Le déplacement, qui s’étend jusqu’à vendredi, intervient juste après la formation d’un nouveau gouvernement de coalition au Groenland, conduit par le parti de centre-droit Democrates. «Le Danemark est notre partenaire le plus proche et il est naturel que nous nous rencontrions des que possible» a salué sur Facebook Jens-Frederik Nielsen, nouveau chef du gouvernement groenlandais.
Sa coalition rassemble quatre des cinq partis représentés au Parlement local, l’Inatsisartut. «C’est très, très important et très rassurant pour les Groenlandais de voir une cheffe du gouvernement danois au Groenland» explique à l’AFP Mikaela Engell, spécialiste du territoire arctique et ancienne représentante du Danemark au Groenland.
En janvier, «le gouvernement danois était presque invisible, il semblait danser sur les braises: tentant de satisfaire les intérêts américains en évitant de contrarier Donald Trump, tout en signalant que le Groenland et le Danemark étaient solidaires» observe-t-elle.
Depuis les élections législatives groenlandaises du 11 mars, la pression américaine s’est accentuée, notamment avec la venue du vice-president JD Vance sur la seule base militaire américaine du territoire. «On ne prend plus de gants» résume Mikaela Engell.
Pour Marc Jacobsen, maître de conférence au Collège royal de Défense danois, la visite de Mette Frederiksen vise à «montrer la cohérence, montrer le soutien, (et à) discuter de ce qu’ils peuvent faire de plus concrètement, d’une part comment répondre aux Etats-Unis, mais aussi en termes d’investissements de coopération concrets» déclare-t-il à l’AFP.
Le programme officiel reste discret, mais selon Jacobsen, la premiere ministre devrait rappeler que le Danemark est «un ami du Groenland», prêt à l’accompagner dans les prochaines étapes vers davantage d’autonomie, voire d’indépendance. Mikaela Engell estime que ce déplacement est aussi l’occasion d’évoquer le «mode de fonctionnement constitutionnel de la coopération entre le Groenland et le Danemark» et d’imaginer «de nouvelles façons d’envisager la coopération économique» entre les deux entités.
Sur le volet sécuritaire—argument central brandi par Washington pour justifier son «besoin» de contrôler le territoire arctique—Copenhague devrait rappeler son engagement à renforcer sa présence et ses investissements dans la région. Tout en restant ouverte à une coopération élargie avec les Etats-Unis. «Je pense que Mette Frederiksen répétera le même discours que Lars Lokke (Rasmussen, son ministre des Affaires étrangères ndr) disant qu’il est possible de renforcer la présence militaire américaine» sur le sol groenlandais, dans le cadre de l’accord de défense signé en 1951, avance Jacobsen.
Vendredi, sur la seule base américaine encore active au Groenland—il y en avait 17 à la fin de la seconde guerre mondiale—JD Vance a lancé:
Réponse cinglante de Lars Lokke Rasmussen, dès le lendemain dans une vidéo en anglais: «Nous sommes ouverts aux critiques, mais, pour être tout à fait honnêtes, nous n’apprécions pas le ton sur lequel elles ont été formulées.»
Son ministère tente désormais d’organiser une rencontre avec le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio, en marge de la réunion des ministres de l’Otan jeudi et vendredi. Mais selon la diplomatie danoise, s’ils se voient, «il ne sera pas question ni d’Arctique, ni de Groenland». «Ça va être le gros non-dit. Mais le problème est que s’ils devaient parler de l’Arctique et du Groenland, cela exige la présence d’un représentant du gouvernement groenlandais, c’est l’accord entre le Danemark et le Groenland» explique Marc Jacobsen.
Selon le Washington Post, la Maison-Blanche évalue actuellement le coût pour le gouvernement fédéral américain de contrôler le Groenland… mais aussi les bénéfices potentiels liés à l’exploitation de ses vastes ressources naturelles, encore largement inexplorées. (mbr avec ats)