Pour la première fois depuis le début de la guerre en Ukraine, le Conseil fédéral prend des sanctions contre des entreprises chinoises. Et ce en dépit des mises en garde répétées des représentants chinois.
Dans le cadre du 11ᵉ paquet de sanctions de l'UE contre la Russie, adopté par le Conseil fédéral la semaine dernière, les organisations qui soutiennent la Russie dans sa guerre d'agression sont sanctionnées. Sont désormais concernées les entreprises sociétés en Chine, en Ouzbékistan, aux Emirats arabes unis, en Syrie et en Arménie.
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Le Secrétariat d'Etat à l'économie (Seco) explique la situation à watson:
Selon le Seco, les entreprises concernées sont les suivantes: Asia Pacific Links Ltd, Tordan Industry Limited et Alpha Trading Investments Limited. Elles sont notamment soupçonnées de fournir des pièces pour drones à la Russie. Le Conseil fédéral a décidé de se joindre au train de sanctions après avoir procédé à une «pesée approfondie des intérêts de politique étrangère, d'économie extérieure et de droit», précise le Seco.
Lorsque l'UE a annoncé, en mai, qu'elle prenait pour cible les entreprises chinoises, Pékin a immédiatement réagi. Le ministère des Affaires étrangères a fait savoir que les relations allaient se détériorer. La Chine prendra des mesures décisives pour protéger ses intérêts.
Malgré ces menaces, l'UE a décidé de franchir le pas – et la Suisse aussi. Et ce alors même qu'en automne dernier, l'ambassadeur chinois, Wang Shihting, avait expressément mis en garde le Conseil fédéral contre des sanctions. Le représentant de la Chine à Berne a déclaré au NZZ que les relations sino-suisses en «pâtiraient».
Il s'agissait, toutefois, à l'époque non pas de sanctions contre la Russie, mais de celles prises par l'UE en raison de violations présumées des droits de l'homme dans la province du Xinjiang.
Elisabeth Schneider-Schneiter salue la décision du Conseil fédéral. «Je trouve important que la Suisse reprenne les sanctions de l'UE. Je soutiens fortement cette démarche», déclare la conseillère nationale du Centre à watson:
«Si des entreprises chinoises soutiennent les Russes dans cet acte répréhensible au niveau du droit international, il est clair pour moi que nous devons les sanctionner». Pékin condamnera les sanctions, la politicienne du centre en est sûre. «Mais nous devons être capables de le supporter».
Même tonalité chez Tiana Angelina Moser qui, comme Schneider-Schneiter, siège à la Commission de politique extérieure (CPE) du Conseil national. «Je suis pour une prise de sanctions conséquente. La situation de droit international public dans la guerre en Ukraine est si évidente que cette mesure est justifiée».
«Il est possible que les sanctions provoquent des tensions avec la Chine, mais nous devons nous en accommoder», déclare la politicienne des Vert'libéraux:
Le président de la CPE, Franz Grüter, UDC, voit les choses différemment. «Jusqu'à présent, les sanctions n'ont pas eu d'effet», déclare-t-il. Selon lui, le 11ᵉ paquet de sanctions n'y changera rien non plus. «En l'adoptant, la Suisse dégrade ses relations avec la Chine, ce qu'elle ne devrait pas faire», poursuit Grüter. «Je regrette cette décision. Il sera de plus en plus difficile pour la Suisse de collaborer activement à un plan de paix».
Pour Fabian Molina du PS, le cas actuel montre «l'absurdité de la politique de sanctions de la Suisse». Depuis deux ans, le Conseil fédéral esquive la décision de reprendre ou non les sanctions contre la Chine en raison des violations des droits de l'homme dans la province du Xinjiang:
«Il s'agit pour le Conseil Fédéral de protéger avant tout des intérêts économiques», explique le conseiller national socialiste. «Il ne veut en aucun cas mettre en danger l'accord de libre-échange et la position privilégiée avec la Chine que Johann Schneider-Ammann et Ueli Maurer ont construits».
La Suisse ne reprendrait le paquet de sanctions contre la Russie uniquement à cause de la pression de l'étranger, qui serait devenue trop forte. Les Etats-Unis auraient notamment menacé les banques suisses de leur retirer l'accès au marché:
Le 11ᵉ paquet de sanctions est en vigueur depuis près d'une semaine. Jusqu'à présent, Pékin n'a pas encore concrétisé ses menaces. «Le Seco n'a pas connaissance de réactions de la part de la Chine», déclare son porte-parole Fabian Maienfisch à watson. L'ambassade de Chine à Berne n'a pas répondu aux demandes de watson.
Fabian Molina ne craint pas une détérioration des relations bilatérales en raison du paquet de sanctions:
Traduit de l'allemand par Anne Castella