Au Congrès, les préparatifs pour les allègements fiscaux promis par Donald Trump durant sa campagne électorale vont bon train. Et les Républicains veulent les mettre en place coûte que coûte.
La Chambre des représentants a récemment adopté une résolution qui prévoit, pour l'année en cours, des réductions d'impôts pouvant atteindre 4,5 billions de dollars, ainsi qu'un relèvement du plafond de la dette de quatre billions de dollars.
Si jamais, ça s'écrit: 4 000 000 000 000$.
Son niveau est pourtant déjà bien alarmant. En 2024, la dette américaine a augmenté de 1,8 billion de dollars, soit plus de 5% du produit intérieur brut (PIB). Rappelons que, selon des critères de Maastricht, l'Union européenne autorise une dette publique annuelle maximale de 3% du PIB, et une dette totale maximale de 60% du PIB. Aux Etats-Unis, on dépasse déjà de deux fois ces limites.
Bon, assez parlé chiffres. L'important, c'est de garder à l'esprit qu'une telle évolution de la dette publique peut déclencher des réactions sur les marchés financiers. Maya MacGuineas, présidente du Committee for a Responsible Federal Budget, met ainsi en garde dans le Financial Times contre «une telle croissance astronomique», compte tenu de la dette publique actuelle. Elle ajoute:
Mais Donald Trump aime ça. Avant lui, aucun président américain n'avait autant augmenté la dette américaine en un seul mandat, comme il l'avait fait entre 2017 et 2021. Et la probabilité qu'il le fasse une deuxième fois est grande. Parce que son plan consiste à compenser les baisses d'impôts par des coupes dans le budget de l'Etat, ainsi que par des recettes provenant de nouveaux droits de douane bien plus contraignant. Et ces désirs sont considérés comme illusoires par la plupart des économistes.
Mais si la dette publique continue d'augmenter dans les proportions actuelles, les «Bond Vigilanties», les justiciers obligataires, pourraient entrer en scène. C'est ainsi qu'on nomme les investisseurs qui achètent et revendent des morceaux de dettes publiques à long terme.
James Carville, un important conseiller de Bill Clinton, avait l'habitude de dire sur le ton de la plaisanterie qu'il aimerait bien revenir au monde dans sa prochaine vie en tant que marché obligataire, car celui-ci est plus puissant que le président américain.
En gros, ces régulateurs sont là pour contraindre les gouvernements à plus de discipline financière. Dans le cas des Etats-Unis, cela concerne en premier lieu les T-Bonds, les bons du Trésor, soit les emprunts d'Etat à dix ans et qui constituent le cœur du système financier international.
Si les justiciers obligataires se débarrassent à large échelle des obligations acquises, le cours de ces bons finit par baisser. Pour trouver de nouveaux acheteurs, le gouvernement doit proposer un rendement plus élevé pour les nouveaux emprunts. Cette situation finit par augmenter le coût de la dette pour le gouvernement, et peut déclencher une réaction en chaîne sur les marchés financiers, qui risque alors d'échapper à tout contrôle.
Après 49 jours seulement d'exercice, la première ministre britannique Liz Truss avait ainsi été chassée de son poste par des «Bond Vigilanties».
Aux Etats-Unis, le rendement des T-Bonds a déjà augmenté en raison de l'inflation, qui n'a toujours pas été résolue, et de la crainte de nouvelles dettes publiques. Leur valeur s'élevait temporairement à 4,9%, mais est actuellement légèrement redescendue à 4,6%. L'ambiance chez les acteurs du marché est en ce moment marquée par la nervosité.
David Kelly, Global Strategist chez J.P. Morgan Asset Management, déclare au Financial Times:
Pour l'instant, on attend de voir, mais David Kelly prévient que si des déficits encore plus importants sont inclus dans la prochaine loi fiscale, «le marché réagira négativement».
Les «Bond Vigilantes» ne sont pas les seules à pouvoir mener la vie dure au gouvernement américain. La Chine et le Japon sont assis sur une montagne d'obligations du Trésor. Récemment, le pays a démarré un nettoyage partiel de cet énorme tas.
Andy Brenner de NatAlliance Securities explique non seulement «il n'y a actuellement aucun intérêt pour la Chine d'acheter encore des bons du trésor», mais également:
Bien entendu, les Etats-Unis ne sont pas le Royaume-Uni, et Donald Trump n’est pas Liz Truss. Il est impossible que les marchés obligataires le chassent de la Maison-Blanche. Mais ils peuvent lui rendre la vie difficile. Si Trump redoute une chose, ce sont les turbulences sur les marchés financiers, en particulier sur les boursiers. Or, une crise obligataire aurait inévitablement un impact sur Wall Street.
C’est pourquoi David Kelly avertit :