Pendant trois ans, les Etats-Unis, l'Europe et l'Ukraine ont travaillé dur pour maintenir leur unité et faire face à l'agresseur russe Vladimir Poutine. Il y a bien sûr eu des secousses, et ici et là, de petites fissures sont apparues dans l'alliance anti-Poutine. Mais dans l'ensemble, le front a tenu. L'Ukraine tient bon. La Russie n'a pas atteint ses objectifs de guerre.
Mais ce mercredi, le président américain Donald Trump a passé la stratégie occidentale à la moulinette. Ce faisant, l'Américain a détruit deux piliers du soutien à l'Ukraine.
Le premier pilier forme peut-être la base de la guerre: rien ne sera déterminé sur l'Ukraine sans l'Ukraine. Ce principe est presque devenu un mantra pour les politiciens occidentaux dès qu'il a été question de potentielles négociations de paix.
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Aujourd'hui, tout a changé. Trump s'assied personnellement à la table de négociation avec le président russe, et les Ukrainiens n'ont pas voix au chapitre. La peur primaire de Kiev a toujours été de voir son destin déterminé par des puissances étrangères – et cette peur a désormais été confirmée.
Trump a également balayé d'un revers de main le deuxième principe: l'Ukraine doit entamer les négociations en étant en position de force. Or, pour Trump, l'adhésion de l'Ukraine à l'Otan n'entre pas en ligne de compte, ce qui affaiblit considérablement la position ukrainienne. Le plan de négociation de Trump fait aussi fi de l'objectif ukrainien de rétablir les frontières de droit international.
Il faut l'admettre: l'adhésion immédiate de l'Ukraine à l'alliance de défense n'a jamais été réaliste. Le gouvernement de Joe Biden l'avait déjà clairement fait savoir. De même, la plupart des observateurs s'accordent sur le fait que l'Ukraine devra probablement céder certains territoires à Poutine – du moins temporairement. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky lui-même l'a déjà reconnu à plusieurs reprises.
Mais admettre publiquement ces limites avant même les négociations proprement dites et sans contrepartie de la part de Poutine, c'est autre chose. Poutine en est certainement reconnaissant – Trump lui livre la moitié de ses objectifs sur un plateau d'argent.
Ce qui est également grave, c'est que les Européens risquent à leur tour d'être relégués au rang d'observateurs impuissants. Pourtant, ce sont eux qui devront vivre avec les conséquences des négociations de Trump.
Comme Poutine n'inspirera jamais confiance, il est probable que des dizaines de milliers de soldats internationaux devront être déployés à l'avenir pour garantir la paix en Ukraine. Il s'agira de troupes européennes, car les Etats-Unis ne participeront pas – la position de Trump est très claire à ce sujet.
Il semblerait que Trump cherche à s'ériger un monument à lui-même et s'assurer le prix Nobel de la paix en mettant rapidement fin à la guerre. Reste à savoir s'il s'agira d'une paix juste et durable. On peut aussi se demander si c'est vraiment ce qu'il souhaite accomplir. Pour l'instant, Trump donne plutôt l'impression de se voir dans le rôle d'un médiateur neutre. Face à un dictateur qui a attaqué de sang-froid son pays voisin, cela risque fort d'avoir des conséquences dévastatrices.
Mais peut-être que les choses se passeront différemment. Trump est «le meilleur négociateur de la planète», a dit jeudi son ministre de la Défense, Pete Hegseth, pour tenter de rassurer les partenaires de l'Otan. Ce que les alliés ont compris comme un coup bas ferait apparemment tout simplement partie de la stratégie du président Américain.
Il ne faut pas perdre espoir: même si le début des négociations a été chaotique et quelque peu inquiétant, en réalité, rien n'est encore perdu. Mais il est indubitable que Trump mise gros – dans le jargon du poker, cela signifierait qu'il y va «all in» dès le début. Qu'ils le veuillent ou non, les Etats européens et l'Ukraine suivent le mouvement. Il ne leur reste qu'à espérer que le président américain ne se trompe pas dans son jeu.
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci