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Poutine est pris au piège dans le carnage de Bakhmout

L'artillerie ukrainienne bombarde les positions russes sans relâche.
L'artillerie ukrainienne bombarde les positions russes sans relâche. Image: sda
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Poutine est pris au piège dans le carnage de Bakhmout

Dans la bataille pour la ville ukrainienne de Bakhmout, les revers sont catastrophiques pour la Russie. Vladimir Poutine doit réagir, mais la situation s'annonce difficile sur toute la ligne.
23.12.2022, 06:0723.12.2022, 13:43
Patrick Diekmann / t-online
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C'était une fois de plus un jour férié en Russie, à une époque où il n'y a en fait pas grand-chose à fêter, compte tenu de l'invasion de l'Ukraine. Lors de la «Journée des forces de sécurité», les Russes ont rendu hommage au travail des espions et des agents des services secrets.

Mais cette année, le chef du Kremlin a attiré l'attention. Il s'est adressé au peuple avec des mots étonnamment sincères dans un discours vidéo. Poutine a parlé d'une «situation difficile» pour les services de sécurité dans les territoires annexés d'Ukraine. Il a appelé ses services de renseignement à agir contre les actes de sabotage et les services de renseignement hostiles.

Cela montre que Poutine n'a toujours pas de stratégie sur la manière dont la Russie devrait contrôler les territoires annexés, même si ses soldats pouvaient les tenir militairement. D'autre part, il est clair que la pression de l'étranger sur lui augmente, que son soutien auprès d'anciens alliés comme la Biélorussie et la Chine s'effrite. Ces deux éléments devraient avoir des conséquences prévisibles sur la suite de la guerre, et pourraient signifier une défaite sanglante pour Poutine.

La lutte s'est intensifiée

La lutte pour les territoires annexés dans l'est de l'Ukraine s'est fortement intensifiée ces derniers temps. Et bien que la population ukrainienne rejette la domination russe dans ces régions, le Kremlin s'en tient à l'objectif de guerre initial: les régions doivent être entièrement conquises, car du point de vue de Poutine, elles font partie de la Russie.

Mais les succès de cette mission ne sont toujours pas en vue pour la Russie, bien au contraire. La bataille pour la ville stratégique de Bakhmout à l'est de l'Ukraine est un exemple de la misère russe.

Pendant des mois, Poutine a fait envoyer de plus en plus de soldats dans ce hachoir à viande — et pourtant, les troupes ukrainiennes y ont finalement pris le dessus. Les forces de Poutine sont, semble-t-il, sur la défensive.

La récente visite du président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui s'est rendu mardi à l'improviste auprès des troupes à Bakhmout, plaide également en ce sens. Selon les observateurs, il n'aurait jamais osé faire cette visite si l'Ukraine craignait de perdre à court terme cet important nœud de communication.

La visite de Zelensky à Bakhmout

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La visite de Zelensky à Bakhmout
Mardi, Volodymyr Zelensky a visité ses troupes à Bakhmout, sur le front de l'est.
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Pour les défenseurs ukrainiens, Bakhmout devient un succès important et symbolique. La ville a été sous les bombes pendant des mois, l'armée russe a envoyé de nombreuses vagues d'attaques, a tenté de l'encercler, et même les mercenaires du groupe Wagner ont été impliquée dans les combats. Sans succès, semble-t-il désormais.

Un bain de sang

Pour les deux parties, le prix du sang a été élevé jusqu'à présent. Moscou a envoyé ses soldats à l'assaut, mais l'Ukraine a également dû envoyer en permanence du ravitaillement et des renforts à Bakhmout. L'armée russe a certes pu conquérir quelques localités de la région en novembre, mais l'Ukraine a pu reprendre l'initiative. On ne sait pas combien de soldats sont réellement morts à Bakhmout, mais ils se comptent probablement par milliers.

En raison des lourdes pertes, il était difficile pour les deux parties de se retirer. Le commandement militaire ukrainien a également envisagé d'abandonner Bakhmout. Mais il en a été autrement. L'Ukraine a poursuivi sa contre-offensive et avance désormais vers Kreminna au nord de Bakhmout. Si l'armée ukrainienne parvient à reconquérir cette ville, Bakhmout n'aura plus aucune valeur stratégique en tant que nœud de communication d'un point de vue militaire.

Les combats font rage à Bakhmout depuis le mois d'août.
Les combats font rage à Bakhmout depuis le mois d'août.Image: sda

Conséquence: les troupes russes semblent actuellement s'enterrer à l'est de Bakhmout, rapportent des observateurs de guerre indépendants. Cela ne signifie pas pour autant que le Kremlin a déjà abandonné la bataille pour Bakhmout. Après tout, la ville se trouve dans le district administratif de Donetsk, la région que la Russie a annexée en violation du droit international. Mais jusqu'à présent, elle ne contrôle qu'à peine 50% de la région. D'autres offensives sont donc envisageables.

La Chine poignarde-t-elle Poutine dans le dos?

Il n'est pas du tout certain que la Russie puisse conquérir les territoires que Moscou revendique par le biais des annexions dans le cadre de la guerre d'usure avec les forces et le matériel actuellement disponibles. La liste des défaites s'allonge: Kherson a déjà dû être abandonnée, l'Ukraine s'attaque aux infrastructures russes en Ukraine et en Russie, et la misère menace désormais aussi à Bakhmout.

Le président russe a un besoin urgent de succès symboliques et doit, d'un point de vue militaire, assurer d'urgence le ravitaillement en matériel et en soldats. Selon Zelensky, 100 000 soldats russes seraient déjà morts dans la guerre. Même si ce chiffre est exagéré, une chose semble claire: l'arrivée des 300 000 réservistes cette année ne suffira pas. Poutine doit agir s'il veut poursuivre son invasion.

L'économie de guerre russe devrait pour cela produire plus rapidement des armes, des équipements et des munitions. La Russie rencontre actuellement de gros problèmes pour se procurer des semi-conducteurs et des micro-puces. 40% des puces livrées par la Chine seraient défectueuses et Pékin aurait récemment bloqué l'exportation de processeurs chinois à l'étranger. Les médias russes s'attendent déjà à ce que Xi Jinping plante un couteau dans le dos de Poutine.

A propos des micro-puces utilisées par l'armée russe... 👇

On ne sait pas comment Moscou compte résoudre ces problèmes, d'autant plus que l'Occident continue d'approvisionner l'Ukraine en matériel.

Le rôle de la Biélorussie

En cas d'urgence, Poutine pourrait même tenter d'entraîner le régime vassal de Biélorussie dans la guerre. Le chef d'Etat russe a rendu visite lundi à son homologue biélorusse Alexandre Loukachenko à Minsk. Mais d'un point de vue militaire, la menace d'une attaque venant du nord semble plutôt être une manœuvre de diversion.

Loukachenko a une armée trop faible pour pouvoir faire quoi que ce soit en Ukraine. En outre, la guerre russe en Ukraine est également extrêmement impopulaire en Biélorussie; Loukachenko devrait craindre une guerre civile ou un putsch dans son propre pays s'il suivait Poutine dans cette invasion. C'est pourquoi la Russie n'a jusqu'à présent utilisé la Biélorussie que comme zone de déploiement pour ses propres troupes et comme base pour des attaques de missiles contre l'Ukraine.

Il est donc peu probable que la Russie lance des attaques depuis la Biélorussie ou la Moldavie. L'armée russe dispose actuellement de trop peu de forces pour d'autres fronts et est déjà dépassée par les combats dans l'est de l'Ukraine. D'autant plus que Moscou n'a cessé de le répéter ces derniers temps: les opérations russes se concentrent actuellement sur le Donbass.

Dernièrement, Poutine a poursuivi le plan de démoralisation de la population ukrainienne par la terreur des missiles contre les infrastructures civiles. Là encore, la Russie a sous-estimé la capacité de résistance des défenseurs, et le plan ne semble pas avoir fonctionné.

Un missile Patriot en action.
Un missile Patriot en action.Image: sda

Face aux attaques de missiles, les Etats-Unis ont également tracé une ligne rouge et ont décidé de livrer le système de défense antiaérienne américain Patriot. La défense antiaérienne et antimissile occidentale la plus moderne ferait pencher la balance en faveur des Ukrainiens dans la lutte pour la souveraineté aérienne en Ukraine. Il s'agit d'une menace claire pour Poutine qui, avec les forces russes actuelles sur le terrain, est désormais de plus en plus à court d'options militaires.

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