«Enfin!», auront pensé de nombreux Ukrainiens. Après des mois de débats, Kiev devrait recevoir des avions de combat F-16 en provenance du Danemark et des Pays-Bas.
L'euphorie est grande dans le pays: «Je suis très reconnaissant», a déclaré le président ukrainien Volodymyr Zelensky lors d'une visite au Danemark.
Zelensky s'était également rendu aux Pays-Bas. Au total, l'Ukraine devrait recevoir 61 avions des deux pays.
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Il s'agit sans aucun doute d'une étape importante pour les dirigeants ukrainiens. Après de longs débats sur les chars d'assaut et sur les missiles à longue portée, l'Occident a décidé de livre des avions de combat de conception occidentale. Cela donne un peu de répit à Zelensky et réduit la pression. La livraison des F-16 est une avancée politique à un moment où l'armée ukrainienne ne parvient pas à faire une percée majeure sur le front.
Very productive, focused, and concrete talks with @Statsmin Mette Frederiksen.
— Володимир Зеленський (@ZelenskyyUa) August 20, 2023
Our pilots and engineers have already began their training in Denmark.
Denmark will provide Ukraine with 19 F-16s. We are working on the speed of preparations.
During the talks we also discussed… pic.twitter.com/WyPVZ5meLj
Aujourd'hui encore, la contre-offensive ukrainienne reste en deçà des attentes de Kiev et de l'Occident. Zelensky a besoin de succès pour apporter de l'espoir à l'Ukraine. Les avions de combat occidentaux arrivent donc à point nommé.
Mais les F-16 ne sont pas non plus une arme miracle. Ils augmenteront la capacité de l'Ukraine à lutter plus efficacement contre les attaques aériennes russes. Mais peuvent-ils faire pencher la balance en faveur de Kiev? De nombreux doutes persistent à ce sujet.
L'un des plus gros problèmes est que, sur les 42 jets que les Pays-Bas veulent livrer, seuls 24 sont actuellement opérationnels. Les 19 F-16 danois devraient en revanche être prêts à l'emploi. Malgré cela, les avions ne pourront pas faire la différence sur les champs de bataille avant longtemps, l'Ukraine ne peut s'attendre à un engagement qu'à la fin de l'année.
L'Ukraine considère néanmoins cette livraison comme une partie importante d'un bouclier contre les attaques russes. «L'Ukraine aura une force aérienne moderne, nos pilotes piloteront des F-16, le ciel sera mieux protégé, nous jetterons les Russes hors de notre espace aérien», a écrit sur la messagerie Telegram le chef de la présidence de Kiev, Andryi Yermak, qui accompagnait Zelensky lors de son voyage.
Cependant, l'Ukraine ne devrait recevoir les premiers F-16 qu'au début de l'année prochaine: bien plus tard qu'espéré. Les avions de combat devraient être livrés dès que la formation des pilotes ukrainiens sur les appareils sera terminée.
Kiev espère reprendre le contrôle de son espace aérien. L'Ukraine veut également utiliser les avions pour percer les lignes de défense russes dans les zones occupées dans l'est et le sud du pays. Dans ces régions, les troupes au sol ne progressent que lentement dans leur contre-offensive, en raison des champs minés. Mais est-ce réaliste?
«Les F-16 vont aider l'Ukraine à moyen terme, mais ils ne sont pas non plus un game changer», explique Gustav Gressel, expert militaire auprès du Conseil européen pour les relations internationales (ECFR). Aujourd'hui déjà, l'armée de l'air ukrainienne est souvent appelée à intervenir contre des drones iraniens ou contre des missiles de croisière.
Cela signifie que les avions de combat ukrainiens remplissent actuellement des missions essentiellement défensives. Il en sera probablement de même pour les F-16 occidentaux. Ce qui revêt d'une importance stratégique existentielle: avec une armée de l'air ukrainienne en état de marche, il devient plus difficile pour les Russes de faire valoir leur souveraineté aérienne.
Mais la valeur réelle des F-16 sur les champs de bataille dépend surtout de la quantité de munitions que l'Occident peut fournir à ces avions de combat. Le temps presse: «Pour les Su-27 et les MiG-29 dont Kiev dispose actuellement, le ravitaillement en munitions pose problème. La Pologne, la Bulgarie ou la Slovaquie ont fourni des missiles avec leurs appareils, mais ceux-ci sont désormais presque épuisés», explique l'expert.
De plus, des attaques russes auraient touché des dépôts de munitions de l'armée aérienne ukrainienne au début de l'été 2023. «Cela touche évidemment l'Ukraine de manière particulièrement dure, car il est difficile de trouver ces munitions sur le marché mondial», estime Gustav Gressel.
Dans l'ensemble, il est considéré comme peu probable que les F-16 puissent changer la donne dans la guerre. Ils ne sont qu'une pièce importante du puzzle dans l'objectif de l'Ukraine de libérer d'autres parties de son territoire national. Ils doivent en effet empêcher la Russie de mieux utiliser sa supériorité aérienne.
Bien que modernes, ces avions ne peuvent probablement pas changer grand-chose au fait que l'aviation militaire de Vladimir Poutine est nettement supérieure. En effet, la Russie n'utilise les capacités de son armée de l'air qu'avec parcimonie.
Il y a une raison à cela:
«Désormais, la Russie fait preuve d'une grande prudence avec son aviation militaire, puisque les chiffres de production des avions de combat russes sont relativement faibles», poursuit le spécialiste.
La Russie ne prend donc pas le risque de perdre beaucoup d'avions de combat pour contrôler des sections du front. La stratégie de l'armée russe fait traditionnellement confiance à sa propre artillerie et à ses formations mécanisées, étant donné qu'avant le début de la guerre, il y avait encore beaucoup de vieux appareils datant de la guerre froide. En d'autres termes, les avions de combat russes sont principalement utilisés pour lancer des missiles de croisière à distance de sécurité et pour surveiller l'espace aérien.
Cela explique pourquoi la réaction russe à la livraison des F-16 à l'Ukraine a été relativement calme. Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, avait déjà mis en garde contre le risque d'une nouvelle escalade de la violence dans la guerre. Le commandement militaire à Moscou avait également clairement indiqué qu'il ne se laisserait pas détourner de ses objectifs militaires en Ukraine par les livraisons d'armes de l'Occident.
Après tout, le sujet a été longuement débattu, et les pays de l'OTAN ont déjà annoncé qu'ils allaient former des pilotes ukrainiens. Il s'agissait par conséquent d'un scénario auquel le Kremlin pouvait se préparer depuis plusieurs mois.
Même si les F-16 ne feront peut-être pas une grande percée sur le front, ils sont néanmoins importants pour Kiev. Non seulement ils renforceront les capacités de l'armée de l'air ukrainienne, mais ils ouvriront également la porte à d'autres livraisons d'avions de combat de l'Ouest. C'est un grand pas en avant pour l'Ukraine.
(Traduit et adapté par Chiara Lecca)