L'angoisse s'empare des cryptomillionnaires. En France, les tentatives de kidnappings violents se multiplient. Un poids lourd de la crypto, Eric Larchevêque, co-fondateur de la plateforme Ledger, n'hésitait pas à parler d'«une mexicanisation de la France», mardi 13 mai. Ses propos faisaient suite à une tentative d'enlèvement de la fille et le petit-fils du PDG de la plateforme de cryptomonnaies française Paymium.
Les rois de la crypto ont-ils désormais une cible dans le dos?
Pour en parler, on a fait appel à un expert en gestion de crise, Cyrille Cardonne, président de l'agence Arkane Risk. Selon lui, «il y a une montée de violence sans précédent, qui cible en ce moment aussi bien les investisseurs en crypto que des dirigeants et des entrepreneurs».
La société franco-suisse collabore avec des banques, de grandes entreprises et s'occupe aussi de profils à haut risque. De la sécurité des dirigeants à l'audit de sûreté de grandes infrastructures, Cyrille Cardonne en connait un rayon sur la gestion de crise dans les domaines sensibles, comme celui de la cryptomonnaie.
Il met le doigt sur un événement en particulier qui a dopé ces attaques à répétition:
En clair, un fichier client comprend des données d'identification (nom, date de naissance), des informations sur le compte (adresse mail), des informations transactionnelles (portefeuille, historique des transactions) et d'autres informations (sources de revenus).
«Il y a l'illusion de l'anonymat», comme le rappelle le président d'Arkane Risk. «Il ne faut pas oublier que la blockchain est accessible à tous. Si j'ai une adresse d'un porte-feuille, je peux savoir où va l'argent», complète-t-il.
Notre expert souligne que les criminels savent qu'un portefeuille en crypto «peut être vidé en quelques secondes, en s'évitant les tracas liés aux intermédiaires».
En parallèle, Cyrille Cardonne appuie aussi sur l'exposition médiatique de ces riches détenteurs de cryptomonnaies. Souvent, ces grandes fortunes s'exposent sur les réseaux sociaux. Suscitant les appétits.
Dans ce contexte, voler des cryptomonnaies apparaît comme plus facile que de braquer une banque. Mais une fois la crypto volée, le recel est plus complexe qu'il n'y paraît. La monnaie virtuelle est basée sur la blockchain et par conséquent traçable. Lorsque les fonds bougent, tout le monde peut voir les mouvements. Le blanchiment devient donc difficile.
Or, Cyrille Cardonne expose des astuces pour se jouer du traçage:
Le problématique survient au moment de régler les commissions à force de procéder à des transactions. Ene effet, les différentes plateformes prélèvent un pourcentage. «En bref, les criminels ne vont pas faire ça pour 10 000 euros, mais pour des transactions de plusieurs millions», indique le spécialiste. Histoire que ça vaille l'os.
Mais qui se trouve derrière ces attaques violentes, parfois en pleine rue et en plein jour? Selon Cyrille Cardonne, ce sont des bandes de quatre à sept individus; des jeunes adultes, violents, qui se basent sur les nouveaux phénomènes de home-jacking - en un mois, ce phénomène aurait augmenté de 37% en France, selon notre interlocuteur.
«Ce ne sont généralement pas des gens affiliés à des mafias. Ces attaques reposent surtout sur de l'opportunisme», renseigne-t-il.
Cyrille Cardonne prend l'exemple des agresseurs dans l'affaire de l'enlèvement de David Balland (co-fondateur de Ledger): «C'étaient des pieds-nickelés. Les autorités ont rapidement localisé les téléphones des agresseurs, en 48h. On est rarement face à une équipe très organisée qui travaille de manière professionnelle.»
Il poursuit:
Vient alors la question de la réglementation actuelle européenne, intitulée MiCA et mise en application depuis janvier 2025. Il est possible donc de découvrir les adresses de domicile en même temps que les adresses de portefeuille crypto. Toutes les informations se trouvent dans le même fichier informatique. «Les ravisseurs savent trouver l'argent et combien», déplorait l'expert en crypto Renaud Lifchitz, interrogé le 13 mai sur le plateau de C à vous, sur France 5.
Si la France est touchée, qu'en est-il de la Suisse? Elle ne va pas échapper à un phénomène qui deviendra européen, confirme Cyrille Cardonne. Actuellement, la crypto est un peu l'eldorado pour les malfrats. «Il y a un effet magique», rapporte Cyrille Cardonne, avec cette idée que la crypto est plus facile à dérober. «Le vol, l'appréhension de la somme est nettement plus rapide», souffle le spécialiste.
Mais la menace ne flotte pas uniquement sur les milliardaires de la crypto. Selon notre expert, ces agressions ciblées sont un «épiphénomène». Cyrille Cardonne élargit le spectre: «Les gens qui ont beaucoup d'argent deviennent des cibles».
Cette violence à l'égard des riches est de plus en plus prégnante depuis quelques mois:
Une tentative de cambriolage ne pèse pas grand-chose juridiquement et la sanction est moins lourde. Ce qui fait dire à Cyrille Cardonne que «le jeu en vaut toujours la chandelle».
L'angoisse est doublement palpable du côté des investisseurs en crypto. Outre les attaques virtuelles, les actes sont désormais bien réels. Les investisseurs que nous avons contactés n'ont d'ailleurs pas souhaité s'exprimer.