Trump joue les empereurs romains
Là où George W. Bush a échoué avec sa guerre contre le terrorisme post-11-Septembre, Donald Trump entend réussir dans le rôle du pacificateur. Qui pouvait imaginer, il y a moins d’un an, lors du renversement du dictateur Bachar al-Assad, que le nouvel homme fort de la Syrie, l’ex-djihadiste Ahmed al-Charaa, serait reçu officiellement à la Maison-Blanche? Ce sera chose faite ce lundi. Une visite qualifiée d’historique, la première d’un dirigeant syrien à Washington depuis l’indépendance en 1946.
Cette réception, précédée il y a quelques jours du retrait d'Ahmed al-Charaa de la liste noire américaine des terroristes, a valeur d’adoubement pour celui qui a très vite laissé l’attirail turban-treillis au vestiaire pour enfiler le costume de la respectabilité internationale.
Donnant-donnant
Mais, comme en affaires, la reconnaissance américaine a un prix. Celui de l’intégration de Damas dans la coalition contre le terrorisme lancée en 2014 contre Daesh, l'Etat islamique gardant des poches en Syrie, et celui du déploiement de soldats américains sur une base aérienne près de la capitale syrienne. Ce faisant, à l'image de la majeure partie des pays de la péninsule arabique, le pouvoir sunnite se rangera dans le camp des Etats-Unis, qui n’est pas le camp russo-iranien auquel était allié Bachar al-Assad, issu de la minorité alaouite, une branche du chiisme.
Le Prix Nobel de la paix a filé sous le nez de Donald Trump cette année. Tant mieux, pourrait-on dire, car le voilà tenu de persévérer dans sa voie pacificatrice s’il entend l’obtenir un jour.
La toge impériale
Le 47e président des Etats-Unis, tout à sa rénovation de la Maison Blanche en palais garni de dorures façon péplum, pourrait revêtir la toge de l’empereur romain, tant son implication pleine d'emphase et d'ambitions au Proche-Orient a quelque chose de la Pax Romana dans la région, alors découpée en provinces. Une période prospère s’ouvrit à l’époque. On sait qu’elle ne fut pas favorable aux Hébreux, chassés de leur terre suite à la destruction du Second Temple de Jérusalem, en 70 après Jésus-Christ. Mais l’Histoire ne repasse pas les plats à l’identique, et Israël aujourd’hui, reste le principal allié des Etats-Unis dans l’ensemble proche-oriental.
A ceci près que le patron s’appelle Donald Trump. Il a imposé un plan de paix pour Gaza à Benyamin Netanyahou – pas de deals sans le silence des armes au préalable. Encouragé par l'Arabie Saoudite, le rapprochement de la Syrie avec Washington, suite logique de la coopération sécuritaire entre Damas et Tel-Aviv après que Tsahal eut fait sentir la poudre à Ahmed al-Charaa en juillet, est une désillusion de plus pour le régime iranien.
«Vers l’Orient compliqué avec des idées simples»
Mais rien n’est acquis. Gaza est un champ de ruines et de morts avec un Hamas très affaibli mais toujours vivant, et Donald Trump peine à y mettre en place une force internationale de stabilisation; en Syrie, la nécessaire réconciliation entre sunnites et alaouites s’accompagne d’exactions commises par les premiers sur les seconds. L’efficacité de la pax americana, dans l’esprit des accords d’Abraham qui allaient donner le 7 Octobre mais qui reprennent à présent du service, se mesurera à la détermination des Etats-Unis à l'appliquer.
Face à une donne réputée inextricable, Donald Trump est un peu comme le général de Gaulle qui, en 1942, déclarait «voler vers l’Orient compliqué avec des idées simples». A l’opposé de la vision labyrinthique exposée dans un sketch fameux des Inconnus.👇
