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USA ou Suisse: pourquoi la droite vénère Poutine

Pourquoi la droite vénère-t-elle Vladimir Poutine?
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Pourquoi la droite vénère Poutine

Présenté comme le sauveur présumé de l'Occident chrétien, le président russe est devenu le nouveau messie de la droite.
02.03.2024, 15:5702.03.2024, 17:11
Philipp Löpfe
Philipp Löpfe
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Lors de sa récente apparition dans le Daily Show, le vieux maître de la comédie Jon Stewart n'a pas seulement démonté Tucker Carlson. Il a également résumé de manière concise l'essence de l'adoration de la droite pour Vladimir Poutine. Selon Stewart, le duel entre le capitalisme et le communisme, qui a duré des décennies, est terminé. Aujourd'hui, tout tourne autour du «woke contre unwoke».

Dans cette nouvelle bataille idéologique, les anciens fronts de la guerre froide se sont déplacés jusqu'à devenir méconnaissables. La Russie n'est plus «l'empire du mal», comme Ronald Reagan qualifiait autrefois l'Union soviétique. La Russie se pose plutôt en sauveuse de l'Occident chrétien, comme la propagande de Poutine veut nous le faire croire.

Le président russe entretient cette image avec le plus grand soin. Il ne se contente pas d'aller régulièrement à l'église, il s'est même doté de son propre prêtre. Il fait diffuser les écrits d'Ivan Ilyine, un mystique fasciste qui s'enthousiasmait pour un Etat chrétien et regrettait qu'Hitler et Staline se combattent au lieu de dominer le monde ensemble.

Mais surtout, Poutine s'en prend rigoureusement à la communauté LGBTQIA. Il ne se contente pas de se moquer des gays, des lesbiennes et des personnes trans, il les fait poursuivre avec toute la rigueur de la loi.

Finalement, Poutine a également réussi à devenir une sorte de Roi-Soleil moderne. Son pouvoir est absolu, le dictateur vieillissant est entouré de favoris qui ne songent même pas à le contredire, et il dispose également, avec la police et la garde nationale, des moyens de réprimer immédiatement et violemment tout mouvement critique de ses citoyens.

Bien que Poutine exerce un pouvoir absolu sans scrupules, comme l'a récemment prouvé l'élimination d'Alexeï Navalny, il n'est pas perçu par la droite en Occident comme un dictateur sinistre, mais de plus en plus comme une figure lumineuse, voire un combattant de la liberté. Comment expliquer ce trouble de la perception?

In this image taken from video released by Navalny Team on Monday, Feb. 19, 2024, Yulia Navalnaya, widow of Russian opposition leader Alexei Navalny gives a video message. The widow of Russian opposit ...
Yulia Navalnaya veut poursuivre le combat de son mari.Image: keystone

La droite, en particulier, ne criera jamais assez fort «liberté» et se plaindra du politiquement correct. Mais à l'ère du «woke contre unwoke», cette liberté n'est plus menacée par un dirigeant totalitaire. Le danger vient d'une prétendue élite progressiste qui voudrait imposer un mode de vie écologique à la population qui travaille dur, qui voudrait interdire de prendre l'avion, de conduire une voiture ou de manger de la viande et qui, en contrepartie, n'empêche pas les immigrés musulmans d'envahir l'Occident chrétien.

C'est du moins ce que les démagogues de droite veulent nous faire croire. Il n'est pas rare qu'ils soient soutenus par des commentateurs autrefois de gauche, qui répètent inlassablement que les sociaux-démocrates ont trahi la population laborieuse et qu'ils défendent à la place les intérêts d'une classe supérieure «woke» - des gens qui ont hérité de leur richesse, qui travaillent au maximum à 60% dans une profession inutile comme l'ethnologie, qui mènent la belle vie dans les villas de leurs parents et qui regardent de haut l'homme ordinaire.

Dans cette optique, Poutine apparaît comme le champion du petit peuple. Pour lui, le réchauffement climatique est un concept étranger, il veille à ce que l'énergie soit bon marché et à ce que les idiots «woke» soient envoyés au diable ou dans un camp de travail en Sibérie. Le fait que le président russe et ses favoris se vautrent eux-mêmes dans une richesse obscène - dans la villa d'apparat de Poutine près de Sotchi, même les brosses des toilettes sont en or - ne dérange personne, pas plus que le fait qu'il gaspille actuellement la prospérité de son pays dans une guerre cruelle et absurde contre l'Ukraine.

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En parlant d'étalage obscène de richesses: il est désormais de notoriété publique que Donald Trump est lui aussi un fan de Poutine. Son admiration pour le président russe va si loin qu'il fait tout pour empêcher le Congrès d'adopter un paquet d'aide dont l'Ukraine a un besoin urgent.

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La villa de Poutine au bord de la mer Noire.Image: keystone

L'ex-président n'a tout d'abord fait aucun commentaire sur la mort de Navalny, et a finalement tenté de retourner la situation en sa faveur. Il n'a pas mentionné Poutine. Au lieu de cela, Trump s'est comparé à Navalny. Lui aussi est persécuté et harcelé sans ménagement par un dictateur du nom de Joe Biden.

Bien que Mar-a-Lago soit un exemple de mauvais goût, il est difficile de le comparer à un goulag.

Trump n'est pas le seul à avoir perdu ses repères à l'ère du «woke contre unwoke». Le Grand Old Party souffre d'une grave crise d'identité. Les faucons d'autrefois, agressifs contre l'URSS, se sont mués en colombes soumises face à la Russie. Lindsey Graham en est l'exemple typique. Très virulente durant la guerre froide, puis favorable à l'aide à l'Ukraine, la républicaine est désormais passée dans le camp pro-Poutine.

En revanche, les nationalistes chrétiens ont le vent en poupe. Ils veulent transformer les Etats-Unis en une sorte d'Etat divin, bien que les pères fondateurs aient précisément voulu empêcher cela dans leur constitution. Les évangéliques voient toutefois en Trump une sorte de nouveau messie qui veut détruire l'élite «woke», comme Poutine le fait en Russie. Ils balayent le fait que le style de vie de Trump ne corresponde pas vraiment aux idéaux chrétiens avec l'argument que les voies de Dieu sont parfois impénétrables.

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L'évangélique (et républicain) Mike Johnson est à la tête de la Chambre des représentants des Etats-Unis.Image: keystone

Bien que les églises se vident également aux Etats-Unis, les nationalistes chrétiens gagnent en influence. Ils ne forment pas seulement la base du camp Trump. Avec Mike Johnson, ils comptent également dans leurs rangs le président de la Chambre des représentants. Ils parviennent en outre de plus en plus à faire valoir leurs intérêts.

Ainsi, la Cour suprême de l'Alabama vient d'interdire la destruction d'ovules fécondés congelés, une version extrême de l'interdiction de l'avortement en quelque sorte. Pendant ce temps, Samuel Alito, membre de la Cour suprême, a une fois de plus exprimé des doutes quant à la légitimité du mariage homosexuel.

Et qu'en est-il chez nous? Bien qu'Alexeï Navalny soit au fond un Guillaume Tell russe, ce sont justement les «patriotes» de droite qui le mettent en échec, à l'image de l'UDC et rédacteur en chef de la Weltwoche Roger Köppel. Il fait de son mieux pour minimiser sa performance et minimiser sa mort. Comme Poutine, Köppel s'est tourné vers Dieu et le christianisme. Il écrit ainsi dans son dernier éditorial de la Weltwoche: «Voici que le monde n'est pas condamné, et l'homme est pourtant toujours en mesure de sortir de l'impasse de ses erreurs et de ses aveuglements». Amen.

(Traduit et adapté par Chiara Lecca)

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