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Macron: sa politique marche-t-elle encore?

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Le président français Emmanuel Macron, le 4 avril 2023.Image: EPA AFP POOL
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La Macronie marche-t-elle encore?

Un an après la réélection d'Emmanuel Macron et alors que la France s'enfonce dans la contestation, que penser de la politique menée par le président de la République? Au départ présenté comme un innovateur, Macron cumule, depuis, les épisodes de fracturation. Rétrospective.
23.04.2023, 08:0023.04.2023, 10:41
Pierre Bréchon / the conversation
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The Conversation

Dans quelles conditions le second quinquennat d'Emmanuel Macron peut-il se poursuivre? L'actualité sociale et politique permet de douter d'un déroulement politique serein au vu des nombreuses mobilisations, aussi bien sur le front social (mouvement contre la réforme des retraites) mais aussi écologique et politique, avec un fort bouleversement de la vie parlementaire et partisane.

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Au cœur de la crise politique actuelle figure la personnalité du président, fortement décriée par ses adversaires politiques et également désormais critiqué à l'étranger. Le socialiste Boris Vallaud n'a ainsi pas hésité à qualifier le chef de l'Etat de «forcené retranché à l'Elysée». Comment comprendre cette situation et cette crispation un an après l'élection d'Emmanuel Macron pour un second mandat?

"Macron est un forcené. Un forcené, ça se déloge": les mots de Boris Vallaud ont été repris au cours d'une manifestation à Mullhouse, en France, le 6 avril 2023.
Les mots de Boris Vallaud ont d'ailleurs été repris au cours d'une manifestation à Mulhouse, en France, le 6 avril 2023.Image: Shutterstock

Un président inattendu

Emmanuel Macron avait émergé de manière assez imprévue dans la campagne présidentielle de 2017. Ministre de l'Economie de François Hollande jusqu'à fin août 2016, il avait progressivement pris ses distances avec le camp socialiste avant de lancer son propre mouvement «En marche».

En se présentant comme à la fois de gauche et de droite, en s'affirmant libéral en économie et sur les questions sociétales, mais favorable à des politiques sociales, soutenant clairement la construction européenne, il se proposait de bouleverser la politique française, publiant même un essai intitulé Révolution. Au programme: la promesse d'un nouveau monde.

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Le président français Emmanuel Macron, saluant d'une voiture militaire en route vers le célèbre boulevard des Champs Elysées, après la cérémonie de passation de pouvoir à Paris, France, le 14 mai 2017.Image: EPA

Rejoint par un certain nombre de socialistes déçus par les fractures internes du parti entre socio-libéraux et frondeurs, Emmanuel Macron parvient peu à peu à rallier un électorat très composite malgré une forte abstention et crée un parti d'apparence solide, La République en marche (LREM). Il est très largement élu (66,1 % des suffrages).

Stratégie de fracturation aux législatives de 2017

La stratégie d'Emmanuel Macron a reposé sur une forme de fracturation de l'ensemble partisan. Pour obtenir une majorité à l'Assemblée nationale en dépit d'un faible nombre de députés ralliés, il nomme le juppéiste Edouard Philippe et acquiert ainsi l'attention d'une certaine frange de la droite.

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Le président français Emmanuel Macron (gauche) et le premier ministre Edouard Philippe (droite) au garde-à-vous lors d'une cérémonie à la statue du général Charles de Gaulle pour marquer le Jour de la Victoire à Paris, le 8 mai 2019.Image: AP

Le gouvernement, savamment dosé entre personnalités de gauche, du centre et de droite, annonce très vite des mesures populaires. Après un appel d'offres pour susciter des candidatures (15 000 recensées), il investit un candidat dans chaque circonscription, souvent des personnes peu connues et totalement novices en politique.

Contre toute attente, les candidats LREM obtiennent un très bon résultat (28,2 % des suffrages) auquel il faut adjoindre 4,1 % pour ceux du Mouvement démocrate (MoDem). La nouveauté des candidats sur la scène politique a joué en leur faveur alors qu'un fort mouvement de «dégagisme» affectait les élus sortants, particulièrement ceux de gauche. Le deuxième tour confirme le premier et LREM obtient 308 élus et le MoDem 42.

Il dispose donc d'une majorité absolue très conséquente pour appliquer ses réformes. Le système partisan français, qui reposait sur l'alternance au pouvoir de deux partis de gouvernement, est complètement chamboulé au terme de ce cycle électoral. Mais la nouvelle majorité réunit des sensibilités politiques très variées, ce qui laissait prévoir des divisions et d'éventuelles recompositions.

Au cours de la mandature, LREM a perdu des sièges et des partis satellites se sont développés, avec à la fois des députés sortants de LREM et d'autres quittant Les Républicains (LR) ou l'Union des démocrates et indépendants (UDI). Un groupe d'une vingtaine de députés LREM de centre gauche, qui voulaient davantage d'écologie et de social, prennent aussi leur indépendance en mai 2020, ce qui fait perdre à LREM la majorité absolue dont elle disposait à elle seule. Et Edouard Philippe, remplacé par Jean Castex comme premier ministre, lance en 2021 le parti Horizons pour peser davantage au sein de la majorité.

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Le premier ministre français sortant Edouard Philippe (gauche) flanqué du nouveau premier ministre Jean Castex (droite) lors d'une cérémonie de remise à l'hôtel Matignon, Paris, France, le 3 juillet 2020.Image: EPA

LREM n'a pas su se structurer, ne conférant aucun pouvoir réel à ses adhérents. Fonctionnant comme un mouvement très vertical, à l'image du président jupitérien lui-même, le parti devient une coquille vide, avec très peu de militants. Et si ce parti a obtenu des résultats honorables aux élections européennes de 2019, ceux-ci ont été plutôt mauvais aux élections municipales de 2020 (11% des suffrages avec le MoDem), ainsi qu'aux régionales et départementales de 2021 (environ dix pour cent).

Des politiques aux antipodes des mesures sociales espérées?

Dès le début du quinquennat, le président engage des politiques économiques libérales, notamment l'abandon de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au profit d'un impôt peu productif sur la fortune immobilière et la création d'un prélèvement forfaitaire unique sur les revenus des placements financiers qui lui valent d'être souvent qualifié de «président des riches».

Ces politiques doublées de mesures d'austérité (taxe carbone) ont provoqué le mouvement spontané de protestation sociale des «gilets jaunes» qui se développe à partir d'octobre 2018. Face à l'ampleur du mouvement, le pouvoir lâche progressivement du lest et lance un grand débat national sur la transition écologique, la fiscalité, les services publics et le débat démocratique. Au terme du processus, en avril 2019, il annonce des baisses d'impôts sur le revenu pour les classes moyennes et la réindexation des petites retraites. Le mouvement aura coûté cher aux finances de l'Etat (10 à 15 milliards) mais, contrairement aux espoirs de certains soutiens du mouvement, le président ne change pas sa méthode de gouvernance très verticale.

Les retraites, point de bascule

Edouard Philippe lance alors la réforme des retraites pour passer à un régime universel à points déclenchant un second grand mouvement social. Malgré des manifestations réunissant jusqu'à 800 000 personnes, le gouvernement fait passer la loi en utilisant le 49.3 en première lecture à l'Assemblée. L'examen de la réforme est suspendu du fait de la pandémie de Covid-19.

La pandémie et le choix du président de piloter lui-même la politique de lutte contre le nouveau virus, malgré des confusions initiales, des hésitations et l'émergence de thèses complotistes, donnent à Emmanuel Macron une nouvelle assise politique et une image de protecteur de la population.

La guerre en Ukraine lui est aussi favorable en pleine campagne électorale présidentielle. Elle génère un ralliement à celui qui incarne l'action et la coordination des pays européens contre l'agresseur russe.

Dans ce contexte, il est assez largement réélu début mai 2022 (58,55 % des suffrages exprimés) malgré une défiance accrue dans les institutions de la démocratie représentative et une forte abstention.

Mais entre la présidentielle et les législatives, la mécanique semble se gripper avec un président peu actif dans la préparation de l'élection des députés, qui met beaucoup de temps à choisir sa première ministre et à concrétiser le début de son second mandat, alors que la gauche s'unit – à la hussarde – derrière Jean-Luc Mélenchon et en tire un grand bénéfice en sièges (131 députés de la Nouvelle union populaire écologique et sociale, Nupes). De l'autre côté du spectre, le Rassemblement national (RN) a déployé ses forces de façon spectaculaire, obtenant 89 députés à l'Assemblée nationale.

Un projet à la peine

La Macronie est à la peine. Le changement de nom de LREM pour Renaissance ne parvient pas à faire oublier le revers législatif: le président ne dispose que d'une majorité relative (245 élus alors que la majorité absolue est de 289 députés), rendant difficile l'exercice du pouvoir.

La majorité ne parvient pas à convaincre Les Républicains (74 élus), affaiblis, de conclure une alliance pour gouverner ensemble. Elle en est donc réduite à chercher des majorités au cas par cas pour faire voter des lois, un peu comme Michel Rocard pendant le second septennat de François Mitterrand.

Un an plus tard, le président, toujours aussi jupitérien malgré ses engagements à changer de méthode de gouvernance, ne semble pas tirer les conséquences de la nouvelle situation parlementaire, qui devrait inciter à chercher des compromis alors qu'il veut toujours imposer ses réformes, y compris celles qui sont très impopulaires, comme en témoigne le long feuilleton de la réforme des retraites. La validation de la loi par le Conseil constitutionnel risque de ne pas calmer le mouvement syndical. L'exécutif dit qu'il veut apaiser, écouter et continuer les réformes, mais il semble complètement embourbé et on voit mal comment il va pouvoir faire voter des lois un tant soit peu novatrices.

La Macronie pourrait bien n'avoir été qu'une parenthèse dans la vie politique française, faute d'avoir construit un parti politique solide, capable de subsister après le départ de son fondateur.

Cet article a été publié initialement sur The Conversation. Watson a changé le titre et les sous-titres. Cliquez ici pour lire l'article original

Des mèmes pour parler de la réforme des retraites en France
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Des mèmes pour parler de la réforme des retraites en France
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