Ils sont redescendus dans les rues de Hambourg samedi 12 octobre avec toute la panoplie des slogans propres aux mouvements islamistes radicaux. «Takbir! Allah akbar!», Dieu est le plus grand, des mots entonnés autrefois par les armées musulmanes, ici des cris de ralliement, ponctués de la profession de foi islamique. Ils, ce sont les membres et sympathisants de Muslim Interaktiv, un groupe salafiste implanté dans la grande ville portuaire du Nord de l’Allemagne, surveillé comme le lait sur le feu par les services de la protection de la Constitution.
Thousands of Islamists from the organization Muslim Interaktiv met in Hamburg yesterday to demand the introduction of Sharia law in Germany.
— Visegrád 24 (@visegrad24) October 13, 2024
They also called for the Caliphate to be reestablished.
🇩🇪 pic.twitter.com/NJuDF1xjBn
Encadrés par un important dispositif policier, ils ont défilé, sono à fond, pour exiger la fin du «génocide à Gaza» et réclamer l’instauration d’un «califat». Les dizaines de milliers de morts gazaouis suite au massacre du Hamas du 7 octobre leur donnent des arguments. Mais leur revendication de toujours est le «califat». Ce mot renvoie aux premiers temps de l’islam. Il désigne l’organisation politico-religieuse qui vit le jour à la mort du prophète Mahomet et qui, très vite, prit la forme et la taille d’un empire, aboli en 1924 par la jeune république turque.
«Les membres de Muslim Interaktiv, un groupe apparu en 2020, jouent avec les lois de l’Allemagne», constate Susanne Schröter, la directrice du Centre de recherche sur l'islam global de Francfort (FFGI), jointe par watson. Le 27 avril dernier, lors d’une précédente démonstration de force à Hambourg, leur mot d’ordre, visible sur une pancarte, était des plus clairs:
«Sauf que vouloir le califat, c’est vouloir l’abolition de la démocratie. Cette exigence est contraire à la constitution allemande. Elle justifierait une interdiction de Muslim Interaktiv et par conséquent sa dissolution», observe Susanne Schröter.
Über die Gruppe habe ich bereits berichtet. "Muslim Interaktiv" übernimmt mit einer Kalifatsdemo Hamburgs Strassen.
— Martin Sellner (@Martin_Sellner) April 27, 2024
Weit und breit keine Antifa, kein Correctiv keine Faeser.
Das System verfolgt und quält Einheimische die ihre Heimat lieben bis aufs Blut.
👉 Fremde Nationalisten… pic.twitter.com/0JuVIdeCcl
Pour contourner le problème, le groupe salafiste, idéologiquement proche du mouvement Hizb ut-Tahrir interdit en Allemagne depuis 2003 pour appels à la haine, notamment antijuive, a indiqué qu’il entendait instaurer un califat au «Proche-Orient» et non pas en Allemagne comme il le laissait d'abord entendre. Les formations politiques allemandes sont divisées sur les mesures à prendre pour contrer l'activisme de Muslim Interaktiv: la droite et l’extrême droite demandent son interdiction, la gauche, SPD et Verts, ne l’exigent pas.
Effrayante? Susanne Schröter développe:
Ce n’est pas tout, poursuit la directrice du Centre de recherche sur l'islam global de Francfort:
Dans un tweet daté du 13 octobre, Susanne Schröter ne mâche pas ses mots. En voici la traduction: «Nouvelle démonstration de force islamiste à Hambourg. Est-ce là la nouvelle norme en Allemagne? Les politiques seraient-ils tout aussi indulgents à l’égard de rassemblements nazis, ou alors les gens croient-ils que l’islamisme fait partie d’un folklore haut en couleur?»
Wieder eine islamistische Machtdemonstration in Hamburg. Ist das die neue deutsche Normalität? Wäre die Politik bei Nazi-Aufmärschen ebenso nachgiebig oder glaubt man, Islamismus gehöre zur bunten Folklore? via @welt https://t.co/EHsiaj3hL9
— Prof. Dr. Susanne Schröter (@susannschroeter) October 13, 2024
Apparu en 2020 à Hambourg, le groupe salafiste, adepte d’un islam littéraliste, supposément en vigueur au temps du prophète, est l’émanation d’un mouvement qui a vu le jour en 1953 à Jérusalem dans le giron des Frères musulmans. Créée en 1928 en Egypte dans le but de rétablir le califat disparu quatre ans plus tôt, la confrérie fut hostile à l'installation de juifs en Palestine, puis devint l'ennemie jurée d'Israël. Son fondateur, Hassan al-Banna, est le grand-père maternel du Genevois Tariq Ramadan.
Muslim Interaktiv rassemble environ 2000 sympathisants lors de ses meetings. Tenant des propos radicaux, il n’est pas violent physiquement. Cela ne l’empêche pas d’être intimidant. «Il participe de cet islam prescripteur présent en force sur TikTok et Instagram», note Susanne Schröter.
Muslim Interaktiv a ses équivalents ailleurs dans le pays, qui se nomment Realität Islam et Generation Islam. Apparus sur la scène islamiste allemande quelques années avant Muslim Interaktiv, l’un est basé à Francfort, l’autre à Berlin.
«Combattre ces mouvements islamistes expose à des reproches venant de la gauche», déplore Susanne Schröter.