«Où est passée l’urgence de battre Trump?». Cette fronde vient d’un allié de Kamala Harris, qui peut se montrer intraitable lorsqu’il a l’impression que ça roupille: le New York Times. Dans une attaque frontale parue ce week-end, l’éditorialiste Maureen Dowd tire la sonnette d’alarme comme on voudrait réveiller un fêtard parce qu’il est l’heure d’aller bosser. Et sa conclusion ne tortille pas du popotin:
Au-delà des sondages nationaux, qui montrent un coude à coude tellement serré qu’ils ne sont d'aucune utilité pour analyser la situation à moins de trois semaines de l’élection présidentielle, ce sont les impulsions personnelles qui comptent.
Et à ce jeu-là, le bilan démocrate est catastrophique. Incapable d’investir dans le formidable élan populaire qui l’a poussée au sommet au moment de sa nomination, la candidate Harris paraît désormais recroquevillée dans une ruelle sombre, pesant chacun de ses mots et gestes comme si elle redoutait de se faire croquer par le gros croco républicain.
Force est de constater que c’est précisément ce qui est en train de se produire. En face, il y a un Donald Trump plus agressif que jamais, empoignant sa campagne avec une telle vigueur que celle de la vice-présidente paraît ronronner au diesel.
Très convaincant sur l’immigration, le milliardaire de Palm Beach aligne les meetings, se déplace parfois plusieurs fois par jour, va jusqu’à briller en messie dans des Etats perdus d’avance et durcit constamment le ton.
Sans causer politique et en empruntant le vocabulaire des sportifs, on est bien obligé de constater qu’il mouille sa chemise, Donald Trump.
Pourtant près de 20 ans plus vieux que son adversaire, papy veut gagner et ça se voit.
Où est passée Kamala Harris? La question paraît saugrenue, étant donné qu'elle vient d'aligner les rendez-vous médiatiques très exposés. Le hic, c'est qu'à trop vouloir maîtriser son propos, on l'accuse de censurer les interviews et de castrer les shows. Et quand elle ose un mot de trop, il atterrit sur la tête. Ce fut notamment le cas pour la très puissance émission The View, dans laquelle elle a prouvé qu'elle n'avait rien de mieux à proposer que les quatre dernières années sous le gouvernement Biden.
Cette réplique, une fois isolée, est un virus qui ronge férocement la crédibilité de la campagne démocrate. Ce n'est pas un hasard que Donald Trump l'utilise désormais à chacun de ses meetings pour se moquer de son ennemie, pour affirmer que Kamala Harris est une simple marionnette de Joe Biden.
Ce n’est pas faute d’avoir enchaîné les rendez-vous: 60 Minutes, le célèbre podcast Call Her Daddy, le show de Stephen Colbert ou encore celui d'Howard Stern où on a appris sa morning routine, qui consiste à transpirer sur sa machine elliptique devant la matinale de CNN. Sans oublier la couverture ratée de Vogue, violemment retouchée, mais triste à mourir.
Autant d'efforts dans lesquelles la vice-présidente a simplement cherché à affiner le récit de sa propre existence, comme si elle ne savait pas encore quelle Kamala visait réellement la Maison-Blanche.
Pire encore, ce sentiment crasse que la vice-présidente n'a pas envie. Pas envie de gagner, pas envie de se battre et pas envie d'offrir aux électeurs américains l'opportunité de la connaître. Fox News la charrie quotidiennement depuis l'annonce de sa candidature pour son refus de se prêter au jeu de la conférence de presse. Ce week-end, le TIME a poussé sa gueulante personnelle, vexé d'être constamment snobé par la candidate, alors que le magazine venait de la soutenir publiquement:
En politique, qui plus est dans la dernière ligne droite, l'important n'est pas ce qui est dit mais ce que l'on retient. Hélas, tout sonne comme une immense opportunité gâchée, la candidate se bornant la plupart du temps à «parler à tout le monde pour ne rien dire», comme l'a sèchement résumé MSNBC.
Si Kamala Harris ne se décide pas très vite à lâcher les chiens et à larguer quelques gouttes de sueur, Donald Trump a de très grandes chances de remporter le match le 5 novembre prochain. Deux objectifs majeurs sont devant la candidate démocrate: s'émanciper intelligemment de Joe Biden (notamment au sujet des frontières et d'Israël) et reprendre le lead sur ce récit maîtrisé actuellement par le milliardaire républicain.
Une petite note positive pour terminer? Un rapide coup d'œil sur son agenda de la semaine nous fait dire qu'elle a peut-être (enfin) pigé que le temps presse. Un arrêt dans (presque) chaque Etat clé et une interview avec Fox News.