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France: Ce qui donnera la victoire à Marine Le Pen

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Marine Le Pen et Jordan Bardella. Marseille, 3 mars 2024.Image: EPA
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Ce qui donnera la victoire à Marine Le Pen

De tout ce qui concourt à une possible victoire du Rassemblement national en France en 2027, les faits de violence sont ce qui joue le plus en sa faveur. De récents événements dramatiques amènent de l'eau au moulin lepéniste.
09.04.2024, 18:4710.04.2024, 09:34
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Marine Le Pen n’a pas encore gagné la présidentielle de 2027. Mais elle se rapproche du sacre. En 2017, il lui a manqué 10 millions de voix. En 2022, son parti franchissant pour la première fois la barre des 40% dans un second tour, il ne lui en fallait déjà plus que 5,5 millions. Ce n’est pas rien, mais, au Tetris électoral, les voix passent à la trappe par lots entiers. Ces chutes soudaines, c’est ce qui menace les candidats des partis gouvernementaux face au Rassemblement national (RN).

Alors, qu’est-ce qui pourrait donner la victoire à Marine Le Pen dans trois ans? Ses propositions économiques? Probablement pas, question argent, le RN est un panier percé. Sa vision géopolitique? Ce serait étonnant, tant elle apparaît liée à la Russie de Vladimir Poutine. Non, la chose qui pourrait lui donner la victoire, c’est le sentiment d’impuissance des Français face à la violence intérieure.

Trois événements récents sont venus nourrir ce sentiment, en l’occurrence une réalité.

  • Le 26 mars, le proviseur d’un lycée parisien démissionnait à la suite de menaces de mort, après qu’il eut exigé d’une élève qu’elle retire son voile, conformément à la loi de 2004 interdisant le port de signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires.
  • Le 2 avril, Samara, une collégienne de 13 ans de Montpellier, était placée dans le coma après des coups reçus. La raison de ces violences était d’abord attribuée à un comportement censément contraire à l’islam, le ministère public ne retenant finalement pas le motif religieux.
  • Le 4 avril, Shemseddine, 15 ans, était tué à Viry-Châtillon, en région parisienne, par un groupe de jeunes. L’hypothèse d’un «crime d’honneur» est pour l’heure privilégiée.

La peur de mourir pour un oui, pour un non

Plus que le nombre d’homicides, en baisse continue ces dernières décennies, stable depuis les années 2010, c’est le nombre de coups et blessures, incluant les tentatives d'assassinat, passé de 227 000 en 2016 à 384 000 en 2023 (+59%), qui retient l’attention. Le Centre d’observation de la société relativise cette forte hausse:

«Cette situation est, pour l’essentiel, le résultat d’un durcissement de la loi: de plus en plus d’infractions sont comptabilisées comme des délits alors qu’elles ne l’étaient pas auparavant.»

Pas sûr que cet argument convainque. Ce que les gens, de toute couche sociale, de tout parti politique, aujourd’hui, redoutent, c’est de mourir pour avoir demandé à des jeunes de faire moins de bruit au bas de l’immeuble ou dans les transports en commun. Si bien qu’ils s’abstiennent de le leur demander. Ce renoncement nourrit un profond sentiment d’insécurité et d’impuissance. Les 5 millions de voix qui manquent au Rassemblement national pour accéder à l’Elysée se nichent peut-être dans cette crainte devenue une conviction que les coups et blessures peuvent pleuvoir à tout moment, pour un oui, pour un non, ce qu’on appelle la «violence gratuite» en encore l'«ultra-violence».

Le RN a toujours sa base électorale nationaliste, qui toutefois s’élargit et clame dans les meetings «on est chez nous», en opposition aux «immigrés» comme pour dire «on compte». Mais si son taux d’électeurs grossit à ce point, renseignant au passage sur l’état social de la France, c'est peut-être moins en raison d’une adhésion à des idées d’extrême droite que pour en finir avec la peur. Autrement dit, avec le RN au pouvoir, la peur «changera de camp». C'est en filigrane ce que disent les sondages en vue des élections européennes de juin.

Revanchisme et déni

On connaît les conséquences potentiellement graves d’un revanchisme porté au pouvoir. Mais, si le gouvernement fait ce qu'il peut et prononce généralement les mots qui conviennent face aux événements dramatiques, le tout dans le cadre de l'Etat de droit, il faut s’interroger sur les dénis et minimisations, notamment à gauche, qui continuent d'alimenter cet esprit de revanche ou cette envie de grande clarification des termes, où «délinquance» et «immigration» jouent en tête d'affiche, comme on l'a constaté en Suisse dans la campagne de l'UDC aux dernières élections fédérales.

Dans l’affaire de Samara, tout le monde a entendu la mère dénoncer d’abord une agression motivée par des arguments religieux de type islamiste, sa fille ayant le tort de se comporter librement aux yeux de ses agresseurs. Puis tout le monde l’a entendue, ou plutôt vue se rétracter à la télévision en lisant une sorte de communiqué sur son téléphone portable, dans lequel elle affirmait que Samara était une bonne musulmane faisant le ramadan et ses cinq prières quotidiennes. Personne ne pouvait être dupe de cette seconde déclaration, par quoi la mère rentrait dans le rang, pour sa sécurité et celle de sa famille vivant dans le «quartier», supposait-on.

L’islam plus performant que l’Etat de droit?

Le vote RN est non seulement lié à un recul de l’autorité de l’Etat et de celle de tout un chacun dans ce qu’il est convenu d’appeler la civilité quotidienne. Il découle aussi de la crainte d’une progression de l’islam sur un champ de ruines républicain, ou, dit autrement, du constat que l’islam serait bien plus performant que l’Etat de droit dans ses fonctions normatives. Ces impressions ou certitudes concourent au renforcement du vote RN, comme on devrait s’en apercevoir dans deux mois aux européennes.

La victoire de l’extrême droite n’est pas inéluctable en 2027, mais elle apparaît comme de moins en moins impossible.

Marine Le Pen et HugoDécrypte
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