Le régime chinois n'est pas vraiment connu pour revenir en arrière sur ses décisions de politique intérieure. Le Covid-19 ne fait pas exception: Pékin s'en tient sans sourciller à sa stratégie «zéro Covid», avec tous les outils dont un régime autoritaire dispose:
Et, sans surprise, cela mène à des morts. Une situation ubuesque pour un régime qui se targue de vouloir éviter le moindre décès causé par le Covids.
La BBC a exhumé lundi la liste de tous les drames qui auraient pu être évités si le régime chinois n'avait pas été aussi aveuglément à cheval dans sa gestion du Covid. Certains sont surréalistes, d'autres ne provoquent que colère et tristesse.
C'est l'histoire qui ulcère la population chinoise depuis quelques jours et pourrait bien mettre le feu aux poudres dans l'Empire du Milieu.
La semaine dernière, un immeuble a pris feu dans la région d'Urumqi, à l'extrême nord-ouest du pays. De nombreux habitants ont été piégés à l'intérieur d'un immeuble résidentiel. Résultat: l'incendie a mené à la mort de dix personnes.
Sur Twitter, des vidéos glaçantes filmées par des riverains ont enregistré les derniers moments de plusieurs habitants, qui hurlent de les laisser sortir de l'immeuble.
Les services d'urgence ont été empêchés de venir sur place à cause des restrictions sanitaires. Selon plusieurs témoignages sur les réseaux sociaux, les entrées de l'immeuble, scellées par les autorités, auraient empêché les habitants de sortir.
On peut y voir plusieurs portes bloquées, les poignées étant retenues par du solide fil de fer. D'ailleurs, le bâtiment entier aurait été placé sous quarantaine depuis plus de trois mois.
Pour justifier les décès, la municipalité d'Urumqi a préféré pointer du doigt les riverains qui avaient parqué leurs véhicules à proximité de l'immeuble et auraient empêché les véhicules d'intervention de s'approcher pour déployer leur dispositif.
Selon plusieurs comptes Twitter, après l'incendie d'Urumqi les citoyens chinois ont commencé à se rebeller contre le régime, notamment en détruisant les scellés à l'entrée de leurs habitations.
After yesterday’s fire in a high-rise building in Urumqi, which killed at least 10 people due to lockdown measures, people in China are now breaking down gates and other obstacles that have been keeping them locked-up for months
— Visegrád 24 (@visegrad24) November 26, 2022
This video is from Chengdu pic.twitter.com/13OH4mWKki
De plus, les observateurs étrangers n'auront pas manqué de faire remarquer que la ville d'Urumqi est la capitale du Xinjiang. Cette région est dans le viseur des ONG pour les conditions infligées aux Ouïghours, cette minorité persécutée par Pékin et maintenue dans des camps.
Un autre exemple parlant a eu lieu dans la ville de Chengdu, le 5 septembre. Un tremblement de terre de 6.6 sur l'échelle de Richter a frappé cette ville de la région du Sichuan, à l'est du pays, indique la BBC.
Dans la panique, les habitants ont légitimement tenté de fuir et certains, de se réfugier dans la rue. C'était sans compter le fait que de nombreuses portes étaient scellées, empêchant les habitants de se mettre à l'abri. Car le régime avait décidé, quelques jours plus tôt, de mettre l'entièreté de la ville sous quarantaine:
Pour les autorités, cela n'a rien changé. On a pu entendre ce message, transmis aux habitants par des mégaphones placés dans la rue:
Set 5, in #Chengdu City, #CCPChina. When #Earthquake happened, people were locked inside their buildings and not allowed to escape. #AmazingChina, #COVID19 #COVID, #CCPvirus pic.twitter.com/2HhGMOuo1f
— Jennifer Zeng 曾錚 (@jenniferzeng97) September 6, 2022
Une partie des habitants a essayé de forcer les portails de leur immeuble. Sur le réseaux social chinois Weibo, la censure peine à surveiller tous les commentaires critiques:
Le tremblement de terre aura, au final, emporté la vie de 65 personnes. Difficile de dire, au sein de cette ville de 21 millions d'habitants, quelles vies auraient pu être sauvées si le règlement anti-Covid avait été moins strict.
C'est le scénario du pire pour tous les parents: voir son enfant gravement malade et ne rien pouvoir faire. Cette situation d'horreur a touché le jeune père Li Baoliang et sa femme, testée positive du Covid, dans la ville Zhengzhou, le 12 novembre dernier.
Ils ont été mis au confinement dans un hôtel avec leur bébé de quatre mois, qui est tombé malade. Leur fille, atteinte de diarrhées et de vomissements, n'arrivait plus à manger.
Pour être pris en charge, les parents et l'enfant ont dû passer un test antigénique. Ce n'est que la deuxième ambulance qui a accepté de prendre le bébé en charge — la première fois, il n'était «pas prioritaire».
Mais l'ambulance, au lieu d'amener l'enfant à l'hôpital le plus proche, l'a amené à un hôpital à 100 km de là. Cette décision lui sera fatale: sa température chute et le bébé meurt. L'histoire a fait le tour des réseaux sociaux chinois.
Guo Jingjing, une adolescente de 14 ans, a été envoyée en centre de quarantaine après avoir été testée positive au Covid. Là, sa condition médicale s'est rapidement détériorée et elle a développé une forte fièvre. Pour autant, elle n'a pas été envoyée à l'hôpital ou traitée par un médecin.
Sur une vidéo choquante partagée sur les réseaux sociaux chinois, on peut voir l'adolescente en train de convulser sur un lit, peu avant son décès. La cause précise de son décès n'est pas connue, mais n'est pas liée à une insuffisance respiratoire due au Covid.
Sa propre famille a partagé la vidéo en ligne pour pousser les autorités à prendre en considération plus sérieusement ce genre de cas. Depuis des mois, des témoignages concernants des personnes détenues contre leur volonté dans des centres de quarantaine fleurissent, notamment des personnes âgées en situation médicale difficile.
Les exemples pourraient s'étirer longuement au-delà de cette courte liste... Comme celle de cette femme, qui assure avoir eu une fausse couche à cause du refus des autorités à la laisser quitter sa zone de quarantaine pour bénéficier d'un traitement médical, ayant utilisé un test Covid périmé.
Pour d'autres, c'est la faute à pas-de-chance, pourrait-on dire, mais tout de même: un bus rempli de passagers devant être amenés en zone de quarantaine se renverse sur un autoroute, entraînant la mort de 27 passagers, explique 20 minutes.
Après maintenant trois années de pandémie, les citoyens de l'Empire du milieu en ont marre et commencent à se rebeller. Et ce d'autant plus que, dans le reste du monde, le confinement fait désormais partie d'un ancien monde. A la télévision, dans les gradins des matchs de la Coupe du monde, au Qatar, les Chinois peuvent observer, abasourdis, que le monde entier a fait tomber les masques.