Mardi après-midi, lorsque le nom du colistier de Kamala Harris sur le ticket démocrate fuite dans la presse, on peine à ne pas ressentir une pointe de déception. C'est qui lui, Tim Walz? Il a quoi de plus que les autres? De prime abord, le bonhomme n'a rien d'extravagant. Un physique commun de n'importe quel politicien américain blanc de 60 ans. Cravate noire, épaules larges, cou épais, petite bedaine et front dégarni.
Tim Walz a l'air plus vieux qu'il n'en a l'air, mais il en est conscient. D'ailleurs, le gouverneur du Minnesota a une manière plutôt originale de justifier sa calvitie: il a géré la cafétéria du lycée où il enseignait pendant plus de 20 ans. «On ne quitte pas ce travail avec une chevelure complète. Croyez-moi», a-t-il clamé sur X. D'ailleurs, selon lui, le chaos de la cantine scolaire l'aurait aussi préparé à affronter celui de Washington DC.
Il n'y a pas que le réfectoire qui ait eu une influence profonde sur Tim Walz. Son job d'enseignant a littéralement défini la vie personnelle de ce natif du Nebraska, qui a grandi dans une bourgade de 400 habitants, Butte (un bled qu'il résume en quelques mots: «24 enfants par classe, 12 cousins, une ferme»). C'est dans le lycée de cette zone rurale qu'il va rencontrer sa future femme, Gwen. Elle enseigne l'anglais, lui les sciences sociales. Ils doivent se partager la même salle de classe, séparée par une simple cloison.
D'ailleurs, la voix puissante de son voisin porte tellement que la jeune enseignante s'en irrite. Ça n'a pas beaucoup changé depuis. Lorsque Tim Walz accède au poste de gouverneur du Minnesota en 2019, son épouse hérite du rôle de première première dame du Minnesota et d'un bureau au Capitole.
Jugeant que son mari «parle trop», elle préfère s'installer dans une pièce située à l'autre bout du couloir.
Mais revenons à nos moutons. Si le timbre de voix de son collègue l'agace, force est de constater pour Gwen que les élèves sont captivés par ses cours. Elle lui accorde un premier rendez-vous: une sortie ciné (la comédie dramatique noire de Michael Douglas de 1993, Falling Down) suivie d'un repas chez Hardee's, chaîne de fast-food du midwest spécialisée dans le poulet frit et les burgers.
Le couple se marie l'année suivante et passera sa lune de miel en Chine, pays dans lequel Tim Walz a enseigné pendant un an. Pour l'anecdote, il baragouine toujours le mandarin.
En 1995, Tim Walz est fortement marqué par un incident qui changera sa vie. Un samedi de septembre, le jeune enseignant de 31 ans est arrêté par la police d'Etat. Motif: une vitesse de 155km/h au lieu des 88km/h autorisés. Après avoir échoué lamentablement à l'alcootest, le conducteur est incarcéré à la prison du comté et inculpé pour conduite en état d'ivresse.
Très ébranlé, le prof de géo envisage de démissionner. Le directeur de l'école parvient à l'en dissuader, mais Tim Walz insiste quand même pour lâcher son poste de coach de l'équipe de football du lycée. Une perte pour les joueurs, certes, mais qui lui vaut encore aujourd'hui le respect de l'entraîneur principal de l'époque, Jeff Tomlin. «C'est un homme de conviction», a-t-il déclaré mardi dans une interview au Washington Post.
Depuis, Tim Walz a arrêté de boire et cultive une passion pour le Diet Mountain Dew, cet infâme soda qu'on ne trouve que dans ce pays béni qu'est l'Amérique.
Nothing better than getting my day started with some #OneMinnesota Diet Mountain Dew. pic.twitter.com/GYvSb5ABqH
— Governor Tim Walz (@GovTimWalz) June 28, 2019
A noter qu'il ne s'agit pas de la seule manie alimentaire du gouverneur. Outre le lait à volonté servi à la foire de l'Etat du Minnesota, où il s'est porté volontaire, Tim Walz passera également à la postérité pour son célèbre «Tater Tot Hot Dish». Pour preuve, il a été sacré trois fois champion lors du concours de la délégation du Congrès du Minnesota, en 2013, 2014 et 2016. Une compétition annule entre les membres du Congrès pour départager le meilleur spécimen de cette spécialité régionale. Une sorte de hâchis Parmentier aromatisé avec une sauce épaisse et condensée à base de crème de champignons.
Pour brûler ces patates et cette crème épaisse, Tim Walz est un coureur émérite, qui a pris part à de nombreuses compétitions régionales. «J'ai constaté que même avant les événements les plus stressants, si je vais courir, je suis plus calme et plus serein», a-t-il confié. C'est donc tout naturellement que ses collaborateurs le surnomment Forrest Gump, en hommage à la vie mouvementée digne du personnage de Tom Hanks.
Il en faut de l'énergie, pour mener de front carrière politique, militaire et vie de famille trépidante. Tim et son épouse ont deux enfants Hope, 23 ans, et Gus, 17 ans.
D'ailleurs, savez-vous qu'il y a une bonne raison pour avoir baptisé leur fille «Espoir»? Tim et Gwen ont tenté d'avoir des enfants pendant sept ans, sans succès, avant d'avoir finalement recours à la FIV. Depuis, l'ancien professeur a fait de la défense des traitements de fertilité l'un de ses cheveux de bataille politique.
La vie de la famille Walz n'a pas été exempte de drames. En 2016, le frère cadet de Tim Walz, Craig, est décédé à l'âge de 43 ans alors qu'il campait avec son fils Jacob, alors âgé de huit ans, écrasé par un arbre lors d'une violente tempête.
Trois ans plus tard, la petite famille du représentant démocrate s'est élargie avec un nouveau membre. Alors candidat au poste de gouverneur, Tim promet à son fils de lui offrir un chien s'il remporte l'élection. A l'annonce des résultats, Gus explose de joie... Mais pas vraiment pour la victoire de son père. «J'aurai un chien!» exulte-t-il.
Au-delà des concours de gratin et des balades avec Scout, s'il y a un truc qui passionne Tim Walz, c'est la chasse. Si bien que le puissant lobby des armes américain, la National Rifle Association (NRA), lui a attribué la note de «A». Une excellente note rétrogradée en «F», depuis que le démocrate a soutenu des mesures plus strictes de contrôle des armes à feu et l’interdiction des armes d’assaut. «Ça ne m'empêche pas de dormir», assure le gouverneur avec humour, qui a profité de sa passion pour les armes à feu pour tacler son rival, le républicain JD Vance.
Et évidemment, Tim Walz s'est rendu inoubliable pour avoir lancé la récente «campagne de bizarreries» contre Donald Trump, son colistier et le parti républicain. Weird, («bizarre») un terme qu'il adore, parce qu’il prive Trump de crédit et de son pouvoir. «Je pense qu’il faut simplement atténuer un peu le côté effrayant et simplement nommer les choses par leur nom», a-t-il expliqué à CNN.
Tim Walz peut parler. Derrière son apparente normalité, le colistier de Kamala Harris cache aussi de délicieuses petites bizarreries. Un capital-sympathie qui ne sera pas de trop, pour obtenir les faveurs des électeurs du Midwest. Et peut-être, la vice-présidence.