L'affaire aurait dû durer cinq minutes. Le temps de publier un «reel» sur Instagram et d'affirmer que «Tout va bien». Kate et William, éminents spécialistes dans l'art de paraître, connaissaient pourtant la méthode sur le bout des doigts. Mais les erreurs de communication et les approximations se sont accumulées. Et les voilà aujourd'hui, seuls, empêtrés jusqu'au cou dans un scandale à l'écho mondial. Sans doute le premier d'une telle ampleur depuis le «Megxit», en 2020.
Sauf qu'à l'époque du départ retentissant d'Harry et Meghan de la Firme, il y avait la reine. Elizabeth II, le socle de la famille. La matriarche qui savait tout gérer, tout appréhender, tout affronter. Des décennies de règne dans les rotules et presque aucun faux pas. Des scandales, des shitstorms, pourtant, la monarque en a connu. Bien plus graves qu'une bête photo de famille retouchée avec les pieds.
Avant cette succession de maladresses qui n'ont fait qu'exacerber la crise, tout avait pourtant plutôt bien commencé. Un pur communiqué à la sauce royale, le 16 janvier, émiettant quelques bribes d'informations strictement nécessaires. «Opération». «Réussie». «Pâques». Les excuses semblent authentiques, les mots pesés, le ton rassurant et réfléchi. La communication à priori maîtrisée.
Dans le monde idéal de la famille royale, un monde sans réseaux sociaux ni médias, personne ne poserait plus de questions jusqu'à son rétablissement et son retour aux affaires.
D'autant que l'opération ne tombe pas au meilleur moment pour le palais de Kensington, avec une équipe de communication en pleine restructuration, l'absence de directeur général et un tout nouveau secrétaire privés compétent, mais nouveau, pour William. Quant à Kate, rappelle le Daily Beast, elle n'en a actuellement pas du tout.
C'était sans compter sur les internautes pour combler le vide, les paparazzis pour poursuivre la traque, les journalistes pour poser des questions et émettre des hypothèses. Sans réponse du palais, les tergiversations auraient pu continuer de raisonner dans le vide encore un moment. Mais après des semaines de pression et de supplications de toutes parts, Kate et William ont fini par craquer. Leur première erreur.
Et leur première démonstration d'incompétence, avec un shooting hasardeux, un vendredi après-midi, sur la terrasse familiale, entre le retour de l'école des enfants et deux rendez-vous du prince de Galles. Une fenêtre de 40 minutes, détaille un «initié» du London Times. William, «pas nécessairement connu pour ses talents de photographe», s'empare d'un Canon à 3000 livres sterling. Le résultat est suffisamment convaincant pour être transmis au palais de Kensington pour validation. Seconde erreur.
Au soulagement général de voir Kate bien portante succède la suspicion. Puis un drame mondial. Face au tollé, Kate aurait affirmé que «l'honnêteté est la meilleure politique» et qu'il vaut mieux «admettre» sa méprise. Troisième erreur. Où est passé l'adage éternel, qui a fait le succès de la Firme pendant près d'un siècle?
A 11h30, le palais publie sur les réseaux sociaux des excuses signées personnellement. Un acte de contrition rarissime dans l'histoire de la famille royale. La bévue ultime.
Fruit d'un mélange d'errances, de tâtonnements, d'amateurisme, le «Gate Middleton» aurait été impensable il y a deux ans, lorsque la défunte reine était encore aux manettes. Elizabeth II, ce monstre de perfection, passée maître dans l'art de la communication silencieuse. Deux mots inscrits en lettres d'or dans son ADN.
Quitte à paraître distante et déconnectée, elle n'a jamais cédé d'un pouce à la pression populaire ou médiatique. Pas même ce 31 août 1997, lorsque des marées humaines jonchent les abords du palais de Buckingham de leurs larmes et bouquets de fleurs, après la mort tragique de Lady Diana. Sourde aux cris désespérés du peuple et aux gros titres accusateurs de la presse, Elizabeth a disparu. Murée dans un deuil digne et silencieux du château de Balmoral, aux côtés de ses deux petits-enfants. Il faudra attendre cinq jours, interminables, sans doute insupportables, pour qu'elle sorte enfin du silence et de sa voiture devant les grilles du palais.
Le 5 septembre, Elizabeth II prononcera un rarissime discours en direct à la télévision. Une allocution parfaite, nécessaire. Suivie le lendemain, jour des funérailles, de la plus grande violation du protocole qu'elle ait sans doute jamais commise: au passage du cortège funéraire de Diana, la reine d'Angleterre baisse la tête. Un simple mouvement de nuque qui plie la fureur populaire à sa volonté.
De bout en bout, pour la souveraine, tout a été conscient. Maîtrisé. Etait-ce un don inné? Du talent? De la chance? Elizabeth II aurait-elle géré différemment le désastre de relations publiques de son petit-fils et de sa femme? Aurait-elle craqué, elle, sous la force de pression des médias sociaux?
Nous ne le saurons jamais. Quant à la nouvelle génération, si elle ne veut pas que ce cauchemar s'éternise pour les 70 prochaines années, elle ferait bien de s'inspirer de la méthode éprouvée. A moins que l'ère elizabéthaine ne soit définitivement révolue. Et que le chaos perdure.