Elle paraissait parfois un peu lasse, Casandra Ventura, ce jeudi, au moment d'affronter les avocats de Sean Combs. Difficile de lui en vouloir. Après deux jours à témoigner sur sa relation tumultueuse de dix ans avec l'ancien magnat musical, et à détailler les violences et les abus qui l'ont émaillé, voilà la chanteuse confrontée au contre-interrogatoire. Six heures de mise à l'épreuve par la défense. La stratégie est bien rodée.
En une phrase? Miner la crédibilité de Cassandra Ventura. Mettre à l'épreuve la cohérence de son récit poignant d'une relation abusive et coercitive criblée de violence. Parfois à la limite du supportable.
Loin d'être une victime, Casandra est décrite par les avocats de Diddy comme une femme «forte» et «capable». Surtout, une participante consentante et enthousiaste aux marathons sexuels de longue haleine impliquant des prostitués et escorts masculins, organisés par son ex-amant.
Le consentement de Casandra Ventura aux «freak-offs» est un point de litige crucial dans ce procès.
Quant à Sean Combs, il s'agit pour ses avocats de «l'humaniser». Toutes ces années, il n'aurait été qu'un toxicomane victime de ses sautes d'humeur. Si la défense reconnaît volontiers son «mauvais caractère» et sa jalousie crasse, ainsi que les violences conjugales subies par Casandra Ventura, elle nie farouchement toute tentative de racket ou de trafic sexuel. Des chefs d'accusation pour lesquels il encourt la prison à vie.
Quant aux préférences sexuelles du magnat déchu, elle s'inscriraient dans un mode de vie «échangistes» - mais surtout pas à du trafic sexuel.
Pour étayer cette thèse d'une relation consentie, Anna Estevao, l'une des avocates de Sean Combs, s'est armée d'un déluge de SMS et de courriels archivés avec son ancienne compagne. Certains affectueux, d'autres censés démontrer l'enthousiasme de Cassie Ventura à participer aux «freak-offs», tous exposés sous les yeux du jury.
«Je suis toujours prête pour un break-off lol», écrit-elle dans un message, en 2009. «Ça peut avoir lieu n'importe quand», répond-elle une autre fois lorsque son amoureux lui demande la date de leur prochain marathon sexuel.
En 2017, alors que leur relation touche à sa fin, Cassie se dit «super excitée» de revoir son amant à l'occasion de leur prochaine orgie. La même année, tandis qu'elle se rend dans un sex-shop pour s'approvisionner, Sean Combs lui écrit: «Amuse-toi bien, impressionne-moi.»
Force est de constater que Cassie Ventura décrit en effet explicitement à plusieurs reprises les actes sexuels envisagés. Elle a participe également activement à la planification logistique des «rencontres». Une tactique, avait-elle expliqué lors de son témoignage les jours précédents, de feindre l'intérêt pour éviter la colère de Diddy.
D'autres messages exposent ses inquiétudes à l'idée d'être instrumentalisée. En 2009, Cassie confesse à Diddy que, si ces échanges lui «semblaient normaux» au début de leur relation, ils commencent à la faire se sentir «un peu sale et crasseuse, au lieu d'être sensuelle et spontanée».
Durant le contre-interrogatoire, il sera aussi longuement question de l'amour entre Sean Combs et Cassandra Ventura. Des sentiments profonds que Cassie reconnaît volontiers. Tout comme ses rêves de construire un futur avec le rappeur. Son empressement à adopter le même mode de vie et à entrer dans son monde. Ou encore leur addiction commune à la drogue, qui a rythmé leurs dix ans de vie commune.
La lecture de ces échanges intimes dans la salle d'audience bondée du 26e étage, où son mari Alex Fine était assis, tout comme la famille de l'accusé, n'a pas eu raison de la patience de la témoin. Tout au long de sa troisième journée à la barre, Cassie Ventura est restée calme et sereine, selon le New York Times.
Si ces messages renvoient parfois une impression positive, Cassie tient cependant à préciser le revers e la médaille: l'autre côté de Sean Combs, celui qu'elle a découvert à mesure qu'ils passaient plus de temps ensemble. Un côté sujet à la violence, à la jalousie et à la rage.
Les avocats de Sean Combs doivent poursuivre le contre-interrogatoire ce vendredi. Avant l'arrivée de nouveaux témoins pour prendre la place de Casandra Ventura, la personnalité la plus attendue de ce procès qui se prolongera jusqu'en juillet.