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Faut-il craindre la «guerre civile» en France?

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Jordan Bardella, Paris, 24 juin 2024.Image: www.imago-images.de
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Faut-il craindre la «guerre civile» en France?

Jusqu'ici plutôt un thème de la droite identitaire, le spectre de la guerre civile est aujourd'hui agité par ceux, Emmanuel Macron inclus, qui invoquent le République comme rempart face au Rassemblement national mais aussi face à La France insoumise dans des élections législatives décrites à haut risque.
24.06.2024, 16:4825.06.2024, 06:39
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Plus personne n’écarte les risques d’émeutes et d’affrontements en France si le Rassemblement national devait accéder au pouvoir au terme du deuxième tour des élections législatives anticipées, le 7 juillet. De là à ce que ces heurts redoutés dégénèrent en possible guerre civile, il y a un pas que franchissent des observateurs pourtant peu suspects de vouloir le pire.

Emmanuel Macron aussi

Lundi, Emmanuel Macron s'est joint à ces «lanceurs d'alerte». Auprès du podcast Génération Do It Yourself, le chef de l'Etat a affirmé que les programmes des «deux extrêmes», de droite et de gauche, mènent «à la guerre civile». «La réponse de l’extrême droite (...) renvoie les gens ou à une religion ou à une origine, c’est en ça qu’elle divise et qu’elle pousse à la guerre civile», a-t-il lancé. Et en face, La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon propose «une forme de communautarisme», «mais ça c’est aussi la guerre civile derrière», a-t-il ajouté.

Le mot même de «guerre civile» a quelque chose de tabou, tant il évoque un abîme d’horreurs dans lequel toute société se refuse en principe de tomber. Jusque-là, pour la gauche, animée d’une vision «idéaliste» du corps social, la guerre civile était un spectre essentiellement agité par la droite identitaire. Cela va d’Eric Zemmour à Marion Maréchal, en passant par le journaliste Ivan Rioufol, chroniqueur sur CNews après l’avoir été au Figaro, auteur de La Guerre civile qui vient, un essai paru en 2016, en pleine période des attentats islamistes en France.

Cet historien réputé s'inquiète

Mais aujourd’hui, c’est un historien, sommité dans son domaine, qui n’écarte pas l’avènement de la guerre civile en France. Michel Winock, c’est lui, est spécialiste de l’histoire de la République française et des mouvements intellectuels. Ce 23 juin dans L’Express, un hebdomadaire plutôt centriste, il affirme:

«L’une des éventualités (réd: suite à l’arrivée du RN au pouvoir) pourrait s’appeler guerre civile. Je ne puis imaginer, aujourd’hui, un gouvernement par le Rassemblement national sans troubles profonds dans le pays. La France n’est pas l’Italie, et Bardella comme Le Pen n’ont pas eu, contrairement à Meloni, l’expérience du pouvoir dans une coalition (réd: avec Berlusconi).»
Michel Winock, L'Express, 23 juin 2024.

Pour Michel Winock, «qu’il le veuille ou non, le RN reste un parti d’extrême droite, xénophobe, anti-européen, un national-populisme identitaire, dont les racines plongent dans le terreau antirépublicain».

Bardella mise sur l'autorité

Porté au pouvoir par les législatives, elles-mêmes provoquées par Emmanuel Macron et sa dissolution de l'Assemblée nationale, ce pédigrée «antirépublicain» serait, selon Michel Winock et d'autres, susceptible de faire vaciller la République et sa devise Liberté, égalité, fraternité. Marine Le Pen et Jordan Bardella, «futur chef du gouvernement» en cas de large victoire du RN, assurent du contraire.

Lundi matin, présentant à nouveau les grandes lignes de son programme de gouvernement, l'actuel président du Rassemblement national a réitéré son intention de supprimer le droit du sol et dévoilé des mesures pour renforcer l'autorité à l'école, telle que la mise à l'écart des harceleurs et des perturbateurs. Il a promis qu'il serait le premier ministre de «tous les Français».

La réaction en chaîne

Sauf qu'un triomphe du parti d’extrême droite entraînerait des réactions hostiles, allant de la désobéissance civile de la part de fonctionnaires à la violence d’extrême gauche, projette-t-on. De même ne doit-on pas écarter des violences commises par des individus issus du camp vainqueur, notamment à l'encontre des populations musulmanes ou plus généralement d’origine étrangère.

Le contenu de la vidéo ci-après, dans laquelle un couple votant RN invective en termes racistes une femme noire, pointe le danger qui consisterait à s’en prendre à ses «voisins» en raison de leur religion ou origine au soir du 7 mai et dans les jours suivants.

Un cercle vicieux d’action-réaction pourrait alors faire basculer la France dans une configuration de guerre civile. C’est la crainte exprimée le 19 juin sur LCI par l’ancien premier ministre Dominique de Villepin, qui évoquait des «risques d'affrontements».

Entente impossible?

Ces mises en garde peuvent aussi être une manière d’amener les Français prêts à voter RN à réfléchir aux conséquences de leur choix. Elles placent surtout les anti-RN, théoriquement majoritaires, mais éclatés en des familles politiques hostiles les unes aux autres, y compris au sein du Nouveau Front populaire, nom de la nouvelle coalition de gauche, à dépasser leurs divisions pour créer un «bloc républicain» capable d’offrir une alternative de gouvernement. Le scepticisme est, cependant, de mise face à cet improbable attelage lesté du «boulet» de la gauche radicale LFI, quand le RN, propose, c'est son atout, un gouvernement uni et fort. Mais on ne sait jamais.

Avant que la France ne soit précipitée dans l'inconnu du jour d'après les législatives, la «guerre civile» était une éventualité évoquée pour la lointaine Nouvelle-Calédonie, suite à l'éclatement en mai d'émeutes sans précédent dans l'archipel français du Pacifique.

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