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La Suisse sanctionne la Chine à cause de Poutine

La Suisse punit la Chine à cause de Poutine.
Guerre en Ukraine: la Suisse sanctionne pour la première fois des entreprises chinoises. Pour l'instant, la Chine de Xi Jinping n'a pas réagi.Image: shutterstock/watson

La Suisse sanctionne la Chine à cause de Poutine

Le Conseil fédéral applique des sanctions contre les entreprises chinoises qui soutiennent la Russie. Les politiques du Centre et du Parti Vert'libéral soutiennent cette mesure, l'UDC s'y oppose.
23.08.2023, 18:4823.08.2023, 19:00
Corsin Manser
Corsin Manser
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Pour la première fois depuis le début de la guerre en Ukraine, le Conseil fédéral prend des sanctions contre des entreprises chinoises. Et ce en dépit des mises en garde répétées des représentants chinois.

Dans le cadre du 11ᵉ paquet de sanctions de l'UE contre la Russie, adopté par le Conseil fédéral la semaine dernière, les organisations qui soutiennent la Russie dans sa guerre d'agression sont sanctionnées. Sont désormais concernées les entreprises sociétés en Chine, en Ouzbékistan, aux Emirats arabes unis, en Syrie et en Arménie.

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3 entreprises d'Hong Kong visées

Le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) explique la situation à watson:

«Le 11ᵉ paquet de sanctions contient diverses mesures, dont l'interdiction d'exporter des biens à double usage et des biens destinés au renforcement militaire et technologique de la Russie à 87 entreprises supplémentaires.»

«Il s'agit donc d'une restriction du commerce de certains biens stratégiques. Parmi elles se trouvent des entreprises de pays tiers qui ont fourni de tels biens à la Russie, dont trois entreprises enregistrées à Hong Kong.»

Selon le Seco, les entreprises concernées sont les suivantes: Asia Pacific Links Ltd, Tordan Industry Limited et Alpha Trading Investments Limited. Elles sont notamment soupçonnées de fournir des pièces pour drones à la Russie. Le Conseil fédéral a décidé de se joindre au train de sanctions après avoir procédé à une «pesée approfondie des intérêts de politique étrangère, d'économie extérieure et de droit», précise le Seco.

Menaces de Pékin

Lorsque l'UE a annoncé, en mai, qu'elle prenait pour cible les entreprises chinoises, Pékin a immédiatement réagi. Le ministère des Affaires étrangères a fait savoir que les relations allaient se détériorer. La Chine prendra des mesures décisives pour protéger ses intérêts.

Wang Shihting
Wang Shihting, ambassadeur de Chine à Berne, a mis en garde le Conseil fédéral contre des sanctions l'automne dernier.Image: pd

Malgré ces menaces, l'UE a décidé de franchir le pas – et la Suisse aussi. Et ce alors même qu'en automne dernier, l'ambassadeur chinois, Wang Shihting, avait expressément mis en garde le Conseil fédéral contre des sanctions. Le représentant de la Chine à Berne a déclaré au NZZ que les relations sino-suisses en «pâtiraient».

Il s'agissait, toutefois, à l'époque non pas de sanctions contre la Russie, mais de celles prises par l'UE en raison de violations présumées des droits de l'homme dans la province du Xinjiang.

Les réactions politiques

Elisabeth Schneider-Schneiter salue la décision du Conseil fédéral. «Je trouve important que la Suisse reprenne les sanctions de l'UE. Je soutiens fortement cette démarche», déclare la conseillère nationale du Centre à watson:

«Il est important que le continent européen agisse de concert et soutienne l'Ukraine»

«Si des entreprises chinoises soutiennent les Russes dans cet acte répréhensible au niveau du droit international, il est clair pour moi que nous devons les sanctionner». Pékin condamnera les sanctions, la politicienne du centre en est sûre. «Mais nous devons être capables de le supporter».

Nationalraetin Elisabeth Schneider-Schneiter, Mitte-BL, spricht an einer Medienkonferenz von der Allianz fuer die Umsetzung der OECD-Mindeststeuer, am Donnerstag, 11. Mai 2023 in Bern. (KEYSTONE/Antho ...
Elisabeth Schneider-Schneiter (centre) : «Il est important que la Suisse applique les sanctions».Image: keystone

Même tonalité chez Tiana Angelina Moser qui, comme Schneider-Schneiter, siège à la Commission de politique extérieure (CPE) du Conseil national. «Je suis pour une prise de sanctions conséquente. La situation de droit international public dans la guerre en Ukraine est si évidente que cette mesure est justifiée».

Tiana Angelina Moser, Nationalraetin GLP-ZH und Praesidentin der APK-N spricht an einem Point de Presse ueber das Rahmenabkommen mit der EU, am Montag, 17. Mai 2021, in Bern. (KEYSTONE/Peter Schneider ...
Tiana Angelina Moser (PVL) : «La Suisse doit défendre ses valeurs fondamentales».Image: keystone

«Il est possible que les sanctions provoquent des tensions avec la Chine, mais nous devons nous en accommoder», déclare la politicienne des Vert'libéraux:

«La Suisse doit défendre ses valeurs fondamentales»

Le président de la CPE, Franz Grüter, UDC, voit les choses différemment. «Jusqu'à présent, les sanctions n'ont pas eu d'effet», déclare-t-il. Selon lui, le 11ᵉ paquet de sanctions n'y changera rien non plus. «En l'adoptant, la Suisse dégrade ses relations avec la Chine, ce qu'elle ne devrait pas faire», poursuit Grüter. «Je regrette cette décision. Il sera de plus en plus difficile pour la Suisse de collaborer activement à un plan de paix».

Nationalrat Franz Grueter, SVP-LU, Praesident von der Aussenpolitischen Kommission des Nationalrates APK-N, aeussert sich zum Bericht des Bundesrates zur Lagebeurteilung Schweiz-EU, am Montag, 16. Jan ...
Franz Grüter (UDC): «La Suisse dégrade ses relations avec la Chine.» Image: keystone

Pour Fabian Molina du PS, le cas actuel montre «l'absurdité de la politique de sanctions de la Suisse». Depuis deux ans, le Conseil fédéral esquive la décision de reprendre ou non les sanctions contre la Chine en raison des violations des droits de l'homme dans la province du Xinjiang:

«Maintenant, dans le contexte de la guerre en Ukraine, on reprend toutes les sanctions parce que c'est opportun politiquement»

«Il s'agit pour le Conseil Fédéral de protéger avant tout des intérêts économiques», explique le conseiller national socialiste. «Il ne veut en aucun cas mettre en danger l'accord de libre-échange et la position privilégiée avec la Chine que Johann Schneider-Ammann et Ueli Maurer ont construits».

Fabian Molina, SP-ZH, spricht an der Herbstsession der Eidgenoessischen Raete, am Dienstag, 14. September 2021 im Nationalrat in Bern. (KEYSTONE/Alessandro della Valle)
Fabian Molina (PS): «Il s'agit pour le Conseil Fédéral de protéger avant tout des intérêts économiques.»Image: keystone

La Suisse ne reprendrait le paquet de sanctions contre la Russie uniquement à cause de la pression de l'étranger, qui serait devenue trop forte. Les Etats-Unis auraient notamment menacé les banques suisses de leur retirer l'accès au marché:

«Pendant des décennies, la Suisse n'a eu aucun problème à couvrir des oligarques russes. Aujourd'hui, la roue a tourné. Or rien n'a changé dans le modèle d'affaires général avec l'argent sale.»

Aucune réaction du côté de la Chine

Le 11ᵉ paquet de sanctions est en vigueur depuis près d'une semaine. Jusqu'à présent, Pékin n'a pas encore concrétisé ses menaces. «Le Seco n'a pas connaissance de réactions de la part de la Chine», déclare son porte-parole Fabian Maienfisch à watson. L'ambassade de Chine à Berne n'a pas répondu aux demandes de watson.

Fabian Molina ne craint pas une détérioration des relations bilatérales en raison du paquet de sanctions:

«La Chine n'a aucun intérêt à cela. Si elle faisait du bruit, elle pousserait la Suisse encore plus dans les bras de l'Occident.»

Traduit de l'allemand par Anne Castella

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