Alors que la Suisse a tergiversé au sujet de l'utilisation de munitions helvétiques par des chars d'assauts allemands en Ukraine, neutralité oblige, le reste de l'Occident commence à promettre et livrer des véhicules de combats aux troupes de Kiev.
Après les véhicules blindés de combat d'infanterie annoncés, les pays occidentaux vont-il se décider à mettre à la disposition de l'Ukraine des chars de combat lourds? La question fait rage en Allemagne, où Olaf Scholz a promis de faire de la Bundeswehr le «pilier» de la défense européenne face à la Russie.
La livraison de chars lours «serait la prochaine étape logique», a déclaré aux médias Patrick Sensburg, président de l'association des réservistes de l'armée allemande.
Et la Bundeswehr s'y connaît, en chars. Outre le fameux char de combat Leopard II, l'armée allemande aimerait mettre à disposition son véhicule blindé de combat d'infanterie, le Marder. Selon la tactique militaire établie par les stratèges allemands, le Marder ne déploie ses pleines capacités qu'en étant engagé aux côtés du Leopard II.
La tactique est la suivante: le Marder sécurise l'environnement immédiat, amène les fantassins au front et les ramène sur les arrières, tandis que le Leopard peut engager à distance les chars ennemis et les positions d'artillerie ennemis avec sa munition de plus gros calibre. Engagés en commun, ces deux chars pourraient faire office de vrai game changer en Ukraine.
La pression internationale augmente sur le chancelier Olaf Scholz pour qu'il renonce à son attitude hésitante et rende possible la livraison de Leopard. Car l'Allemagne a exporté ses chars Leopard, conçus durant la guerre froide, dans de nombreux pays européens depuis plusieurs décennies, et doit donner son accord, en tant que pays producteur, en cas d'engagement en Ukraine.
Au total, 13 pays européens disposent de plus de 2000 chars Leopard. Toutefois, seule une partie de ces chars est opérationnelle et devrait être remise en état avant toute livraison.
Mais la pression monte aussi à l'interne pour Scholz. Dans les cercles politiques allemands, les choses bougent depuis quelques temps, et ce de tous les côtés.
Ses partenaires de coalition au sein du gouvernement, les Verts, se montrent ouverts à l'idée d'équiper l'Ukraine de chars lourds. Ils souhaitent que l'Allemagne lance une «initiative européenne pour la livraison de Leopard II». Ses autres alliés, les libéraux du FDP, ont déclaré:
Et même au sein de l'opposition de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), des voix s'élèvent depuis plusieurs semaines pour pousser Scholz à prendre rapidement une décision en faveur d'une livraison de Leopard II.
Pendant ce temps, Olaf Scholz se montre, comme à l'accoutumée, très réservé et souligne que toute décision ne pourra être prise qu'en coordination avec les partenaires de l'UE et de l'Otan:
Son porte-parole a déclaré que le gouvernement allemand ne souhaitait pas changer de cap et qu'il n'avait «pas l'intention, à l'heure actuelle, de livrer des chars Leopard II à l'Ukraine».
Il semble toutefois que les choses bougent en coulisses. Selon le portail en ligne Politico, ce ne serait pas moins qu'Emmanuel Macron qui travaillerait à ce que Scholz change de position.
Et les médias britanniques annoncent que le Premier ministre Rishi Sunak a déjà préparé la livraison d'une dizaine de chars de combat Challenger II, comparables au Leopard II. Cela créerait un précédent qui mettrait une nouvelle fois Scholz sous pression.
Le 20 janvier, une réunion sur les livraisons d'armes à l'Ukraine aura lieu sur la base aérienne américaine de Ramstein, dans le sud de l'Allemagne. Il est fort possible que de nouvelles annonces y soient faites.
Entre-temps, à Bruxelles, l'UE et l'Otan ont signé une déclaration commune dans laquelle elles affirment vouloir porter leur coopération «à un nouveau niveau».
Pourtant, cela n'allait pas de soi: les deux organisations sont, dans une certaine mesure, en concurrence l'une avec l'autre. Alors que l'Otan est dominée par les Etats-Unis et considérée en Europe centrale comme le plus grand garant de la sécurité face à la Russie, Bruxelles et certains Etats d'Europe de l'Ouest comme la France aspirent à une plus grande autonomie stratégique dans le domaine de la défense.
Pendant plus d'un an, le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ainsi que le président du Conseil européen Charles Michel se sont disputés au sujet de cette déclaration, ayant de finalement parvenir à se mettre d'accord.