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Pourquoi les Chinois comparent Trump à Mao

Chinesen und Chinesinnen vergleichen Trump mit Mao auf Social Media. Donald Trump im Vordergrund über einem Bild von Mao Zedong, das von einer amerikanischen Flagge halb überdeckt wird.
Image: watson/sda/reuters

Pourquoi les Chinois comparent Trump à Mao

Avec Elon Musk, le président américain veut faire subir à l'Amérique une révolution culturelle. Il prend la Chine en exemple.
16.03.2025, 07:0316.03.2025, 07:03
Philipp Löpfe
Philipp Löpfe
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Des mesures pour intimider les médias et des cadres supérieurs qui flattent le chef du gouvernement: on pourrait penser qu'il s'agit là d'un portrait de la Chine. Or, ce n'est pas une description de ce qui se passe à Pékin, mais à Washington.

Certains journalistes chinois n'en croient pas leurs yeux, comme Zhang Wenmin, qui a dû émigrer aux Etats-Unis en 2023 en raison de ses reportages jugés trop critiques par Pékin:

«Ce qui se passe actuellement en Amérique m'est très familier, cela ressemble à ce que j'ai vu en Chine. Je ne suis vraiment pas sortie de l'auberge»
Zhang Wenmin, cité par le New York Times

Comme la Révolution culturelle chinoise

Wang Jian, un autre journaliste, a posté sur X:

«Venant moi-même d'un régime autoritaire, je vois bien que ce qui est à l'œuvre aux Etats-Unis, c'est finalement une question de pur pouvoir. Nous savons aussi que la Révolution culturelle en Chine avait pour but de détruire les institutions de l'Etat et d'étendre ainsi le contrôle de Mao.»
Mao Tse-tung is shown in 1966 at the beginning of China's Cultural Revolution. A founding member of the Chinese Communist Party in 1921, Chairman Mao became the communist leader of the People ...
Mao Zedong proclame la Révolution culturelle chinoise en 1966.Image: AP

Tout d'abord, un bref rappel historique: entre 1966 et 1976, Mao Zedong, alors dictateur de la Chine, a déclenché ce qu'on appelle la Révolution culturelle. Il a monté les étudiants contre leurs professeurs, et a encouragé les paysans et les ouvriers à se révolter contre leurs chefs, parce qu'il voulait renverser une prétendue élite et maintenir une révolution communiste permanente.

La Révolution culturelle chinoise a été une sale affaire. Des millions de personnes ont été tuées ou sont mortes de faim. La révolution était caractérisée par l'arbitraire et l'absence de droits. Les enfants dénonçaient leurs parents. Des soldats du parti inaptes, mais loyaux à Mao ont été hissés à des postes de direction. L'économie chinoise est tombée au niveau de l'âge de pierre.

On est bien d'accord, les Etats-Unis n'en sont pas encore là. Mais les Chinois qui ont vécu la Révolution culturelle sont tout de même perturbés. «Ils sont choqués par la politique américaine sous Trump», écrit le New York Times. «C'est surtout la manière dont les agences gouvernementales communiquent sur les réseaux sociaux qui les déconcerte. Selon eux, cela ressemble à la propagande du Parti communiste chinois (PCC)».

Culte de la personnalité

Le culte de la personnalité autour de Trump rappelle lui aussi dangereusement celle de Mao. Le président américain distribue depuis peu des casquettes de baseball sur lesquelles il est écrit:

«Trump avait raison sur tout!»
epa11924657 US President Donald Trump (R) holds a hat reading 'Trump was right about everything' alongside Health and Human Services Secretary Robert F. Kennedy Jr. after signing executive o ...
Culte de la personnalité: le président distribue des casquettes sur lesquelles on peut lire «Trump was right about everything!»Image: keystone

Sa soif de flatterie est insatiable. «Même la propagande du Parti communiste chinois ne fait pas quotidiennement l'éloge de Xi Jinping», souligne Deng Haiyan, un ancien officier de police chinois.

La révolution culturelle de Trump a toutefois le même objectif que celle de Mao en son temps: détruire l'Etat existant et les institutions qui le soutiennent. C'est pourquoi il laisse libre cours à son président fantôme Elon Musk et laisse sa jeune troupe de démolisseurs sévir sans frein. Sans être légitimée par une élection, l'équipe Doge fait des ravages dans l'administration américaine et licencie des milliers d'employés en appuyant simplement sur un bouton. Tout cela rappelle les jeunes révolutionnaires déchaînés de l'époque de Mao.

Entrepreneur par excellence, Elon Musk n'a aucun égard pour les dommages qu'il provoque. Il ne se contente pas de licencier sans scrupules des collaborateurs qu'il a lui-même recrutés, il prend carrément plaisir à cela, comme Walter Isaacson le décrit encore et encore dans son livre Elon Musk. Chez SpaceX, son entreprise spatiale, Musk applique la même méthode: continuons avec les essais jusqu'à ce que cela fonctionne et n'hésitons pas à prendre de gros risques. C'est pourquoi ses fusées explosent de temps en temps.

Ce qui peut être un risque acceptable pour une entreprise privée est dévastateur pour une administration publique. «Doge n'améliore pas le gouvernement», constate le New York Times dans un éditorial.

«Cette campagne de destruction arbitraire sape au contraire le travail de base du gouvernement ainsi que la sécurité et la prospérité du peuple américain»
New York Times
Elon Musk holds a chainsaw handed to him by Argentine President Javier Milei, behind, at the Conservative Political Action Conference (CPAC) in Oxon Hill, Maryland, Feb. 20, 2025. (AP Photo/Jose Luis  ...
Elon Musk n'est pas très bien vu avec sa tronçonneuse.Image: keystone

Comme les révolutionnaires excités de Mao, la rage destructrice de la troupe Doge est dirigée contre les bastions supposés du «wokisme», c'est-à-dire contre les universités et contre les médias. Dans leur action désordonnée, ils commettent parfois des erreurs flagrantes. Ils licencient les spécialistes de la sécurité nucléaire pour devoir les réembaucher immédiatement. Ou ils renvoient des biologistes et des médecins qui étudient la grippe aviaire et risquent ainsi une nouvelle pandémie.

Pendant ce temps, Trump a lancé les Etats-Unis – et le monde entier – dans un parcours qui ressemble à des montagnes russes économiques. Tenez, les droits de douane: introduits, retirés, remis, etc. Même les spécialistes ont perdu la vue d'ensemble. Nul ne peut dire si tout cela obéit à un plan, et si oui, à quoi il pourrait bien ressembler. «Il dit tellement de choses et leurs contraires qu'il en devient inclassable», explique Julian Zelizer, professeur d'histoire à l'université de Princeton, dans le New York Times.

«On a l'impression que Trump se répand en contradictions dans le but de se protéger»
Julian Zelizer, dans le New York Times

De la même façon, Trump entretient cruellement la confusion sur l'Ukraine. Il rembarre Volodymyr Zelensky, suspend l'aide militaire et les informations des services de renseignement, puis il fait volte-face et menace Poutine de sanctions, disant à l'Ukraine qu'elle continuera d'avoir accès à Starlink, le système d'information de Musk essentiel pour l'armée ukrainienne.

Donald Trump und Wolodymyr Selenskyj geben sich an der Pressekonferenz Saures.
Le jeu cruel de Trump avec Volodymyr Zelensky.Image: keystone/twitter

Mao a pu mener à bien sa révolution culturelle dévastatrice pendant dix ans. Il est peu probable que Trump y parvienne – le mécontentement monte déjà, de jour en jour. Même au sein du gouvernement, des critiques s'élèvent contre Doge, le ministère du dégraissage de la fonction publique. Le ministre des Affaires étrangères Marco Rubio et Elon Musk se seraient récemment livrés à une violente joute verbale.

Steve Bannon s'en prend violemment à Musk, pour d'autres raisons. «Ce n'est pas un nationaliste, c'est un globaliste», a-t-il récemment déclaré dans une interview au New York Times.

«Entre Musk et moi, il y a un fossé infranchissable»
Steve Bannon, au New York Times

Les montagnes russes de Trump désorientent les managers comme les investisseurs. Les cours des bourses ont chuté massivement la semaine dernière, perdant tous les bénéfices réalisés après la victoire électorale de Trump. La Réserve fédérale d'Atlanta, une branche de la Banque centrale, prédit même que le produit intérieur brut chutera de 2,4% au premier trimestre.

«Recession Trump»

Dans son discours début mars devant le Congrès, Donald Trump a déclaré haut et fort l'arrivée d'un «nouvel âge d'or» en Amérique. Cela ne semble pas être le cas actuellement. L'expression «Recession Trump» fait le tour du monde – et même le président n'arrive pas à la démentir.

«Nous sommes dans une phase de transition, on ne peut rien exclure»
Donald Trump, sur la chaîne Fox News

La manière dont Trump parle aujourd'hui des marchés financiers a de quoi surprendre. Autrefois, il saluait chaque hausse des cours comme un signe de sa compétence économique. Depuis peu, il affirme qu'il est indifférent aux marchés. «Ecoutez, nous devons construire un pays fort», a-t-il déclaré dans sa plus récente interview avec Fox News.

«Vous ne pouvez pas regarder les marchés boursiers. Regardez la Chine, ils ont une perspective de 100 ans»
Donald Trump

Ce qui nous ramène à la Révolution culturelle de Mao.

Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci

L'interview mystérieuse de Melania Trump sur CNN
Video: watson
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