Le premier ministre hongrois Viktor Orban avait promis des «temps bénis» avec le retour à la présidence américaine de son «cher ami» Donald Trump. Mais pour l'instant, Zoltan Laszlo, syndicaliste du secteur automobile, a surtout constaté de soudaines annulations de commandes et un planning en dents de scie.
Passé de 2,5% avant l'ère Trump à quelque 25% et enfin à 15% à compter de vendredi, le «slalom douanier américain» a semé le chaos, selon ce représentant des ouvriers du fabricant mexicain de pièces automobiles Nemak, qui s'est installé en Hongrie aux côtés des constructeurs.
Volkswagen, Suzuki, Jaguar Land Rover... A l'affût de coûts salariaux bas, tous les grands noms y sont implantés ainsi qu'en Slovaquie voisine, si bien que la région est devenue une plaque tournante pour l'exportation, en particulier vers les Etats-Unis. Et l'imprévisible président américain a beau avoir reçu deux fois l'an dernier, dans sa résidence de Mar-a-Lago, Orban, son principal soutien européen, celui-ci n'a bénéficié d'aucun passe-droit.
Pas de traitement de faveur non plus pour un autre allié de Trump en Europe, le premier ministre slovaque Robert Fico, dont le pays est le plus grand producteur automobile par habitant du monde. Pessimiste, l'analyste Matej Hornak prévoit une chute des exportations se chiffrant en «centaines de millions d'euros» et la perte de «plus de 10.000 emplois» dans le secteur en Slovaquie.
Ce qui n'a pas empêché le chef du gouvernement slovaque de saluer une surtaxe plus faible qu'ailleurs. Viktor Orban s'en est pris lui comme à son habitude à la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, dont le locataire de la Maison Blanche n'aurait «fait qu'une bouchée», a-t-il ironisé.
Dès le mois d'avril, le maire de Györ, qui doit sa prospérité à ses usines du secteur automobile, avait lancé un appel de détresse. Il avait demandé au gouvernement d'intervenir auprès de Washington, mais rien n'y a fait.
Pour cette ville du nord-ouest de la Hongrie, la hausse des droits de douane est une catastrophe. A lui seul, le site de Volkswagen compte 12 000 salariés. Sa marque Audi y a ouvert sa principale production de moteurs. Sans compter la dizaine de sous-traitants, dont Nemak.
Officiellement, le gouvernement hongrois dit évaluer encore l'impact de cette guerre commerciale. Il promet des accords bilatéraux pour atténuer les effets négatifs de «l'America First».
Ce ne sera pas si facile, prévient l'expert en relations internationales basé à Bruxelles Botond Feledy.
Or, ils se sont isolés de leurs partenaires européens en la jouant cavalier seul de «manière agressive», ce qui rend tout compromis difficile désormais.
L'enjeu est de taille pour Viktor Orban, au pouvoir depuis 15 ans mais menacé par son concurrent conservateur Peter Magyar, à l'approche des élections prévues au printemps prochain.« Les électeurs, mécontents de la vie chère, l'attendent au tournant», selon l'économiste Zoltan Pogatsa, alors que «depuis de nombreuses années maintenant, la Hongrie stagne».
Le «démarrage en flèche» annoncé pour cette année ne s'est pas concrétisé et l'objectif de croissance a été abaissé, de 3,4% initialement à 1%, notamment en raison de l'effet des droits de douane. Loin des promesses brandies par le dirigeant hongrois, «le second mandat de Trump n'a eu jusqu'à présent qu'un impact négatif sur l'économie hongroise», estime l'analyste. Les syndicalistes ont même menacé de faire grève, relate Zoltan Laszlo.
Pour éviter d'enchaîner comme ces derniers mois des plannings impossibles, tant« pour la santé que pour la vie de famille», les salariés de Nemak ont obtenu des engagements de la direction. Du moins jusqu'à la nouvelle volte-face trumpienne.