Il avait promis de ne pas le faire. Plusieurs fois et droit dans ses bottes. Il avait promis de ne pas utiliser son superpouvoir présidentiel. Il avait promis d'afficher sa confiance en la justice. Il avait promis de laisser son gamin se démerder en le forçant à devenir adulte. La décision de Joe Biden, dimanche soir, de laver Hunter Biden de toute condamnation et de lui éviter une potentielle décennie derrière les barreaux va clôturer de bien mauvaise façon le mandat du président démocrate.
La promesse, déjà. Une bombe à retardement qui ne saute rarement au bon moment et encore moins au bon endroit. Il faut se souvenir que, durant de longs mois, la porte-parole de la Maison-Blanche avait balayé les questions sur cette éventuelle grâce présidentielle avec une arrogance surprenante (et inutile), ponctuée de poings sur le pupitre et d'yeux au ciel.
Then: The White House repeatedly and categorically said that Joe Biden will not pardon his son Hunter.
— James Melville 🚜 (@JamesMelville) December 2, 2024
Now: Joe Biden has pardoned his son Hunter.
And they have the barefaced cheek to blame others for misinformation. pic.twitter.com/H49ShmdwqQ
Karin Jean-Pierre avait utilisé la même agressive fermeté lorsqu'elle devait convaincre l'Amérique (et les électeurs démocrates) que «non, Joe Biden ne quittera pas la course à la Maison-Blanche». En moins de six mois, le président est ainsi revenu deux fois sur une parole qui devait être l'arme fatale contre les mensonges de Donald Trump.
Papa Biden a-t-il eu raison de vouloir gracier son fils? Oui. Le président a-t-il eu tort de le faire? Absolument. Hunter risquait plusieurs années de prison, sous une administration Trump qui menace de démanteler le système judiciaire, avec un esprit de vengeance personnelle qui aurait sans doute fait vivre un enfer interminable au grand gamin. Il est fort probable que Hunter aurait été transformé en pinata politique, en défouloir et en sac de boxe MAGA.
En sauvant son enfant juste avant la retraite, Joe Biden a sans doute anticipé des irrégularités futures, au mépris de la justice d'aujourd'hui. Et, le drame, c'est qu'il a emprunté le dangereux vocable de son ennemi, pour justifier son acte.
En quelques phrases, le démocrate a brouillé les pistes pour de longs mois et donné inutilement du crédit aux élucubrations paranoïaques des extrémistes de droite et leur «Etat profond». Si le fait de pointer des «attaques incessantes et des poursuites sélectives» ne fait pas pour autant de Joe Biden un dictateur sur le tard, l'opinion publique aura raison de penser qu'il a fait son Trump. C'est un aveu de faiblesse et une maladresse politique qui vont donner du mou aux complotistes et du fil à retordre à l'Etat de droit. Sans oublier que ses plaintes s'adressent à un système que Joe Biden a passé sa vie à défendre, pas seulement durant ces dix-huit derniers mois de campagne.
Cette grâce aurait pu passer crème sans la tirade contre l'intégrité de la justice américaine. Ses arguments vont longtemps trôner en gras dans son CV, juste en dessous de son abandon tardif, en juillet dernier, et donc son entêtement à ne pas passer le témoin. Joe Biden dévoile ainsi une fin de règne recroquevillé sur lui-même, concentré sur ses propres intérêts et léguant à son parti des bombes puantes dont il se serait volontiers passé pour envisager 2028.