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L'oreille de Trump torture le FBI

L'oreille de Trump est dans le viseur du FBI
image: getty, montage: watson
scandale politique?

L'oreille de Trump torture le FBI

Quand l'émotion retombe, le cerveau prend le relais. Si l'attentat contre le républicain regorge de zones d’ombre, c'est son oreille droite, blessée ou non par une balle, qui obsède les fédéraux. Au point que le directeur supplie Trump de l'aider à résoudre ce qui est devenu une affaire très sensible. Et si l'on ne retrouvait pas de traces d’ADN?
27.07.2024, 07:03
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C'est une séquence qui se regarde comme celle des avions qui s’enfoncent dans les deux tours. La stupeur crée l’obsession. On veut tout comprendre et ne rien manquer. On se dit surtout qu'il a eu chaud, Donald, en tournant la tête au dernier moment. A un millimètre du drame, d'un assassinat réussi et d'une catastrophe nationale.

Se repasser les images à l'infini permet aussi de digérer l'information. De nourrir les angoisses avant qu'elles nous bouffent. Sur les réseaux sociaux, ils sont nombreux à brasser les faits par le truchement des séries policières. En reproduisant la scène au ralenti, en 3D ou en boucle. Et c'est parfois allé très loin, comme ce fabricant d'armes, surnommé «The AK Guy», qui a imaginé une reconstitution du tir pour savoir ce qu'une balle d'AR-15 provoque comme dégât sur une oreille humaine.

Pour les enquêteurs, les vrais, c’est pareil. S’ils ne savent toujours pas quelle balle (sur les huit douilles retrouvées sur le toit) a éraflé l’oreille de Donald Trump, on apprenait cette semaine que personne n’est en mesure d’affirmer avec assurance que c’est bien une balle qui a blessé l’ancien président.

Et ce ne sont pas seulement les adeptes de théories du dimanche qui ressassent les zones d'ombre, mais les fédéraux. Le directeur du FBI, Christopher Wray, interrogé par la commission judiciaire de la Chambre des représentants mercredi, a affiché publiquement ses doutes.

«On se demande si c'était une balle ou un éclat de verre qui a touché son oreille, donc il est concevable, alors que je suis assis ici en ce moment, que je ne sache pas si cette balle, en plus de provoquer l'éraflure, aurait pu également atterrir ailleurs»
Le directeur du FBI, mercredi, au Congrès

Dans le fond, s'assurer que c'est bien une balle ou un fragment de celle-ci qui a frôlé le crâne du candidat le 13 juillet dernier n'est pas déterminant pour confirmer que Donald Trump a bien été victime d'une tentative d'assassinat. Au niveau de l'enquête, Michael Harrigan, un ancien agent spécial du FBI, affirme de son côté au New York Times que «la priorité est de déterminer si quelqu'un a aidé le tireur et d'éliminer toute menace actuelle».

«Du point de vue de l'enquête, savoir ce qui est arrivé à l'oreille du président n'a pas vraiment d'importance»
Un ancien agent spécial du FBI au New York Times

Mais alors pour qui et pourquoi cette information peut-elle se révéler importante? Le symbole. Parce que le sort de cette oreille républicaine est désormais une affaire politique. Le récit du martyr miraculé, empoigné par les partisans MAGA depuis la fusillade, est susceptible de perdre un peu de sa légende si le FBI venait à découvrir que c'est, par exemple, un morceau de verre du prompteur qui a menacé le candidat.

Si le dossier est devenu aussi sensible, c'est précisément parce que Donald Trump a fait de son membre un personnage principal, emballé durant quelques jours dans un pansement trop imposant «pour être crédible».

Ce fut notamment la théorie de l'ancienne star du tennis Martina Navratilova, qui s'est emportée sur les réseaux en citant une amie médecin affirmant qu'un pansement aussi complet est inutile, à moins d'une blessure très grave: «C'est évidemment un coup de pub: le lendemain de la fusillade, il n'avait pas de pansement sur l'oreille». Hélas pour Martina, la photo en question datait en réalité de 2022, confirmera l'agence AP dans la foulée.

Alors que l'ex-président clamait, à peine une heure après les tirs, que c'est une «intervention divine» qui l'avait sauvé de cette «balle», la garde rapprochée du républicain a vu rouge quand le directeur du FBI a soufflé sur les braises cette semaine: «C'est choquant que Christopher Wray ne sache pas quels sont les faits, mais cela en dit probablement plus sur ses performances au travail - ou leur absence - que sur toute autre chose», assènera le porte-parole de la campagne de Trump, Steven Cheung.

Le speaker républicain de la Chambre a, lui aussi, réagi:

«Nous avons tous vu la vidéo, nous avons vu l'analyse, nous avons entendu de multiples sources sous différents angles qu'une balle lui avait traversé l'oreille»
Mike Johnson

L'ancien médecin du 45e président à la Maison-Blanche ne s'embarrasse pas non plus du conditionnel lorsqu'il jure que son patient, qu'il a ausculté le lendemain de la fusillade a bel et bien «subi une blessure par balle à l'oreille droite, qui a produit une plaie de 2cm de large qui s'étendait jusqu'à la surface cartilagineuse de l'oreille».

Si l'équipe de reconstitution du drame «continue d'examiner les preuves sur la scène de crime, y compris les fragments de balles», lisait-on dans un communiqué publié jeudi, le FBI manque en revanche d'informations au sujet de la blessure de Donald Trump et sur la nature des soins qu'il a reçus dans la foulée, au Butler Memorial Hospital de Pennsylvanie.

De plus, pour l'heure, personne ne sait si les fédéraux ont formellement demandé l'accès à son dossier médical. Le milliardaire ne l'a en revanche jamais rendu public. Sur Truth Social jeudi soir, il est, lui aussi, allé de sa confirmation qui ne confirme pas grand-chose, sentant que l'affaire est en train de prendre une drôle d'ampleur.

«Non, c’est malheureusement une balle qui m’a touché l’oreille, et elle l’a frappée durement. Il n’y avait pas de verre, pas d’éclats d’obus. L’hôpital a appelé ça une "blessure par balle à l’oreille", et c’est bien ce que c’était"»
Donald Trump, sur Truth Social

Toujours selon Trump, «le FBI n'a même jamais vérifié» son oreille sur les lieux du rassemblement, à Butler.

Et, vendredi, son porte-parole jouera avec le début d'un complot à l'encontre de Donald Trump, car «quiconque croit à ces conspirations est soit mentalement déficient, soit colporte délibérément des mensonges pour des raisons politiques». Si une guerre semble déclarée, on peine encore à définir précisément les adversaires. Mais l'idée que les Américains puissent douter des circonstances du drame hérisse le poil du gourou MAGA et de ses soldats. Pour lui, les bouquins sont déjà noircis à l'encre indélébile.

«J'ai pris une balle pour la démocratie»
Donald Trump

Trump auditionné?

De son côté, le FBI espère encore que l'enquête balistique révèle de nouveaux détails déterminants, comme un échantillon d'ADN de Donald Trump sur l'un des fragments actuellement en possession des enquêteurs. Là encore, ça ne résoudrait pas complètement l'énigme. Pour l'ancien agent du FBI questionné par le NYT, «le problème avec une balle qui se déplace à 970 mètres par seconde, c'est qu'elle se fragmente très facilement lorsqu'elle touche une surface avant la cible».

Et avec cette fragmentation, il sera difficile de comprendre avec certitude ce qui s'est passé»
Michael Harrigan, un ancien agent spécial du FBI

Reste au FBI l'option de pouvoir en apprendre davantage sur l'expérience vécue par le blessé, ainsi que sur la nature des dégâts constaté sur son oreille, par les médecins de Pennsylvanie le 13 juillet. Pour cela, Donald Trump devient lui-même une pièce importante du puzzle. CNN a révélé cette nuit que les fédéraux «cherchent à interroger l'ancien président Donald Trump».

Une étape standard de l'enquête «car il est victime d'un crime», complète la chaîne, en se basant sur les dires d'un responsable du bureau fédéral.

Encore faut-il que le candidat se laisse docilement tirer les vers de nez. Non seulement il n'est pas dans l'intérêt de son récit héroïque que le pays apprenne que c'est finalement un morceau de verre qui a frôlé son crâne. Mais son aversion pour le FBI a de quoi freiner la curiosité des agents chargés de l'enquête. Quoiqu'il en soit, le fait qu'aucun rapport officiel n'a encore été présenté depuis la fusillade permet au(x) doute(s) de proliférer.

Tout cela, à moins de 100 jours d'une élection présidentielle qui impose au républicain une nouvelle adversaire démocrate populaire et dynamique. Et sans compter un colistier soi-disant idéal, JD Vance, qui se montre déjà passablement encombrant.

Sale semaine pour Donald Trump.

Les Trumpistes ont une drôle de manière de montrer leur soutien
Video: watson
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