte d’un islam littéraliste, supposément en vigueur au temps du prophète, est l’émanation d’un mouvement qui a vu le jour en 1953 à Jérusalem dans le giron des Frères musulmans. Créée en 1928 en Egypte dans le but de rétablir le califat disparu quatre ans plus tôt, la confrérie fut hostile à l'installation de juifs en Palestine, puis devint l'ennemie jurée d'Israël. Son fondateur, Hassan al-Banna, est le grand-père maternel du Genevois Tariq Ramadan.

Muslim Interaktiv rassemble environ 2000 sympathisants lors de ses meetings. Tenant des propos radicaux, il n’est pas violent physiquement. Cela ne l’empêche pas d’être intimidant. «Il participe de cet islam prescripteur présent en force sur TikTok et Instagram», note Susanne Schröter.

«On n’a pas affaire à des leaders islamistes venus d’ailleurs. Beaucoup sont allemands, nés en Allemagne»

A Francfort et Berlin aussi

Muslim Interaktiv a ses équivalents ailleurs dans le pays, qui se nomment Realität Islam et Generation Islam. Apparus sur la scène islamiste allemande quelques années avant Muslim Interaktiv, l’un est basé à Francfort, l’autre à Berlin.

«Combattre ces mouvements islamistes expose à des reproches venant de la gauche», déplore Susanne Schröter.

«J’essuie parfois des accusations d’islamophobie, quand bien même je ne confonds pas l’islam et l’islamisme. Mais j’ai aussi des soutiens au SPD et chez les Verts, chez ceux qui comprennent les enjeux liés à l’islamisme»
Susanne Schröter
Il plane au-dessus du Kilimandjaro en wingsuit
Video: watson
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