En Suisse, de plus en plus de personnes ont reçu leur première dose de vaccin contre le Covid. Et la campagne de vaccination suscite de grands espoirs. Et pour cause, elle devrait permettre un retour à notre «vie d'avant», comme cela semble être le cas en Israël.
Mais elle suscite également des craintes, des incertitudes et des questions: les vaccins protègent-ils vraiment contre le virus? Pendant combien de temps les personnes vaccinées sont-elles immunisées? Qu’en est-il des personnes qui ont déjà eu le Covid? Pour y voir plus clair, on répond à 6 questions importantes.
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Actuellement, la Suisse a autorisé trois vaccins. Deux autres sont en cours d’examen auprès de Swissmedic. Les voici:
Les études d’autorisation et le suivi des vaccins déjà autorisés permettent d’attester de leur efficacité. Par rapport à un placebo, la probabilité de contracter le virus est considérablement réduite. Les vaccins sont encore plus efficaces contre les formes graves, potentiellement mortelles, de la maladie. Les observations actuelles portant sur les vaccins de Biontech/Pfizer, d’AstraZeneca et de Moderna permettent de constater que leur efficacité varie. Toutefois, tous ces vaccins empêchent la maladie d’évoluer et protègent contre une hospitalisation. Par rapport à la protection moyenne d’un vaccin contre la grippe (environ 60%), ces vaccins sont bien plus efficaces.
Selon les études de l’Agence européenne des médicaments (EMA), le vaccin de Biontech/Pfizer aurait une protection de 95% (sept jours après la deuxième dose). Selon une étude écossaise sur l’efficacité, ce vaccin offre une protection de 85% contre une hospitalisation à partir de la quatrième semaine qui suit la première dose. Selon une étude britannique, les personnes de plus de 80 ans sont protégées à 80% dès la troisième semaine qui suit la première dose. Selon une étude qui n’a pas encore été vérifiée, le vaccin serait efficace à 100% chez les adolescents (12 à 15 ans).
Le vaccin de Biontech/Pfizer fait également l'objet d'une étude à grande échelle menée par le Calit Research Institute en Israël en collaboration avec l'Université Harvard de Boston. Les données de près de 600 000 personnes vaccinées âgées de 16 ans et plus ont été analysées. Cette première analyse à grande échelle, évaluée par des pairs, de l'efficacité d'un vaccin contre le Covid a confirmé les résultats de l'essai clinique de phase III. L'étude a été publiée dans le New England Journal of Medicine.
Une autre étude longitudinale menée au Royaume-Uni, qui n'a pas encore été vérifiée, confirme également la grande efficacité du vaccin. Trois semaines après la première dose, les infections avec symptômes ont diminué de 74%, tandis que celles sans symptômes ont été réduites de 57%. Après la deuxième dose, l'efficacité était de 90%.
Le vaccin de Moderna, fabriqué en Suisse par l’entreprise Lonza, serait efficace à 94,1% (dès la deuxième semaine qui suit la deuxième dose) selon l’EMA et de 94,5% selon Moderna. Le vaccin protège un peu mieux les jeunes (96% contre 86% pour les plus de 65 ans). Selon une étude récente des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), le vaccin est efficace à 94% chez les personnes de plus de 65 ans ayant reçu les deux doses.
Les personnes de ce groupe d'âge qui n'ont reçu qu'une seule dose seraient protégées à 64 % contre une évolution de la maladie entraînant une hospitalisation.
Selon l'étude d’autorisation de l'EMA, ce vaccin à vecteur viral protège à 85,4% contre les formes graves de la maladie (quatre semaines après la vaccination). Contre les formes légères à plus sévères de la maladie, l'efficacité est de 66%. Contrairement aux vaccins de Biontech, de Moderna et d’AstraZeneca, une seule dose suffit.
Ce vaccin à vecteur viral offre une protection de 62,6% contre la maladie, selon l'étude de l'EMA. Selon l'étude écossaise, le vaccin offre une protection de 94% contre une hospitalisation, et ce, déjà dès la quatrième semaine qui suit la première dose. L'étude britannique mentionnée ci-dessus confirme également que le vaccin est très efficace chez les personnes âgées. Comme pour le vaccin de Biontech/Pfizer, il protège à 80% contre une hospitalisation chez les personnes de plus de 80 ans.
Selon l'étude menée au Royaume-Uni, qui n'a pas encore été vérifiée par les experts, l'efficacité du vaccin après la première dose est aussi élevée que celle du vaccin de Biontech/Pfizer. Trois semaines après la première dose, les infections avec symptômes ont diminué de 74% et de 57% pour les infections asymptomatiques. Les données après la deuxième dose n'ont pas pu être récoltées car peu de personnes ont été pleinement vaccinées.
Les résultats définitifs des études de phase III sur le vaccin à ARNm de CureVac ne sont pas encore disponibles. Les résultats des études de phase I montrent que ce vaccin déclenche une réponse immunitaire similaire à celle d'une infection récente.
Les vaccins déjà autorisés protègent également contre les variants du Covid (les mutations), mais pas de la même manière. Quel vaccin protège le mieux contre tel ou tel variant? Voilà une question controversée. Les études et les rapports de terrain aboutissent à des conclusions différentes, selon les mutations.
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Les trois vaccins autorisés en Suisse semblent être efficaces face au variant britannique qui est dominant en Suisse. Comme l’a annoncé la Swiss National COVID-19 Science Task Force le mois dernier, ce variant peut conduire à des formes plus graves de la maladie. L'Institut allemand Robert Koch (RKI) a écrit que jusqu'à présent, il n'y avait «aucune indication pour montrer une réduction de l'efficacité des vaccins». Toutefois, l’institut soupçonne que les vaccins seraient moins efficaces face au variant plus rare B.1.1.7 E484K.
Ce variant, détecté pour la première en Afrique du Sud et qui représente moins d’1% des cas en Suisse, pourrait également avoir un taux de transmission élevé. Selon l’institut allemand, plusieurs études indiquent que les anticorps des personnes qui ont déjà été infectées par le virus ou qui ont été vaccinées sont moins efficaces face à ce variant. La protection immunitaire contre ce variant serait donc plus faible.
Selon des études menées par les universités d'Oxford et de Johannesburg, le vaccin d'AstraZeneca n'offre qu'une protection de 10% contre les formes légères et modérées de la maladie. Le vaccin de Johnson & Johnson a également montré une faible efficacité face à ce variant. En revanche, le vaccin de Curevac pourrait bien fonctionner contre le variant sud-africain, comme l'ont montré des essais pré-cliniques. Moderna affirme avoir développé un vaccin modifié contre ce variant. Des études de phase II sont déjà en cours.
Le variant P.1, qui a été détecté pour la première fois au Brésil et qui est similaire au variant sud-africain, représente également moins de 1% des infections en Suisse. Les données sur ce variant, selon l’institut allemand, indiquent que les anticorps des personnes guéries et vaccinées sont moins efficaces.
Le variant B.1.617, qui prédomine en Inde, a deux mutations qui, selon l’institut allemand, «sont associées à une efficacité réduite de la réponse immunitaire». Ce variant pourrait également se transmettre plus facilement. Cependant, ces constats n’ont pas encore été confirmés.
Cette question fait encore l'objet de recherches. Carlos A. Guzman, responsable de la vaccinologie et de la microbiologie appliquée au Helmholtz-Zentrum für Infektionsforschung (HZI) a déclaré au Science Media Center Germany: «On ne connait toujours pas la durée de la protection contre la maladie après la vaccination et on ne sait pas quels vaccins offrent une protection contre l'infection et la transmission, dans quelle mesure et pendant combien de temps.»
La réponse immunitaire suite à une vaccination diffère de celle liée à une infection. Le virus pénètre dans l'organisme principalement par les muqueuses des voies respiratoires. L'organisme réagit particulièrement vite et met en place sa propre réponse immunitaire au niveau des voies respiratoires et arriver à neutraliser le virus directement sur place. Lors d’une vaccination par voie intramusculaire, la protection par anticorps se forme principalement dans le sang, une partie des anticorps atteignant également les muqueuses des voies respiratoires. L'effet de la vaccination n'est pas encore clair. Les vaccins par voie respiratoire, tels que les sprays, seraient certainement plus adaptés, mais ne sont pas disponibles actuellement.
La durée de la couverture vaccinale dépend du taux d'anticorps dans le sang. Une récente étude portant sur 46 000 adultes a montré que les vaccins de Biontech/Pfizer et d’AstraZenca stimulaient fortement les anticorps après la première dose et que cette stimulation était largement maintenue pendant dix semaines. Les taux d'anticorps ont augmenté plus lentement avec le vaccin d’AstraZeneca et ont atteint un niveau plus faible qu'avec le vaccin de Biontech/Pfizer. En revanche, les taux d'anticorps ont diminué plus rapidement avec ce dernier après une dose, en particulier chez les personnes âgées. Une étude sur l'efficacité du vaccin d'AstraZeneca, publiée en février par The Lancet, a montré que la couverture vaccinale ne diminuait pas au cours des trois premiers mois et a constaté une faible baisse des anticorps.
Toutefois, ces résultats sont provisoires. Il est possible que la couverture vaccinale ne soit pas définitive et que des rappels réguliers soient nécessaires. Albert Bourla, directeur général de Pfizer, a déclaré à la chaîne d'information américaine CNBC à la mi-avril : « Une hypothèse probable est qu'une troisième dose sera nécessaire après six à douze mois et que la vaccination sera nécessaire chaque année par la suite - mais tout cela doit encore être confirmé.»
Il faut garder en tête que les vaccins protègent contre une infection au COVID-19. Étant donné que les vaccins ne peuvent pas être administrés par les muqueuses mais par voie intramusculaire, ils ne stimulent pas une forte mémoire immunitaire locale dans les voies respiratoires, c'est-à-dire là où le virus pénètre habituellement. Les anticorps formés en réponse aux vaccins et circulant dans le sang atteignent également les voies respiratoires, mais il est probable qu'ils ne protègent que partiellement contre une infection. Si une infection survient, ils réduisent la durée de l'excrétion du virus.
Il est donc possible que des personnes vaccinées soient infectées, mais ne tombent pas ou peu malades par la suite. Ces personnes peuvent donc être contagieuses. C'est pourquoi, tant que la pandémie n'a pas disparu, les personnes vaccinées doivent continuer à respecter les règles d’hygiène et de conduite. On ne sait toujours pas à quel point les individus vaccinés sont contagieux. La première dose réduit déjà le risque d'infection.
L'étude britannique a montré que les personnes asymptomatiques se trouvent dans la même situation que les personnes vaccinées. Ces dernières présentent généralement une faible charge virale. Cependant, dans quelques cas, la charge virale est nettement plus élevée. Ces personnes peuvent donc infecter plus facilement d'autres individus.
De nouvelles données fournies par une étude britannique présentée le 28 avril, qui a été réalisée sur mandat de l'autorité sanitaire Public Health England (PHE). Elle a révélé qu’une première dose des vaccins de Biontech/Pfizer et d’AstraZeneca pouvait réduire de manière significative le risque de transmission chez les personnes d’un même ménage. L'étude a été menée auprès de 57 000 individus et 24 000 ménages dans lesquels une personne précédemment vaccinée avait été testée positive au virus et auprès d’environ un million de contacts non vaccinés.
Selon l'étude, les personnes ayant reçu la première dose et qui ont contracté le virus dans les trois semaines qui suivaient l’injection sont entre 38% à 49% moins susceptibles de contaminer d'autres membres du ménage que les personnes non vaccinées. Le vaccin de Biontech/Pfitzer serait plus efficace que le vaccin d’AstraZeneca.
Depuis le début de la pandémie en Suisse, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) a enregistré plus de 650 000 cas confirmés en laboratoire (à la fin avril 2021), dont 10 000 décès. Selon Worldometer, la Suisse compte actuellement environ 60 000 personnes infectées. Toutes les autres personnes, asymptomatiques ou hospitalisées ont guéri, à l'exception des personnes atteintes de Covid long. Quelle est la durée de l'immunité? Est-ce qu’elle disparaît avec le temps?
La quantité d'anticorps produits par le système immunitaire dépend généralement de la gravité et de la durée de la maladie. Plus la maladie est grave, plus le taux d'anticorps dans le sang est élevé. Avec le temps, ce niveau diminue chez les personnes guéries. Le nombre de lymphocytes T, qui jouent également un rôle important dans la réponse immunitaire, diminue rapidement. Toutefois, le nombre de cellules mémoires augmente, du moins pendant un certain temps.
Une étude américaine publiée en février a examiné l’évolution du nombre de différentes cellules immunitaires jusqu'à huit mois après une guérison. Les scientifiques ont analysé 254 échantillons provenant de 188 personnes, toutes ayant déjà contracté le Covid, dont 43 échantillons prélevés au moins six mois après l'infection. Ils ont constaté que la concentration d'anticorps restait stable pendant plus de six mois, tandis que le nombre de cellules mémoire ciblant spécifiquement la protéine S du virus était plus élevé après six mois. Les cellules précurseurs des cellules mémoires avaient une demi-vie de trois à cinq mois. Après cette période, la moitié avaient à nouveau disparu.
Les scientifiques ont conclu que 95% des sujets avaient encore au moins trois des quatre types de cellules impliquées dans la réponse immunitaire dans leur sang cinq à huit mois après l'infection. Cela signifie que la plupart des personnes devraient encore être immunisées contre le virus au moins huit mois après l'infection. Les études à long terme ne sont, bien sûr, pas encore disponibles. Cependant, on peut supposer que les formes graves de la maladie, après une première infection, sont rares.
Les cas de réinfection sont très rares. Une étude menée au Qatar auprès de 133 266 personnes infectées a recensé 54 cas de réinfections. Les auteurs de l'étude ont donc conclu que le risque d'une seconde infection accompagnée de symptômes était de 0,02 %. Une étude menée au Royaume-Uni auprès de 20 000 professionnels de la santé travaillant dans des hôpitaux a révélé un nombre proportionnellement plus élevé de cas, en comptant les cas asymptomatiques. Cette étude a conclu que la protection immunitaire après une infection réduit le risque de réinfection de 83%. La probabilité de retomber malade avec des symptômes était même inférieure à 5%.
Une étude danoise publiée en mars dans la revue The Lancet a pu montrer que la protection contre une réinfection après avoir survécu au Covid dépend de l'âge. Alors que les patients guéris étaient en moyenne protégés à 80% contre la réinfection, les plus de 65 ans n'étaient protégés qu’à 47%. Ceci est probablement dû au fait que le système immunitaire des personnes âgées réagit moins bien que celui des jeunes.
Toutefois, l'étude danoise se concentre uniquement sur Covid et non sur les mutations telles que le variant britannique, qui domine aujourd'hui, ou le variant sud-africain. Le Covid n'a commencé que récemment à circuler dans la population humaine. Beaucoup de choses ne sont pas encore claires et ne pourront être éclaircies que par des études à long terme. Par exemple, on ne sait toujours pas si une infection protège contre une nouvelle infection. Seules des études à long terme pourront clarifier ce point. Il est également difficile de prévoir à l'heure actuelle si une infection antérieure peut offrir une protection suffisante face aux différents variants du virus.
Le Covid long fait référence au phénomène selon lequel certaines personnes infectées connaissent une évolution prolongée de la maladie avec des symptômes très différents. On estime qu’il s’agit de 10 à 30 % des cas. La probabilité de développer un Covid long ne dépend pas de la gravité de l'infection. Les personnes présentant des évolutions légères ou bénignes qui n’ont pas été hospitalisées sont également concernées.
Les causes du Covid long ne sont pas encore connues. Il est possible que des virus « dormants » situés dans les tissus du système nerveux central se multiplient lentement. En attendant, il semble qu'une vaccination contre le Covid pourrait soulager les personnes atteintes du Covid long. Par exemple, des personnes ont témoigné sur Twitter et ont dit que leurs symptômes avaient disparu après avoir été vaccinées. Une étude britannique publiée en mars a montré que les symptômes de patients atteints du Covid long et vaccinées s’étaient légèrement atténués. Un total de 66 patients ayant été précédemment hospitalisés ont été examinés huit mois après leur hospitalisation. 44 avaient reçu le vaccin de Biontech/Pfizer ou d’AstraZeneca après leur infection. 82% des patients souffraient d'au moins un symptôme huit mois après l’injection (fatigue 61%, essoufflement 50% et insomnie 38%). Les personnes vaccinées après l'infection ont connu une diminution des symptômes graves par rapport aux personnes non vaccinées.
Une aggravation des symptômes est survenue dans 14,2% des cas chez les personnes non vaccinées et dans seulement 5,6 % des cas chez les personnes vaccinées. En outre, les symptômes étaient plus susceptibles de disparaître chez les personnes vaccinées (23,2 %) que chez les personnes non vaccinées (15,4 %). Aucune différence n'a été constatée entre les deux vaccins. Toutefois, l'étude n'a pas encore été vérifiée par des pairs et repose sur un petit échantillon. À la lumière des résultats, la pratique consistant à vacciner les personnes déjà infectées au plus tôt six mois après l'infection semble se justifier uniquement par la priorité accordée à la vaccination. Il n'y a aucune raison médicale. Il est possible qu'une vaccination plus précoce puisse prévenir ou atténuer les cas de Covid long.