Emballée dans un châle et un col roulé, les cheveux gris foncé aux reflets d'argent, Regina Ventura n'aura passé qu'une quinzaine de minutes à la barre. Mais sa voix est ferme et décidée lorsqu'elle raconte comment, peu avant Noël 2011, sa fille unique l'a informée que Sean Combs la menaçait de publier deux sextapes la mettant en scène.
«Il a dit aussi qu'il allait envoyer quelqu'un pour me faire du mal, physiquement, à moi et Scott Mescudi», nom du rappeur Kid Cudi, avec lequel Cassie a eu une brève idylle alors qu'elle fréquentait Diddy. «J'étais malade à l'époque. Je ne comprenais pas tout, mais les sex-tapes m'ont perturbée», a lâché la retraitée devant les jurés, mardi.
Sean Combs, à l'époque déjà richissime et dont la fortune est aujourd'hui évaluée à 700 millions de dollars par le magazine Forbes, exigeait de se voir verser 20 000 dollars pour défrayer des dépenses de Cassie au moment où elle le trompait. «Il était en colère d'avoir dépensé de l'argent pour elle », a expliqué Regina, «alors qu'elle était avec quelqu'un d'autre».
Les 20 000 dollars ont finalement été versés par la mère de Cassie. Un moyen, selon elle, de garantir «la sécurité» de sa fille. La somme lui a été reversée quelques jours plus tard sur son compte, sans la moindre explication.
Regina Ventura a également été interrogée sur des photos de Cassie montrant des hématomes sur son corps, toujours à la même époque, fin 2011. Des clichés que la mère affirme avoir pris la veille de Noël cette année-là, lorsque Cassie lui a confié pour la première fois que Sean Combs l'avait battue. Le jury en a vu quatre.
Lorsqu'elle a quitté la barre, Regina Ventura a fixé Sean Combs droit dans les yeux. Il a préféré se concentrer sur un point droit devant lui, sans jamais lui rendre son regard.
Un peu plus tôt mardi, David James, l'ex-assistant personnel de Diddy, a détaillé certaines tâches routinières qu'il devait effectuer pour lui - des choses banales comme la gestion de ses plannings, d'autres un peu moins, comme satisfaire les préférences de son patron en matière de ketchup et de compote de pommes.
Il a également précisé que le personnel de Sean Combs transportait toujours avec soi d'importantes quantités d'argent liquides et de pilules, ainsi que de drogues.
L'assistant a également décrit plusieurs incidents impliquant Cassie et Diddy. Dans l'un, David James raconte avoir été chargé de faire livrer à Cassie du poulet frit à l'hôtel London à Los Angeles, où la chanteuse est alors recluse pour se soigner, après avoir été battue par son compagnon. Un autre, à Miami, vers 2008, il se voit ordonner par Sean Combs de livrer un iPod dans une chambre d'hôtel. Il y retrouve Cassie, immobile dans un lit, ainsi qu'un inconnu, nu et portant un préservatif, «s'enfuit comme s'il ne voulait pas être vu».
Lorsque David James quitte la tribune, ce mercredi, Sean Combs et lui s'échangent un bref signe de tête.
Plus tard dans l'après-midi, c'est au tour de Sharay Hayes, ancien escort connu sous le nom de «Punisher» de témoigner. Engagé pour participer entre huit à douze «freak-offs» avec le couple entre 2012 et 2015, il affirme avoir été payé jusqu'à 2000 dollars pour chaque «performance».
Il précise également n'avoir jamais perçu de «gêne» de la part de Cassie lors de leurs rapports sexuels. «J'avais l'impression que c'était consenti.» Par moments, toutefois, la jeune femme lui semble «exaspérée» par les instructions de Sean Combs.
S'il affirme n'avoir jamais consommé de drogues avec le couple, «Punisher» confirme avoir pris des médicaments pour améliorer sa performance, en raison de son malaise à participer à un «scénario sexuel en présence du partenaire d'une femme». Sa dernière séance avec Cassie Ventura et Sean Combs remonte à 2016, date à laquelle il n'a pas pu se produire et n'a jamais été rappelé par le rappeur.
Enfin, c'est Gerard Gannon, agent spécial chargé des enquêtes sur la Sécurité intérieure, qui sera le dernier à témoigner ce mardi. C'est à lui qu'il revient, en mars 2024, de mener la vaste perquisition au domicile du rappeur de Miami Beach. Entre 80 et 90 agents des forces de l'ordre sont alors mobilisés pour l'opération, ainsi qu'un véhicule blindé pour forcer le portail.
Pour illustrer ce témoignage, les jurés se sont vus présenter des photos d'objets trouvés dans le placard de la chambre principale de Sean Combs, dont des talons hauts, des sextoys, de l'huile pour bébé, du lubrifiant, de la lingerie et des boîtiers d'AR-15, dont les numéros de série avaient été effacés.
Après Gerard Gannon, qui doit reprendre son témoignage mercredi, la psychologue clinicienne Dawn Hughes sera la prochaine à la barre des témoins. Lui succédera ensuite George Kaplan, un employé qui avait démissionné après avoir été témoin de violences physiques envers Cassie.
Teyana Taylor
