Jeudi, histoire de réveiller un morne après-midi de mois d'août, Donald Trump a annoncé une conférence de presse pour le soir même. La première depuis plusieurs mois. Pile la semaine qui a couronné la nomination du colistier de Kamala Harris, Tim Walz. Pile la semaine où le ticket démocrate a blindé son agenda de meetings à travers le pays. Pile la semaine où les sondages ne sont plus tant à son avantage. Pile la semaine où seul son vice-président potentiel, JD Vance, avait pour mission d'aller serrer les pinces des électeurs conservateurs.
La candidate démocrate l'avait d'ailleurs chatouillé il y a quelques jours, en pointant ironiquement son agenda de campagne étrangement vide, à 88 jours de l'élection présidentielle.
On pouvait donc naïvement imaginer une annonce fracassante. Certains imaginaient le licenciement de JD Vance, en direct depuis Mar-a-Lago en Floride, ce colistier qui paraît bien moins sexy qu'on moment de son avènement, lors de la convention républicaine. Les plus taquins suggéraient qu'il était temps pour le 45e président d'annoncer son abandon. Comme Joe Biden avant lui. Comme certains électeurs de son parti qui refusent d'élire un condamné bientôt octogénaire.
Hélas. Jeudi soir, comme redouté, Donald Trump a surtout voulu agiter les bras devant la presse américaine, pour qu'on ne l'oublie pas. En enchaînant les griefs qu'il a l'habitude d'asséner, notamment à ses adversaires et notamment au sujet d'un pays qu'il est le seul à pouvoir «make great again».
Un pays «malade» à cause du mandat Biden-Harris. Une Harris qui a «détruit San Francisco», «détruit la Californie». Un Tim Walz «woke», dont les idéologies vont faire «couler» ce même pays. Après un monologue d'une rare concision, Donald Trump a ouvert timidement une fenêtre de questions. Pour échanger honnêtement avec les journalistes? Pas vraiment. Une astuce pour rappeler que Kamala Harris ne l'a pas encore fait depuis son décollage en fanfare.
Le milliardaire de 78 ans n'a pas tort. JD Vance a déjà papoté avec les médias et son patron a accueilli caméras, journaux et influenceurs dans son manoir de Mar-a-Lago, ces derniers jours. Et les grandes rédactions nationales s'impatientent. Comme l'a affirmé aujourd'hui un rédacteur du pure-player indépendant Semafor, sur la plateforme X, «elle va finir par devoir s'y coller».
Il faut dire que depuis cette étonnante Kamalamania, le candidat républicain peine à se concentrer sur ses propres sympathisants et son propre itinéraire. Pour dire, les démocrates font tellement de bruit depuis deux semaines que Trump a (presque) suggéré que le président ne méritait d'être relégué aux archives.
Pas grand-chose de neuf. Que Kamala Harris était une «tsar des frontières» qui, soudain, «pense qu'elle ne l'est plus». Qu'elle est «pire que Biden». Qu'il était prêt à participer à trois débats en septembre sur Fox News, ABC et NBC, mais que Kamala en «est à peine capable». Que «personne n'a été tué le 6 janvier 2021» au Capitole. Faux. Comme le rappelle le fact-checking du New York Times, «au moins sept personnes sont mortes, dont un sympathisant de Trump, abattu par un policier du Congrès».
Quoi d'autre? Qu'il est stupide de remettre en cause la légitimité de son colistier, parce que c'est un «great guy». Que malgré les derniers sondages, qu'évidemment il renie, «les blacks, les latinos et les mâles blancs n'ont jamais été autant» derrière lui, parce «qu'ils ont conscience» que Trump va leur donner du «boulot, une armée solide et un pays sûr».
Avec cette conférence de presse improvisée à la dernière minute, on a la preuve que Donald Trump a perdu l'assurance qui était la sienne avant que Joe Biden ne jette l'éponge. Qu'il est conscient de ne plus pouvoir tout miser sur cette «balle pour la démocratie» qui a failli le tuer le 13 juillet dernier. Que le dynamisme qui émanait de sa personnalité n'est plus le même depuis qu'une fringante démocrate de 59 ans le défie crânement.
Et c'est sans doute la preuve que la campagne présidentielle américaine a véritablement (et enfin!) démarré. Malgré les nombreuses chicanes judiciaires qui ont lacéré la première moitié de l'année et compliqué ses rendez-vous politiques, le candidat républicain n'a jamais été aussi peu sûr de lui et de sa victoire le 5 novembre prochain qu'en ce turbulent mois d'août.
Jeudi soir, plutôt à l'aise, avec une disponibilité médiatique un peu feinte, mais qu'il avait abandonné jusqu'ici, le milliardaire de 78 ans avait un sincère besoin de s'exprimer. Jeudi soir, par une confuse et surprenante conférence de presse, Donald Trump a ressenti l'inconsolable besoin de tirer la couverture à lui. Mais à trop tirer sur les draps, on risque aussi de tomber du lit.