Tout au long de sa vie et de sa carrière, Donald Trump n'a jamais été franchement réputé pour sa tendresse. Au contraire. En public comme en privé, le promoteur immobilier a cultivé le mythe du mâle alpha à l'ancienne. Un culte dont il a en grande partie hérité de son propre père, Fred Trump, promoteur impitoyable plus volontiers décrit comme un «sadique» que comme un «papa-poule».
Dans l'immobilier new-yorkais des décennies 60, 70 et 80, Trump père et fils se sont imposés comme des patrons sans pitié, capables de virer les employés d'un claquement de langue et d'un You're fired sec. Sans oublier des chefs de famille exigeants, stricts et dépourvus de patience pour les pleurnicheries de leur marmaille.
Comme le décrivait Ivana Trump, la première femme et mère des trois enfants aînés de Donald, dans ses mémoires de 2017, Raising Trump, la défunte femme d'affaires avait veillé à livrer à son futur ex-mari des «produits finis» de 21 ans, fin prêts pour rejoindre la Trump Organization.
Des propos qui tranchent avec l'image que Donald Trump, 78 ans, a savamment entretenue ces derniers mois. S'il avait déjà osé quelques clichés avec ses petits-enfants lors de son premier mandat présidentiel, c'est avec une décontraction et un plaisir assumé qu'il a multiplié les apparitions aux côtés de la toute jeune génération de Trump. Il faut dire que le candidat avait l'embarras du choix: il compte pas moins de dix petits enfants, âgé entre 17 et 5 ans.
A commencer par sa petite-fille aînée, Kai Trump. Golfeuse émérite et YouTubeuse entre deux cours à l'université de Floride, la fille aînée de Don Junior partage fréquemment des photos et autres anecdotes sur son grandpa adoré. Pas plus tard que ce week-end, flanquée d'une copine, elle esquissait quelques pas de danse à bord du jet privé familial en imitant ceux de son célèbre ancêtre, pour le plus grand plaisir de ses abonnés sur TikTok.
Et ça, c'est quand elle ne confie pas à son 1,2 million de followers cumulés les messages vocaux «réconfortants» que lui laisse son grand-père sur WhatsApp. «Si je l'appelle, il répond toujours, mais s'il ne le fait pas - parce qu'il est en entretien ou autre - il me rappelle. C'est toujours à minuit et évidemment, je dors à minuit», confiait l'adolescente en riant lors d'un récent vlog de golf publié sur sa chaîne. Des messages comme:
«C'est tellement gentil, je les ai tous parcourus hier et cela m'a fait chaud au cœur, précise encore Kai Trump. Je ne sais pas, je me suis sentie mal de ne pas avoir répondu à ses appels. Mais ce n'est pas grave. Je le rappelle toujours, mais le matin».
Un adoucissement déjà amorcé par la jeune femme lors de la Convention nationale républicaine, en juillet dernier, lorsque l'adolescente a ému l'assemblée en décrivant l'homme politique comme un grand-parent doux et solidaire - «le côté que les gens ne voient pas souvent».
Il n'en fallait pas plus pour que les autres membres de la clique Trump s'engouffrent dans la brèche pour mettre en valeur l'ancien chef d'Etat, non pas comme un homme d'affaires ou un politicien, mais comme un excellent... grand-père.
«Je n'oublierai jamais le moment où j'ai vu mes deux enfants courir vers lui avec leurs dessins et leurs câlins pour grand-père, quelques instants avant qu'il ne prenne l'ascenseur de la Trump Tower pour s'adresser aux médias le lendemain de sa condamnation injustifiée», se remémore par exemple sa belle-fille Lara Trump, émue, dans son propre discours.
Une onctuosité qui tranche avec la véhémence coutumière de l'ancien et futur président, qui s'est d'abord et avant tout posé comme une force de la nature, un combattant pour l'Amérique et un héros de la cause conservatrice. Entre deux appels à déporter les migrants et à jeter ses ennemis politiques dans une prison fédérale, Donald Trump n'a pas hésité à dégainer ses petits-enfants comme de jolies peluches.
Une stratégie risquée et ironique, étant donné qu'il avait fait de l'âge avancé de Joe Biden l'un de ses principaux angles d'attaque. Le démocrate de 81 ans, lui, avait déjà compris l'intérêt de filer la métaphore du grand-père, une figure familiale et rassembleuse dotée de la sagesse nécessaire pour guider la nation.
Aussi culottée soit-elle, le fantasme de «grandpa Trump» a trouvé un écho auprès de nombre de ses partisans... et peut-être aussi auprès d'une poignée d'électeurs indécis, attendris ou rassurés par cet aspect plus humain. Après tout, un homme âgé aussi aimable et attentionné avec sa descendance ne doit pas représenter un si grand danger pour le pays... si?
«Les réseaux sociaux de Kai Trump offrent un espace d'ignorance béate, où l'on peut prétendre, sur de belles toiles de fond ensoleillées, que tout va bien dans le monde, et que peut-être Trump ne pensait tout simplement pas ces choses fascistes qu'il a dites», analyse la journaliste du Daily Beast Eboni Boykin-Patterson, dans un éditorial.
Que l'on se laisse ou non bercer par l'apparente bonhomie de Donald Trump en privé, force est de constater que l'investissement de sa famille a sans doute pesé lourd dans sa réélection. Et vient nous rappeler qu'une nuée d'héritiers et de petits Trump est sur le point de débarquer sur la scène publique américaine, sous le regard attentif de grand-papa.