Ce n’est jamais simple d’intégrer une chambre du pouvoir trumpiste. Plus que partout ailleurs, les millions de soldats du mouvement dissèquent l’ADN du nouveau venu pour être absolument certains qu’il n’est pas un ennemi en couverture, un démocrate infiltré.
Récemment, une certaine Vani Hari n’a pas échappé à la fouille.
Cette entrepreneuse food de 46 ans, qui est désormais l’arme de séduction massive du controversé ministre de la Santé Robert Kennedy Jr, se fait régulièrement savonner par les sales gosses du mouvement MAGA. Parmi eux, la complotiste Laura Loomer, qui n’a pas pu s’empêcher de commenter une photo de Lara Trump sur laquelle on aperçoit la célèbre blogueuse, tout sourire.
Laura Loomer n’a pas complètement tort. Jadis, Vani Hari fut une active groupie de Barack Obama, une déléguée à la Convention nationale démocrate de 2012, jusqu’à se faire élire «démocrate la plus sexy de Charlotte, en Caroline du Nord». C’est le New York Times qui le rappelle cette semaine, dans un portrait qui revient longuement sur le parcours successful de cette chasseuse de produits chimiques présents dans l’alimentation américaine, depuis 2011.
Cette influenceuse avant l’heure, cette blogueuse à succès, cette auteure aux millions d’exemplaires écoulés semble ainsi avoir soudain décidé de rejoindre le clan MAGA. Ou, plus précisément, la mouvance MAHA, pour Make Amercia Healthy Again, fondée par RFK Jr. depuis son ascension au sommet de la Santé.
Une égérie ++, soutenue par une armée de 2,3 millions d’abonnés et une entreprise florissante, qui permet au neveu de JFK de propager sa bonne parole nutritionnelle sans livrer d’effort particulier.
"@SecKennedy took our unheard voices to the campaign trail and brought them all the way to President Trump." -@thefoodbabe
— Jamel Holley (@jamelholley) April 25, 2025
(A MAHA Mom) pic.twitter.com/LNUqfUTtbW
A-t-elle carrément changé de bord politique ou s’est-elle simplement assise sur ses convictions pour profiter d’une exposition médiatique inespérée? Mystère. Mais pour RFK Jr., ce fut un véritable coup de foudre marketing et une munition de choix pour sa nouvelle arme: les mamans connectées. En avril dernier, une flopée de mummy populaires s’était retrouvée au ministère de la Santé et des Services sociaux pour causer mal bouffe et montrer allégeance au mouvement MAHA.
Pour Robert Kennedy Jr., c’était aussi l’occasion de promouvoir son dernier combat: les colorants alimentaires, que certains Etats ont déjà interdits.
Un mouvement tout frais, qui «s'articule autour de petites chaînes de SMS, de newsletters et de publications sur les réseaux sociaux qui amplifient les préoccupations communes», analysait récemment le média Axios. Cette fameuse préoccupation? Eradiquer la junk food et les additifs chimiques des garde-mangers américains. Un déclic plutôt positif en soi, mais qui repose hélas sur des «récits qui ne sont pas scientifiquement fondés». Vani Hari, tout comme son nouveau gourou du gouvernement Trump, n’en a cure.
Toute la carrière de cette célèbre maman de deux enfants est jalonnée de coups marketing aux sources volontairement imprécises. Ce qui n’a pas empêché Vani Hari de bâtir un empire de la nutrition qui a plusieurs fois fait le buzz en marge de son public cible.
Son plus gros coup? Il y a 11 ans et avec une bonne dose de provocation, elle a littéralement bouffé son tapis de yoga pour rappeler aux clients de Subway qu’on y trouvait les mêmes produits chimiques que dans le pain de la chaîne de fast-food.
Une initiative culottée qui avait fait le tour des grands journaux télévisés, au point que Subway avait finalement décidé de ne plus utiliser de l'azodicarbonamide dans la fabrication de ses pains. Une victoire tapageuse, mais aussi personnelle pour Vani Hari, qui a grandi en étant gavée au fast-food.
Ses parents ont immigré du Pendjab, en Inde. Si sa maman préparait des bons petits plats indiens à son père, la progéniture devait se contenter de mauvais burger. Selon elle, lit-on dans le New York Times, ce régime alimentaire a causé ses maux de ventre, son eczéma et son asthme infantile.
Dès son premier livre, et bien avant l’avènement des influenceuses, Vani Hari a popularisé les recettes miracles et les titres trompeurs pour faire chauffer la machine à cash. Le bouquin The Food Babe Way: Libérez-vous des toxines cachées dans votre alimentation et perdez du poids, paraissez plus jeune et soyez en bonne santé en seulement 21 jours! avait drainé autant de succès que de controverses. Si la nouvelle égérie de RFK Jr concède n’avoir pas toujours balancé des faits scientifiques, elle a ses raisons:
Une simplification qui colle parfaitement à la stratégie MAGA, popularisée par Donald Trump. Simplifier jusqu’à enjamber la frontière des faits est aujourd’hui une technique éprouvée au sein du mouvement MAHA, porté par des centaines de milliers de mamans américaines de droite, à casquette verte.
Big day today!! Meeting with my Representative -House of Representatives legislator Rep. Tim O’Neil to get him on board with the PA HEALTHY BILL Package Rep. Natalie Mihalek introduced! 💚🙏🏼💚 Go #MAHA! pic.twitter.com/6OQ8FxjZgx
— MAHA MOMS PITTSBURGH (@gretchen_MAHA) May 19, 2025
«Food Babe», elle, est en train de devenir la sainte patronne du Make America Healthy Again à travers tout le pays. Au point que le New York Times la surnomme désormais «la Taylor Swift des MAHA Moms».
La fidèle démocrate qui avait reçu un gros baiser sur le front de la part de Barack Obama, pour «avoir tellement travaillé pour la campagne de 2008», c’est de l’histoire ancienne.
Business is business, comme on dit aux Etats-Unis.