Les Etats-Unis, qui avaient dès vendredi mis en garde contre toute «provocation» de Pékin à l'égard de Taipei après des échanges acrimonieux entre les deux voisins, ont dénoncé des opérations «injustifiées» qui représentent un «risque d'escalade».
Washington reconnaît Pékin au détriment de Taipei comme pouvoir légitime depuis 1979, mais reste l'allié le plus puissant de Taïwan et son principal fournisseur d'armes.
La Chine a qualifié ces nouveaux exercices de «sérieux avertissements» face aux «actions séparatistes des forces de 'l'indépendance de Taïwan'». Le capitaine Li Xi, porte-parole du commandement oriental de l'armée chinoise, s'est prononcé concernant ce mouvement militaire:
Le président taïwanais Lai Ching-te a convoqué une réunion de sécurité face à ces manoeuvres qui entrent «en contradiction avec le droit» international, selon le chef de la sécurité Joseph Wu.
Les exercices, baptisés Joint Sword-2024B, ont lieu «dans des zones au nord, au sud et à l'est de l'île de Taïwan», gérée de manière autoome, a expliqué le capitaine Li Xi.
Ils «se concentrent sur des patrouilles de préparation au combat mer-air, le blocus de ports et zones clés», «l'assaut de cibles maritimes et terrestres» ainsi que «l'acquisition conjointe d'une supériorité globale», a-t-il ajouté.
Le ministère taïwanais de la Défense a condamné lundi un «comportement irrationnel et provocateur» de la Chine, assurant avoir «déployé les forces adéquates pour réagir de manière appropriée dans le but de protéger la liberté et la démocratie, ainsi que pour défendre la souveraineté» de Taïwan.
«Face à la menace ennemie, tous les officiers et soldats du pays sont prêts (...) Nous sommes déterminés et confiants (d'être en mesure) d'assurer la défense de la sécurité nationale», a ajouté le ministère dans un communiqué.
Une équipe de l'AFP près de la base aérienne de Hsinchu, dans le nord de Taïwan, a vu quatre avions de chasse décoller lundi.
Les garde-côtes chinois ont de leur côté expliqué avoir engagé des «inspections du maintien de l'ordre dans les eaux entourant l'île de Taïwan».
Les garde-côtes taïwanais ont confirmé la présence de navires de leurs homologues chinois. «Plusieurs bateaux» ont traversé la ligne médiane du détroit de Taïwan – en référence à la ligne qui coupe en deux ce détroit de 180 kilomètres de large entre l'île et la Chine continentale – et sont restés «dans nos eaux du nord, du sud-ouest et de l'est sous la forme de convois», ont-ils indiqué dans un communiqué.
La Chine considère Taïwan comme une partie de son territoire à réunifier un jour et n'a jamais renoncé à employer la force militaire pour en reprendre le contrôle.
Elle a accentué la pression ces dernières années en renforçant son activité militaire autour de l'île, maintenant une présence quasi constante à l'aide d'avions militaires et de navires.
Pékin a organisé trois séries de manoeuvres de grande ampleur ces deux dernières années, faisant intervenir son aviation et sa marine pour encercler l'île.
Dimanche, l'armée taïwanaise avait affirmé être «en état d'alerte» après avoir détecté le porte-avions chinois Liaoning au sud de l'île.
Les relations entre Pékin et Taipei sont exécrables depuis 2016 et l'arrivée à la présidence taïwanaise de Tsai Ing-wen, puis de son successeur Lai Ching-te en 2024.
Investi en mai, Lai s'était engagé jeudi à «résister à l'annexion» chinoise de l'île ou «à l'empiètement de (sa) souveraineté», lors de la fête nationale taïwanaise.
Il avait aussi exprimé son souhait d'avoir «un dialogue et des échanges sains et ordonnés» avec la Chine, appelant Pékin à utiliser son influence plutôt pour aider à la résolution des conflits au Proche-Orient et en Ukraine.
Pékin, qui qualifie Lai de «séparatiste», avait réagi en prévenant que les «provocations» du président taïwanais entraîneraient un «désastre» pour son peuple.
La chaîne de télévision officielle chinoise CCTV a diffusé lundi une vidéo intitulée: «Plus la provocation est grande, plus les rênes seront serrées».
Dans une autre vidéo publiée par un média d'Etat, le lieutenant-colonel Fu Zhengnan, chercheur à l'Académie chinoise des sciences militaires, a affirmé que ces exercices pouvaient se «transformer en combat à tout moment».
«Si les séparatistes de Taïwan provoquent (la Chine) une fois», les troupes chinoises autour de l'île «passeront à l'action», a-t-il assuré.
S'exprimant auprès de l'AFP Benjamin Hsiao, un habitant de Taipei, assure que la panique ne s'est pas emparée de la population.
Pékin tente depuis longtemps de bloquer les contacts entre Taipei et ses partenaires internationaux afin de l'isoler, l'empêchant de participer à des forums mondiaux et mettant la pression sur ses rares soutiens officiels. (ats)