C'est «soucieux» de perpétuer l'héritage de sa «mère bien-aimée» Elizabeth II, et avec tout le faste nécessaire, que le roi a ouvert la session parlementaire cette semaine. Un rituel immuable de la vie politique britannique et fortement symbolique, certes, mais pas son premier exercice. Charles s'y était déjà prêté en mai 2022, alors qu'il était encore prince de Galles, au nom de sa mère Elizabeth, en mauvaise santé.
Arrivé en carrosse au palais de Westminster, le souverain, qui fêtera ses 75 ans la semaine prochaine, a été accueilli par des dizaines de manifestants scandant «pas mon roi» et «quel gâchis» - des huées inimaginables sous Elizabeth II.
Il en aurait fallu davantage pour déstabiliser Sa Majesté. Coiffé de la couronne impériale d'apparat et installé sur le trône en or de la Chambre des Lords aux côtés de sa femme, la reine Camilla, le roi a pris la parole à l'issue d'une cérémonie aux traditions multiséculaires. Inspection des caves de Westminster à la recherche d'explosif, prise d'otage symbolique d'un député au palais de Buckingham pour assurer «le retour sain et sauf du roi» dans sa résidence... Tout un programme.
Jusque-là, pas de problème. Ce n'est de loin pas la première fois que le souverain se retrouve sous le feu des projecteurs pour un rituel en grande pompe.
C'est au moment de prononcer son discours, mijoté aux petits oignons par le premier ministre Rishi Sunak, que Charles a dû se faire violence. D'une dizaine de minutes, cette allocution au ton relativement vague permet d'exposer les lois que le gouvernement compte faire adopter au Parlement au cours de l'année à venir. Or, parmi elles... Un coup de pouce pour l'industrie des combustibles fossiles.
Le roi – qui a passé toute sa vie à mettre en avant la lutte contre le changement climatique – a dû annoncer officiellement l'engagement très politisé de son premier ministre d'accorder chaque année de nouvelles licences d'exploration pétrolière et gazière en mer du Nord. Un projet fort décrié par les militants écologistes.
S'il a détesté chaque mot de cette allocution écrite à l'avance, nous n'en saurons strictement rien. Fidèle à son devoir immuable de neutralité, Charles est parvenu au bout de son discours sans un haussement de sourcil.
Parmi les autres projets évoqués: la lutte contre l'inflation, faire baisser les factures des citoyens britanniques, former plus de médecins et infirmières et interdire progressivement la vente de cigarettes au Royaume-Uni. Rishi Sunak entend également encourager l'innovation. Sans oublier de donner des gages à l'aile droite du parti conservateur, en proposant de durcir les sanctions contre les meurtriers et les délinquants sexuels, et en renforçant les pouvoirs de la police et des tribunaux.
Si cette prise de parole s'est avérée pénible pour Charles, elle était tout aussi risquée pour Rishi Sunak. Après avoir tenté de ramener un peu de stabilité après les scandales de l'ère Boris Johnson et les 49 jours mouvementés de Liz Truss, l'actuel premier ministre peine à insuffler un nouvel élan à son parti.
Au pouvoir depuis près de 14 ans, les conservateurs se retrouvent actuellement largement distancés dans les sondages par l'opposition travailliste.
Cette allocution était l'une des dernières chances pour Rishi Sunak pour se donner un nouveau départ et se démarquer de ses adversaires politiques. Le problème, selon le processeur Richard Carr? Il manque cruellement de temps. Lui seul nous dira si le premier ministre pourra inverser la tendance.
(avec ats)