Le «Weinstein du rap». «L'Epstein du music business». Un «monstre». Depuis que les fédéraux sont venus le cueillir dans le lobby du Park Hyatt Hotel de Manhattan, le 17 septembre dernier, celui que l’on nommait Puff Daddy, Puffy, Diddy ou encore P. Diddy se ramasse des surnoms moins glamour qu'au temps de son (gigantesque) succès.
Le rappeur et producteur le plus puissant de sa génération risque désormais la prison à vie pour «complot de racket, trafic sexuel et transport à des fins de prostitution». Alors qu'il croupit derrière les barreaux du Metropolitan Detention Center de Brooklyn après s'être vu refuser une libération sous caution, Sean «Diddy» Combs fait suer une bonne partie de l'Amérique, tant son existence semble n'être qu'un puits sans fond de frasques, toutes plus immondes les unes que les autres.
Bien sûr, il y a les accusations officielles. Viols, violences sexuelles et contraintes en tout genres, dans ce que le ministère public décrit comme une véritable «entreprise criminelle» qui fonctionnerait comme une mafia, avec ses capos, ses codes, ses règlements de compte et sa loi du silence. Au sommet, Sean Combs, en parrain parfois plus volontiers craint que respecté.
C'est du moins ce que laissent transparaître les récits foutraques qui déboulent désormais en flux tendu. Car c'est toute une époque qui remonte à la surface. Un monde que l'on imaginait naïvement gorgé de luxure, de pognon et d'excentricités, comme Miami, Los Angeles, les rappeurs bling-bling en général et Diddy en particulier, savent nous le vendre depuis les nineties.
Aujourd'hui, le temple de l’éblouissante réussite s'est transformé en antre de l'enfer, dans lequel de nombreux crimes pourraient avoir été perpétrés. A la justice d'éclaircir cette affaire, qui pourrait bien être le plus grand scandale d'une industrie musicale qui a toujours été très opaque.
Depuis l'arrestation du rappeur, bon nombre de célébrités se retrouvent désormais sous le feu des projecteurs. Lesquels? Bah, toutes. Ou presque. Car il serait plus rapide de lister les stars qui n'ont pas gravité dans son sillage ou participé à l'une de ses célèbres soirées orgiaques ces trente dernières années. A l’époque, il fallait en être, comme on dit. Refuser une invitation de Diddy pouvait freiner (briser?) des carrières, tant l'homme régnait fermement sur l'empire de la pop, tel un Jules César de la débauche.
Il faut dire que le réseau du rappeur balayait large. Musique, cinéma, finance, politique, Sean Combs pouvait se montrer aussi à l'aise avec Barack Obama et Kamala Harris, pour qui il avait organisé de gigantesques collectes de fonds, à ses potes du hip-hop, jusqu'aux mannequins et aux stars d'Hollywood. La A list, la vraie, comme disent les Américains.
Les soirées du magnat du hip-hop ont toujours suscité de nombreux fantasmes. Si des photos et des vidéos, prises parfois par des agences de presse conviées par le boss, dévoilaient goulûment le faste, les stars, les bulles et les rires, ce qui s'y tramait en réalité semble s'éloigner de la douce garden-party réservée à l'élite.
Les nombreux récits et témoignages dressent un tableau sordide de l'entreprise de celui qui attend désormais son procès. Le principal intéressé, dans une vidéo prémonitoire datant de 1999, sentait déjà que ses soirées n'étaient pas du goût de tous et notamment des autorités.
Aujourd'hui, grâce notamment aux réseaux sociaux, on réalise à quel point les sauteries de «Diddy» ont, au mieux, marqué de nombreuses célébrités. Quand elles n'en sont pas sorties simplement traumatisées. Car l'acte d'accusation évoque des «Freak Offs», autrement dit des «performances sexuelles élaborées et produites» par Sean Combs, durant lesquelles «l'huile pour bébé» et la drogue coulaient manifestement à flots.
Des orgies par «contrainte», où des femmes auraient été forcées de se livrer à des «actes sexuels avec des travailleurs de sexe masculin». Diddy lui, «filmait et se masturbait». Bonjour l'ambiance.
Les questions désormais sur toutes les bouches ont de quoi embarrasser le milieu des happy fews: qui sait quoi? Qui a participé à quoi? Quand? Avec qui? Pour y faire quoi? Jusqu’où? Pour comprendre le malaise, il suffit d’assister à l’étrange ballet composé à la fois d’anciennes ou de nouvelles confessions et passablement de bouches cousues. Pour ne citer que lui, Ashton Kutcher, qui a fait la connaissance de Diddy sur MTV, en co-présentant avec lui l'émission Punk'd, semble par exemple avoir de quoi vider son sac, mais...
Ashton Kutcher Hints There's Much More About Diddy’s Parties He Can’t Reveal
— Johncast (@johncastnow) September 22, 2024
"I've got a lot I can't tell... Diddy party stories, man. That was like some weird memory lane."https://t.co/31wR6zbt5M
Video: @YayAreaNews pic.twitter.com/b6sHO09sEP
Parmi les nombreuses célébrités ayant eu droit au tsunami Diddy, on trouve surtout Justin Bieber. Ce talent précoce, catapulté dans le business alors qu'il n'était encore qu'un adolescent, faisait saliver des producteurs flairant la machine à cash. Alors âgé de 15 ans, Bieber s'est très vite retrouvé sous l'aile de Sean Combs. Dans une vidéo amateur qui, elle aussi, refait surface depuis l'arrestation du rappeur, on découvre le gamin sur le point de vivre une étrange expérience.
This clip of P Diddy (40) and Justin Bieber (15) has been going viral along with the clip of Diddy asking a 17 yr old Justin Beiber why he doesn't wanna hang out with him anymore…
— BAY AREA STATE OF MIND (@YayAreaNews) September 19, 2024
It’s super creepy seeing all these videos of Diddy coming to light, but what's really concerning… pic.twitter.com/3yRcsW8vm2
A l'aune des multiples accusations qui pèsent sur les épaules de Sean Combs, ces quelques confessions paraissent encore plus sinistres. Que vient faire un gosse dans une soirée de débauche, aussi talentueux soit-il? Au début de sa carrière, Bieber était encadré par le rappeur Usher, qui lui aussi s'était retrouvé dans l'antichambre de Diddy, qu'il évoquera un jour en disant avoir vu des «choses très curieuses».
Justin et Sean ont longtemps traîné ensemble, en studio, en soirée, devant les caméras. De quoi susciter de nombreuses théories, parfois fumeuses. Si dans une vraie chanson de la star, baptisée Lonely, on entend Justin chanter que «tout le monde m'a vu malade/Et j'avais l'impression que personne ne s'en souciait/Ils ont critiqué les choses que j'ai faites quand j'étais un enfant idiot», un autre morceau a fait trembler les réseaux sociaux alors qu'il a été fabriqué avec l'aide de l'intelligence artificielle.
Justin Bieber, qui ne s'est pas encore exprimé sur l'arrestation de son mentor, serait «tellement perturbé par la nouvelle concernant Diddy qu'il ne veut pas en discuter et qu'il s'est coupé de tout», affirme le Daily Mail, en citant des proches du jeune papa. On se souvient en revanche qu'il appelait à protéger Billie Eilish des crocs du business, les larmes aux yeux:
Justin Bieber said he wanted to ‘protect’ Billie Eilish from music industry in video that resurfaced after Sean ‘Diddy’ Combs’ sex crimes arrest https://t.co/QYvAWSfIiN pic.twitter.com/YbkVRbchnl
— New York Post (@nypost) September 25, 2024
De nombreuses personnalités ont d'ailleurs décidé de garder le silence. Jusqu'aux anciennes compagnes de Diddy, de Jennifer Lopes à Naomi Campbell. Hormis les nombreuses plaignantes ou le rappeur 50 cent, les bouches sont cousues.
Et pour l'opinion publique, trier le vrai du faux va devenir de plus en plus difficile. Sean Combs a côtoyé tellement de célébrités qu'il devient difficile de s'assurer que les archives et les déclarations en sont bien. Si Khloé Kardashian a bien fréquenté une White Party «jusqu'à 5h30 du matin avec un groupe qui comprend Bieber et Diddy», confessant au passage que «la moitié des gens étaient nus», Lebron James ne s'est jamais affiché en soubrette chez Sean Combs.
Pour sûr que le procès de Sean «Diddy» Combs dévoilera très de nouvelles informations, sachant que le ministère public promet de «nombreuses preuves, photos et vidéos», en plus des échanges SMS et des témoins qu'il a déjà sous le coude.
Une chose est sûre, depuis Harvey Weinstein, jamais une affaire pénale n'avait autant crispé le petit milieu des célébrités américaines. Et parce que le pouvoir n'est pas aussi centralisé dans la musique qu'il ne l'est dans le cinéma, ce scandale s'annonce tentaculaire.