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«Winter is coming»: comment l'Europe peut éviter une crise sans fin

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Pour un hiver plus sûr, économisez le gaz: tel est le message peu plaisant de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.image: keystone

«Winter is coming»: comment l'Europe peut éviter une crise sans fin

Une guerre qui se poursuit, une inflation élevée, des pénuries d'énergie, une instabilité politique: l'Europe risque de connaître un hiver compliqué. Mais il est encore possible d'éviter l'escalade.
27.07.2022, 18:57
Peter Blunschi
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Il faut être prudent avec les comparaisons historiques. Mais on a l'impression que le continent européen se trouve dans la crise la plus grave depuis la Seconde Guerre mondiale. En raison de la possible interruption des livraisons de gaz russe, l'Europe est «sur la voie d'une économie de guerre», estime le magazine Der Spiegel. A cela s'ajoute la menace de bouleversements sociaux et politiques.

La raison la plus importante, mais pas la seule, en est la guerre que la Russie a lancé contre l'Ukraine. Elle a fait s'effondrer l'équilibre précaire qui existait depuis la fin de la guerre froide. La confrontation Est-Ouest de l'époque apparaît rétrospectivement comme une période de stabilité, même pour ceux qui, comme l'auteur de ces lignes, l'ont vécue.

epa10082496 A bed of red flowers shapes the form of a star in front of a statue of the founder of the Soviet Union, Vladimir Lenin, in Moscow, Russia, 20 July 2022. EPA/YURI KOCHETKOV
Statue de Lénine à Moscou: l'Union soviétique semblait menaçante, et pourtant elle était plutôt rationnelle.image: keystone

En y regardant de plus près, cela apparaît comme un non-sens. Les États-Unis et l'Union soviétique ont mené des «guerres par procuration» dans le monde entier. En comparaison, le monde d'aujourd'hui semble plutôt pacifique, malgré la guerre en Ukraine. Mais en même temps, l'Union soviétique était assez rationnelle. Contrairement aux craintes largement répandues, elle n'a jamais été sérieusement intéressée par la «conquête» de l'Europe occidentale.

L'Europe, en meilleure posture qu'auparavant

La Russie de Vladimir Poutine s'adonne en revanche à des fantasmes de toute-puissance impériale et eurasienne. Le maître du Kremlin n'hésite pas à faire pression sur l'Europe avec «l'arme du gaz». Alors que l'Union soviétique a respecté ses contrats de livraison. L'arsenal nucléaire dont elle a «hérité» rend la Russie actuelle encore plus menaçante.

Pour l'Europe, cela signifie que l'hiver à venir pourrait être moche, surtout s'il est vraiment froid. Bien sûr, le continent est en meilleure posture qu'auparavant. Ces dernières années, l'Union européenne a montré qu'elle pouvait gérer les conflits. Mais l'ampleur actuelle est différente, et l'Italie, l'un des membres fondateurs, s'offre maintenant une crise gouvernementale.

Dans le pire des cas, l'Europe pourrait éclater dans les prochains mois. C'est peu probable, mais pas impossible non plus. Mais avec une stratégie intelligente, l'Europe peut surmonter cette crise permanente et en sortir plus forte.

La guerre en Ukraine

FILE - Ukrainian soldiers fire at Russian positions from a U.S.-supplied M777 howitzer in Ukraine's eastern Donetsk region, June 18, 2022. The deliveries of Western weapons have been crucial for  ...
Des soldats ukrainiens tirent sur des emplacements russes avec un obusier américain M777.image: keystone

A première vue, la Russie a l'avantage. Le ministre de la Défense a ordonné une extension des combats sur tous les fronts alors que le ministre des Affaires étrangères spécule sur la conquête de territoires supplémentaires. Mais de tels gestes menaçants pourraient aussi masquer le fait que tout ne va pas si bien pour les Russes. Il semble qu'ils soient à la recherche urgente de nouveaux soldats.

Les Ukrainiens, quant à eux, tirent un nouvel espoir de la livraison de systèmes d'armement occidentaux modernes. Il pourrait en résulter une opportunité. Si l'Occident maintient la pression et continue à livrer des armes, Poutine pourrait être favorable à un cessez-le-feu et à un «gel» du conflit. Ce qui ne serait pas rien dans la situation actuelle.

L'accord de principe sur les exportations de céréales de l'Ukraine lors des négociations en Turquie constitue une lueur d'espoir. Ce n'est pas une garantie, mais la Russie a peut-être compris que sa stratégie consistant à rendre l'Occident responsable de la menace de famine mondiale ne fonctionnera pas tant que les ports ukrainiens seront bloqués.

L'énergie

epa10053114 German Minister for Economy and Climate Robert Habeck attends the SPD Economic Forum's conference in Berlin, Germany, 05 July 2022. EPA/FILIP SINGER
Robert Habeck accuse la Russie de chantage.image: keystone

Depuis jeudi, le gaz circule à nouveau dans le gazoduc Nord Stream 1, mais le taux de remplissage n'est que d'environ 40%. Et Poutine pourrait à nouveau à couper les livraisons. La Russie utilise sa grande puissance, le gaz, pour «faire du chantage» à l'Europe et à l'Allemagne, a déclaré le ministre allemand de l'Economie Robert Habeck. En effet, son pays est devenu particulièrement dépendant du gaz russe.

Un plan d'urgence de la Commission européenne prévoit que les Etats membres réduisent leur consommation de gaz de 15%, si la Russie interrompt ses livraisons. Les pays du Sud s'y opposent. Ils ont fait leurs devoirs, disent-ils avec une pique à l'Allemagne, qui les a harcelés pendant la crise de l'euro.

Il est en effet paradoxal que l'Allemagne exige la solidarité des autres pays tout en voulant fermer ses trois dernières centrales nucléaires. En contrepartie, il est prévu de brûler davantage de charbon, l'ennemi numéro un du climat. Les experts font toutefois remarquer qu'il existe un grand potentiel d'économie, surtout dans le domaine de l'efficacité.

Si la situation liée au Covid – une autre crise non résolue – s'aggrave à l'automne, le home office pourrait à nouveau être ordonné. Ainsi, il n'y aurait pas besoin de chauffer et éclairer des immenses surfaces de bureaux, ou seulement à faible intensité. Les entreprises pourraient également faire quelques efforts et être incitées à économiser le gaz grâce au système allemand de vente aux enchères prévu.

L'inflation

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La présidente de la BCE, Christine Lagarde, annonce la hausse des taux d'intérêt et le nouveau programme d'obligations.image: keystone

La forte hausse des prix de l'énergie est l'un des moteurs de l'inflation élevée dans la zone euro. En juin, elle s'élevait à 8,6%. Mais ce n'est pas le seul facteur: l'industrie continue de souffrir de chaînes d'approvisionnement perturbées et certaines dettes publiques ont explosé pendant la crise du Covid-19. La Banque centrale européenne (BCE) est toutefois restée longtemps passive. Jeudi, cette dernière a augmenté son taux directeur de 0,5%. Parallèlement, elle a annoncé un nouveau programme d'achat d'obligations d'État. Celui-ci doit permettre de soutenir les Etats dans lesquels les taux d'intérêt augmentent particulièrement fortement. C'est un exercice délicat. Dans le meilleur des cas, l'annonce seule servira à éviter une nouvelle crise de l'euro.

En outre, les gouvernements sont appelés à agir. Ils doivent atténuer les difficultés sociales, avec des transferts ciblés vers les personnes dans le besoin. Mais la classe moyenne doit peut-être recevoir le message peu plaisant qu'elle doit se serrer un peu la ceinture bien que dans une société prospère, cela devrait être faisable.

La crise gouvernementale en Italie

epa10084606 A handout picture made available by the Quirinal Presidential Palace (Palazzo del Quirinale) Press Office shows Italian President Sergio Mattarella signing a document as he meets with Prim ...
Mario Draghi (à gauche) présente sa démission définitive au président Sergio Matarella.image: keystone

En Italie, la crise gouvernementale n'est pas quelque chose de nouveau. Mais avec l'ancien chef de la BCE Mario Draghi comme Premier ministre, une stabilité inhabituelle s'était installée dans le pays. C'est désormais terminé. Jeudi, Draghi a démissionné parce que le Mouvement 5 étoiles, la Ligue de Matteo Salvini et Forza Italia de Silvio Berlusconi ne voulaient plus le soutenir.

Les observateurs nationaux et internationaux s'accordent à dire qu'il n'y a jamais eu de crise gouvernementale à un moment aussi mal choisi. Désormais, rien ne va plus jusqu'aux nouvelles élections du 25 septembre. L'Italie pourrait alors avoir un gouvernement de centre-droit, dirigé par le parti post-fasciste et anti-européen Fratelli d'Italia et sa cheffe de parti Giorgia Meloni.

Mais rien n'est encore joué, car les partenaires potentiels de la coalition, la Ligue et Forza Italia bouillonnent. Des dirigeants des deux partis se sont rangés derrière Mario Draghi tandis que le parti des Cinq Etoiles sont déjà divisés. C'est la raison pour laquelle on spécule sur une alliance au centre. Elle pourrait former un gouvernement pro-européen avec le Partito Democratico de gauche.

Nombreuses sont les rumeurs. Les scénarios catastrophe ne sont pas exclus et l'hiver sera en tout cas difficile. Il faut tenir bon jusqu'au printemps prochain. Ensuite, selon les experts, l'Europe et surtout l'Allemagne pourraient réussir à se libérer successivement de la dépendance au gaz russe.

Mais que fait la Suisse dans tout ça? Grâce au franc fort, elle est beaucoup moins menacée par le «spectre de l'inflation». En revanche, sa dépendance vis-à-vis de l'Europe est d'autant plus grande dans le secteur de l'énergie, pour l'électricité et tout particulièrement pour le gaz. N'étant pas membre de l'UE, elle peut encore moins espérer la solidarité européenne que l'Allemagne.

Comme pendant la pandémie, la Suisse, qui est censée fonctionner à la perfection, est mal préparée. Notre pays ne fait pas non plus bonne impression en ce moment, comme en témoignent les tergiversations embarrassantes autour de l'accueil des blessés de guerre en provenance d'Ukraine. Mais dans le meilleur des cas, la situation de crise actuelle nous rappelle que nous ne vivons pas sur une île.

Traduit de l'allemand par Tanja Maeder

La crise ukrainienne en images
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La Russie a amassé des centaines de milliers de soldats à la frontière ukrainienne.
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