En mars 2024, lorsque qu'une centaine de policiers armés déferle sur l'île de Star Islands, au large de Miami, dans la gigantissime villa de P. Diddy, à grand renfort de véhicule blindé et chiens renifleurs, il semble légitime de s'attendre au pire.
Dans quoi trempe exactement l'ange déchu de l'industrie musicale, sous le coup de dizaines et de dizaines d'accusations d'agression sexuelle? On se l'imagine avec quelques frissons d'horreur. Une cave pleine d'enfants, digne du «pizzagate» que promeut le mouvement conspirationniste QAnon? Un Disneyland façon Michael Jackson?
Un sentiment renforcé par l'omerta autour de Diddy. Un halo noir qui l'a protégé tout au long de sa carrière de plus de 30 ans. Sa puissance effraie même la police, comme se souviendra une ancienne employée à son procès, début juin. «L'autorité de Puff était supérieure à celle de la police», rappelle Mia, qui témoigne avoir été arrêtée à Los Angeles, pour excès de vitesse.
Et puis, comme les personnages d'une série noire sur Netflix, les noms de célébrités ont commencé à être égrainés dans la presse tabloïd. Justin Bieber en supposée victime innocente (il a démenti via son porte-parole). Beyonce et Jay-Z en complices présumés (ils ont menacé de porter plainte pour diffamation). Usher ou Ashton Kutcher en témoins silencieux (nous n'irons pas jusqu'à dire traumatisés).
Sans oublier des détails épars sur la vie sexuelle du rappeur avec des mots-clés comme «orgies», «huile pour bébé» ou encore «marathons sexuels».
En septembre 2024, Sean Combs a été inculpé et arrêté pour des accusations fédérales incluant trafic sexuel, travail forcé, enlèvement et racket, sans possibilité de remise en liberté sous caution.
Alors, forcément, il y avait matière à discussion. Voire à comploter. Sur internet, vous aurez pu lire que les incendies de Los Angeles du mois de janvier auraient soi-disant permis de faire disparaître des preuves de la participation de plusieurs célébrités aux activités de Diddy. Ou encore que le Parti démocrate tremperait dans l'affaire. Donald Trump lui-même avait impliqué Kamala Harris sur son réseau Truth Social, l'automne dernier:
Sans oublier les politiciens, princes et autres figures du monde des affaires prétendument liés au «Jeffrey Epstein du rap». Barack Obama, suggère l'influenceur de droite Charlie Kirk, sur son podcast.
Will Smith, pour sa part, serait allé jusqu'à vendre l'un de ses enfants au rappeur déchu.
Quant à Jay-Z et Beyonce, ils auraient commis des crimes similaires à ceux dont Diddy est accusé, selon un chanteur Jaguar Wright, dans une interview au journaliste vedette Piers Morgan (qui a retiré toute mention du couple de l'entretien après des menaces de poursuites judiciaires pour diffamation).
Entamé à Manhattan il y a un mois tout pile, le procès de Diddy, qui a vu s'enchaîner les témoins et les détails salaces, n'a toutefois pas encore révélé l'existence d'un réseau de malfaiteurs planqués sur des yachts ou des villas à plusieurs millions de dollars.
Si le procès a réussi à démontrer que Diddy est un affreux personnage, rien, en revanche, sur une éventuelle conspiration. Décevant, peut-être, nos attentes de révélations plus croustillantes. Voire sordides.
Les témoignages se sont jusqu'à présent «limités» aux détails étranges et dérangeants de la vie sexuelle et privée d'une poignée de nantis. Ils ont aussi - et surtout - dessiné le portrait peu glorieux d'un Diddy violent, colérique, contrôlant, exigeant, manipulateur, tout-puissant. Sans oublier les contours tordus de sa relation de pouvoir sur Cassie et de nombreuses petites amies.
«Cette affaire ne m'intéresse absolument pas, jusqu'à ce que Diddy commence à citer des noms», lançait Asmongold, un streamer populaire sur Twitch qui commente l'actualité quotidienne pour un large public constitué principalement de jeunes hommes.
«Peut-être parce que les histoires de cabales hollywoodiennes démoniaques offrent un récit simple et clair, qui ne nous invite pas à réfléchir à la manière dont la violence domestique et la coercition sexuelle se perpétuent réellement», suggère Spencer Kornhaber dans The Atlantic. Beaucoup préfèrent se détourner des questions que soulèvent vraiment ce procès pour lui préférer des fantasmes et la fiction.
En attendant, les amateurs de complots risquent d'être déçus. Selon une experte juridique dans Page Six, il est très «improbable» que Diddy témoigne lors de son procès à New York, qui doit s'achever le 4 juillet prochain. Et donc de lâcher «les noms» tant attendus.