Les Danois pourraient avoir à sacrifier un jour de repos pour booster le budget de leur armée, selon les informations du New York Times. Et ce, dès 2024. C'est en tout cas la proposition soutenue par la première ministre danoise, Mette Frederiksen.
Le jour ciblé? «Store bededag, The Great Prayer Day» (le grand jour de prière), soit le quatrième vendredi après Pâques, qui est un férié établi au Danemark depuis trois siècles. Dans la tradition, bars et magasins ferment à 18 heures, afin que chacun puisse se préparer (et être plus ou moins sobre) pour se rendre à l'église le lendemain.
En touchant à l'un des onze jours fériés des Danois, la première ministre social-démocrate Frederiksen a provoqué un tollé, déclenchant un débat national ardent sur les thèmes du travail, de la religion, de la tradition et de la défense intérieure.
Le budget de la défense danoise pour 2022 était de 27,1 milliards de couronnes danoises, soit environ 3,9 milliards de dollars. La semaine dernière, le Parlement a promis 300 millions de couronnes pour soutenir l'effort de guerre en Ukraine, démontrant un large soutien au pays dans sa lutte contre la Russie.
Quel est le rapport avec la suppression d'un jour férié? Dans les grandes lignes, pendant un férié, l'économie est à l'arrêt et ne produit donc pas de richesse que l'Etat peut, à terme, taxer.
Le ministère des Finances danois n'a pas encore clairement chiffré le bénéfice généré par le sacrifice du jour de repos. Mais celui-ci permettrait au Danemark d'augmenter les dépenses militaires à 2% du produit intérieur brut du pays, comme cela est requis pour tous les membres de l'Otan - bien qu'en réalité, la plupart d'entre eux n'atteignent pas ce seuil.
La somme économisée permettrait de renforcer la cybersécurité, ou encore de soutenir la recherche dans le secteur militaire, pour faire face aux menaces potentielles.
Parmi les sceptiques, il y a Tore Stramer, l'économiste en chef de la Chambre de commerce danoise. Pour lui, il n'est pas certain que l'argent collecté ira dans la bonne escarcelle. Au contraire, il y a de bonnes chances pour que le magot finisse noyé dans le fonds général du pays.
Pour d'autres encore, l'argument militaire n'est qu'un paravent pour travailler plus, mis en avant pour amadouer le grand public.
La proposition a également attiré les foudres des syndicats, des partis d'opposition et des membres du clergé. Ces derniers exhortent le gouvernement à envisager d'autres moyens, comme annuler les allégements fiscaux, ou utiliser l'excédent budgétaire de la nation à la place.
Pour Pernille Visgo Bagge, présidente de l'Association danoise du clergé, nul ne devrait avoir à choisir entre les armes à feu et les balles, et la paix et la réflexion.
Ce n'est pas la première fois que des politiciens danois proposent de supprimer un jour férié. En 2012, le gouvernement de Helle Thorning-Schmidt, la première ministre de l'époque, avait proposé une idée similaire, mais elle avait été rapidement rejetée.
Cependant, le gouvernement de Mette Frederiksen, basé sur une alliance inhabituelle des sociaux-démocrates, des partis libéraux et des centristes, détient la majorité au Parlement. La coalition pourrait tout à fait voter une loi abolissant le jour férié. Autre option possible, concrétiser la proposition par des négociations tripartites entre Etat, syndicats et employeurs.
Nombre d'acteurs sociaux s'inquiètent du précédent que pourrait créer la mouture. «Si le budget de la défense n'est pas suffisant et que nous avons besoin de plus d'argent pour les avions de chasse, quelles autres vacances seront annulées?», s'alerte encore l'Association danoise du clergé.
(jod)