«Fight, Fight, Fight!» Ce hurlement d’animal blessé, scandé par un Donald Trump ensevelis sous les agents du Secret Service après avoir réchappé à son assassinat, n'a pas fini de résonner dans le clan MAGA. Lundi soir, alors que le miraculé faisait irruption dans le Fiserv Forum de Milwaukee, la foule présente à la Convention nationale républicaine a repris son cri pour ovationner son retour à leur manière.
Bone chilling to see at #RNCConvention people chanting "Fight" in unison with one arm punching in the air. Instantly conjures up rallies from 1930's Germany. There is no other way to put it: pic.twitter.com/dTmEEEjNra
— (((DeanObeidallah))) (@DeanObeidallah) July 15, 2024
Si certains commentateurs y ont vu les atours d'un fascisme qui dit tout sauf son nom, il faut aussi avouer que la locution colle plutôt bien au personnage, qui a compris en quelques secondes qu'un poing fermé vers le ciel pouvait célébrer sa détermination et marquer l'histoire des Etats-Unis.
D'autant que Donald Trump s'est toujours considéré comme un combattant, bien avant de se complaire dans le costume de martyr. Un combattant au sens bestial du terme. Jusqu'à envisager la démocratie comme un adversaire à coucher au beau milieu d'un ring.
Lundi soir, histoire de décapsuler une Convention organisée en l'honneur de son seul culte, il n'a pas hésité à emprunter tous les symboles des arts martiaux mixtes (MMA). Ces salles très américaines qu'il foule chaque semaine avec ses boys, et qui sont devenues l'antichambre de sa campagne électorale, grâce aux efforts de Dana White, patron de l'Ultimate Fighting Championship (UFC) et fervent supporter du milliardaire. Et il aime la bagarre, Trump.
Sur la mélodie pleine d'emphase de God Bless the USA, interprétée par Lee Greenwood himself à Milwaukee, Trump a pris soin d'être filmé depuis le couloir qui surgit de sous les gradins, tel un boxeur qui aurait déjà remporté le match et en ayant parfaitement conscience de la portée du moment. Sa démarche est lente, réfléchie, pesée et, chose rare, l'émotion du rescapé suinte sur son visage.
Enfin, en lieu et place d'une paire de gants, un talisman. Ce pansement sur l'oreille droite, imposant, immaculé, symbolique.
Il sait aussi que c'est la première fois que ses supporters peuvent l'apercevoir, depuis qu'ils ont failli ne plus jamais le revoir. Au grand dam des démocrates, depuis samedi 18h10, tout est réuni pour que l'Amérique se mette à croire que la campagne électorale est désormais jouée d'avance. Et son oreille brille dans cette immense illusion politique.
WATCH: Donald Trump appears in public for the first time since assassination attempt pic.twitter.com/7kqAFrz98u
— BNO News (@BNONews) July 16, 2024
De Picasso au duc de Kent (et accessoirement petit-fils du roi George V), les célébrités ayant perdu un petit morceau d'oreille sont nombreux. Dans une interview au NY Post, Donald Trump laisse d'ailleurs entendre qu'il lui en manque un bout à lui aussi. Si les preuves manquent, les mythes MAGA savent se construire depuis longtemps sans la moindre garantie.
Sans oublier que, spirituellement, l'oreille symbolise le pouvoir de l'homme de recevoir le message de Dieu. De quoi grappiller quelques croyants égarés au passage.
Tout ce qui anime Trump depuis ses débuts dans l'immobilier new-yorkais se cache sous son pansement. Et c'est une fois encore sur le ring qu'il faut chercher l'analogie la plus percutante avec l’oreille républicaine rabotée.
Souvenez-vous, nous sommes au milieu des années nonante. Le promoteur Don King propose à Evander Holyfield de défier Mike Tyson, deux champions de boxe qui auraient déjà dû s'affronter presque dix ans plus tôt, mais sans succès. Tyson est donné largement gagnant, car Holyfield présente de sérieuses faiblesses depuis quelque temps.
En d'autres termes, Mike pense alors que c'est du tout cuit.
Après un premier combat remporté par Holyfield, le 9 novembre 1996 sur le ring du MGM Grand, la revanche est programmée le 27 juin 1997. Une date que les amateurs de sports de combat n'oublieront jamais. Au troisième round (il n'y en aura pas d'autres), Tyson pétera littéralement les plombs en mordant violemment l'oreille droite de son adversaire, au point de lui en arracher un bon bout.
Quelques secondes plus tard, il s'attaquera à son oreille gauche, avant que le combat soit stoppé pour de bon. Deux gestes qui feront entrer l'oreille d'Holyfield dans l'histoire et sombrer la carrière de Tyson.
#OnThisDay in 1997 - Evander Holyfield defeated Mike Tyson by DQ in round 3 of 12 to retain the WBA heavyweight title. Tyson bites off a piece of Holyfield's ear. pic.twitter.com/fa3OQL3FwF
— 𝑲𝒏𝒐𝒄𝒌𝒐𝒖𝒕 𝑱𝒐𝒖𝒓𝒏𝒂𝒍𝒔 (@KOJournals) June 28, 2024
Si le combattant Trump est lui aussi sorti vainqueur cette semaine, l'identité de son adversaire est un poil plus nébuleux. Joe Biden? L'Etat profond? On lui laissera le soin de réécrire l'histoire à sa guise, comme il aime tant le faire.
Il n'en demeure pas moins que cette blessure à l'oreille (et le poing levé qui l'accompagne) a tout pour renforcer l'aura d’un homme d'image, d’un héros autoproclamé qui n'abandonne jamais, portant un respect démesuré à ce qui peut se passer sur un ring: tomber et se relever, car le KO est réservé aux faibles.
Et c'est précisément ce qui attend les démocrates, s'ils ne trouvent pas rapidement la parade à un récit qui (hélas?) est en train de s'écrire tout seul.