Quatre. Le nombre de tenues enfilées par Sa Majesté, ce samedi, au fil des deux heures de cérémonie. (Perso, j'adorerais pouvoir en faire autant à chaque dîner mondain.) Enfin... C'est un peu oublier que ces tenues pèsent une tonne, au sens physique, métaphorique et historique du terme.
Ouvrez grand vos oreilles et concentrez-vous. A côté, le MET Gala, c'est de la breloque.
Le moment est venu de vous parler du Liber Regalis, aussi appelé «royal book» ou encore «livre royal» (mais en latin, ça claque). Ce noble manuscrit, rédigé au 14e siècle à l'occasion du couronnement de Richard II et de sa première épouse Anne de Bohême, est la Bible d'entre les Bibles pour les organisateurs royaux. Sur 34 pages, le bouquin décrit en long, en large et en travers, tout le bon déroulé d’un couronnement. Mais surtout, l’ordre dans lequel les robes sacrées doivent être enfilées.
Selon le guide suprême des organisateurs royaux, à l'exception de quelques «pièces maîtresses», de nouvelles robes devraient être confectionnées pour chaque nouveau couronnement. C'est mal connaître ce pingre de Charles III et son sens de l'économie.
En totale rupture avec la tradition, le nouveau roi a décidé de réutiliser les vêtements fabriqués pour son ancêtre George VI, en 1937, par souci de «durabilité et d'efficacité». Il ira même jusqu'à piquer à son arrière-arrière-grand-père ses bouchons de manchette et son épingle cravate. Scandalous.
Comme sa mère Elizabeth II avant lui, Charles franchira le seuil de l'abbaye paré de la Robe of State (la «robe d’Etat»). Vous savez, cette looooooongue cape en velours cramoisi.
Changement notable par rapport au sacre de sa mère: sous sa cape, le roi pourra assister à l’office vêtu de son «simple» uniforme militaire d’apparat. Exit les collants. Nous n'aurons pas le plaisir immense de voir Charles III en culottes de soie, comme le veut la coutume pour les monarques précédents.
Selon une source bien informée au Sun, «les assistants seniors pensent que les culottes ont l'air trop démodées». Pff, si on fait les choses à moitié...
Du coup, nos confrères britanniques, déçus, se sont laissés tentés par un montage photo, pour essayer de se figurer ce que ça donne. Aperçu.👇
Une fois l'office commencé, Charles devra procéder à un véritable strip-tease royal: il devra retirer sa robe et tous les attributs de son statut de majesté. Vêtu d'une simple chemise blanche, il enfilera alors le «Colobium Sindonis».
Derrière ce nom a priori barbare et peu amical, une tunique de lin sans manches, symbole de «pureté et de simplicité devant Dieu».
Là encore, le roi a décidé de réutiliser celle de son grand-père, George VI. Pour l'anecdote, ce dernier a raconté dans son journal comment il a failli l'enfiler à l'envers, en 1937.
Charles enfilera ensuite la «Supertunica» et la ceinture du couronnement, tel un véritable super-héros - mais sans collants.
Fabriquée à partir d'un tissu d'or et de minces morceaux de métal doré ou argenté, la Supertunica est aussi scintillante qu'extrêmement peu pratique: comptez 2 kilos pour ce manteau fabriqué spécialement à l'intention de l'arrière-grand-père de Charles, en 1911. Depuis, il a été réemployé à chaque couronnement.
Enfin, après avoir retiré sa Supertunica, le roi enfilera la robe royale, dite aussi «manteau impérial» ou «robe de succession» (oui, le risque est immense de s'emmêler les pinceaux). Là encore, Charles a fait dans la récup': âgé de très exactement 202 ans, ce vêtement est le plus ancien utilisé dans le service.
Pour vous donner une idée, les broderies qui y figurent comportent pas moins de 18 types de fils d'or différents. Poids total? 4 kilos. Fabriquée en 1821, cette cape de velours violette a nécessité quelque 3500 heures de travail et 12 brodeuses. Ma foi, il faut bien ça, pour un couronnement.
Que seraient ces flamboyantes tuniques sans quelques accessoires rutilants? Outre les célèbres Orbe et Anneau de couronnement, le roi se verra remettre un unique «gant du Couronnement», qu'il placera sur sa main droite, avant de s'emparer du Sceptre et du Bâton.
Là encore, pas question de fabriquer un nouveau gant. Celui dont Charles fera usage samedi, en cuir de chevreau blanc et brodé de fils d'or, a déjà servi en 1937. Décidément.
Sans parler des deux couronnes qui viendront se poser sur le noble front de Charles III. La première, la couronne d'Etat impériale, a également été fabriquée pour George VI (si vous vous posiez la question à ce stade, oui, le couronnement de 1937 a été parmi les plus coûteux de l'histoire).
On a aperçu récemment la couronne impériale sur le cercueil de la reine défunte lors de ses funérailles nationales en septembre 2022.
Cette couronne-ci est légèrement plus légère que la seconde, la couronne de Saint Edouard. Cette dernière a été retirée discrètement, en décembre 2022, de l'exposition des joyaux de la Couronne à la Tour de Londres. Selon le palais de Buckingham, cette précieuse coiffe ferait l'objet de «travaux de modification» avant la cérémonie historique de samedi.
Que la reine-consort se rassure, elle aura aussi pleins de belles fringues à enfiler. Si Camilla se changera également à plusieurs reprises durant la cérémonie, la robe d'Etat qu'elle portera à son arrivée dans l'abbaye de Westminster, en velours cramoisi, est un joli clin d'oeil: il s'agit d'une des robes initialement portées par Elizabeth lors de son couronnement, en 1953.
Quant à la robe de succession qui sera portée à sa sortie de l'abbaye, elle a été fabriquée spécialement pour elle. N'est pas roi de la récup' qui veut.