Que diable se passe-t-il dans les couloirs, les esprits, les ventres et les meetings du parti démocrate? Depuis qu'ils ont (enfin) osé écarter leur très bon (mais périmé) président des Etats-Unis, à la suite d'une performance catastrophique lors du premier débat télévisé face à Donald Trump, on a l'impression d'avoir affaire à un adolescent heureux d'être en âge de prendre sa première cuite.
Ce parti, que l'on croyait en soins palliatifs et bordé par ses huiles les plus influentes d'un air condescendant, a soudain déchiré sa blouse de malade, sauté par la fenêtre de l'hôpital en rappel et rejoint Kamala Harris les bras encombrés d'espoir. Cette vice-présidente de 59 ans fait désormais office de thérapie alternative dont on dit soudain le plus grand bien.
Une «salle gosse» réhabilitée, hurlant que «We Are Not Going Back!» et qui parvient à rapiécer les âmes qui ne croyaient plus en rien, sinon à la perte de la Maison-Blanche le 5 novembre prochain.
Une soif de (sur)vivre qui se matérialise en ce moment, dans le cadre de la convention nationale, qui se tient à Chicago jusqu'à jeudi et s'apprête à couronner officiellement le ticket Harris/Walz. Bien sûr, les démocrates ont toujours été beaucoup plus dissipés que les républicains au moment de rassembler les troupes. L'ambiance de kermesse face à l'indécrottable sérieux conservateur. Même l'arrivée triomphale d'un Donald Trump rescapé et alourdi d'un pansement gigantesque à l'oreille n'avait pas permis à «sa» convention de tutoyer les sommets.
Mais chez les démocrates, cette fois, quelque chose à changé. De la kermesse, on est passé au giron des jeunesses, avec des partisans ivres d'avenir. Sortez les décibels et les bouteilles, que la fête ne s'arrête pas. Comme si l'enterrement avait déjà été prévu et que ça toque soudain contre le cercueil. Surprise, le miraculé n'est plus ce gourou «bizarre» qui a survécu à un attentat, mais bien le parti de Joe Biden.
Le patron de ce parti, officiellement ou non, c'est sans doute Barack Obama. Celui qui a pesé sur l'éjection du président et qui, mardi soir, l'a réhabilité sous l'égide de Kamala, en parlant de demain. Il est bien sûr au cœur de ce virage abrupt qui, aujourd'hui, se transforme en thérapie de groupe. Sur scène? Des retrouvailles bruyantes et enjouées. En coulisses, de vieilles et plus récentes blessures qu'on panse enfin les yeux grands ouverts.
Et cette thérapie passe logiquement par l'atomisation d'un démon qui n'a, pour le coup, rien d'intérieur. Il s'appelle Donald Trump. Le verbe sarcastique et l'attitude du boxeur qui grimpe sur le ring, Obama et les autres empruntent désormais ses armes pour mieux le terrasser sur son propre terrain.
President Obama: It’s been a constant stream of gripes and grievances that’s actually gotten worse now that Trump is afraid of losing to Kamala. The childish nicknames and crazy conspiracy theories and weird obsession with crowd sizes 🤏 pic.twitter.com/cstJYrpiCg
— Kamala HQ (@KamalaHQ) August 21, 2024
Le tour de force des démocrates? Pouvoir tourner la page en emportant un bout de l'héritage, mais sans avoir à se coltiner les casseroles du candidat précédent. En déployant la vice-présidente pour tenter de conserver la Maison-Blanche, le parti peut se mettre à vendre un changement. En offrant à Joe Biden une oraison politique de premier choix lors de la première soirée de la convention nationale, le voilà redevenu utile et même hautement stratégique. Magique, n'est-ce pas?
The section of Biden’s speech that will likely be best remembered.
— Alex Thompson (@AlexThomp) August 20, 2024
After quoting the song, he said:
"I made a lot of mistakes in my career, but I gave my best to you.”
pic.twitter.com/SFWIt0MWLz
Oui, à deux mois de l'élection présidentielle, les démocrates mordent dans leur campagne à la manière d'un Donald Trump, en lui piquant des techniques, quelques manières et certaines attaques par surprise. Mais ils n'avaient pas vraiment d'autres choix. Les remontrances solennelles de papy Biden ne fonctionnaient plus. Et puis, il faut savoir que c'est moins le parti démocrate qui a changé que Donald Trump qui a changé les règles du jeu.
Jeudi soir, Kamala Harris montera sur scène à Chicago. Le bouquet final, l'apothéose, mais surtout la fin d'une période d'essai particulièrement concluante. Dès le lendemain, l'euphorie sera rangée dans les bons souvenirs politiques et la campagne, plus violente et clivante que jamais, pourra véritablement démarrer. Sur le terrain, dans des sondages qui profitent pour l'heure à la vice-présidente. Le véritable défi des démocrates? Tout mettre en œuvre pour que Donald Trump ne retrouve pas son étrange mojo avant le 5 novembre. Celui qu'il a perdu au retrait de son ennemi de toujours, Joe Biden.