Dans sa maison modeste de Boise, dans l’Idaho, Pamela Hemphill était jusqu’en 2016 une figure banale de l’Amérique profonde. Une mère et grand-mère comme les autres. Ancienne conseillère en toxicomanie et en alcoolisme, cette septuagénaire à la chevelure argentée se consacrait à sa famille et à sa communauté.
Mais l’élection de Donald Trump a tout bouleversé. Comme beaucoup de ses voisins, Pamela s’est retrouvée captivée par le discours populiste et les promesses de l’ancien président.
Très vite, elle devient une militante active, participe à des rassemblements, partage des publications MAGA sur Facebook, et arbore fièrement casquettes rouges et drapeaux étoilés. Elle est surnommée «MAGA Granny» («Mamie MAGA») dans la presse locale.
Sa foi en Trump atteint son apogée après l’élection de 2020, une élection «truquée et volée» selon de nombreux partisans. Dont la militante.
Le matin du 6 janvier 2021, Pamela quitte l’hôtel où elle séjourne à Washington D.C., galvanisée par les discours de Rudy Giuliani et de Donald Trump, qui incitent la foule à «se battre comme des diables». Avec des milliers d’autres, l’Américaine marche vers le Capitole.
Ce qui devait être une manifestation pacifique dégénère rapidement. Pamela, emportée par l’euphorie collective, franchit les barrières de sécurité et entre illégalement dans le bâtiment.
«C’était irréel», se souvient-elle. «Je croyais vraiment que nous faisions ce qu’il fallait pour sauver notre pays.» Pourtant, dès cet instant, elle commence à ressentir un malaise.
Son implication dans l’émeute ne passe pas inaperçue. Des images d’elle, brandissant une pancarte et scandant des slogans pro-Trump, circulent sur les réseaux sociaux. En août 2021, elle est arrêtée par le FBI et accusée d’intrusion illégale et de comportement désordonné.
Pamela décide de plaider coupable. En mai 2022, elle est condamnée à 60 jours de prison.
Pour Pamela Hemphill, la prison est un tournant. «Quand on est enfermé, on a tout le temps de réfléchir», raconte-t-elle. Coupée de ses groupes Facebook et de la bulle d’information MAGA, elle commence à s’interroger sur ses choix. «J’ai lu des journaux, j’ai regardé les nouvelles, et j’ai parlé à des gens qui ne partageaient pas mes idées. Peu à peu, j’ai réalisé que j’avais été manipulée.»
Pamela reconnaît également l’impact de sa famille, en particulier sa fille, qui n’a jamais cessé de lui envoyer des lettres remplies de compassion et d’arguments rationnels. «Elle me disait ‘Maman, tu es meilleure que ça.’ Ces mots m’ont touchée au cœur.»
A sa sortie de prison, Pamela décide de prendre ses distances avec le mouvement MAGA. Elle se décrit désormais comme une femme «en quête de vérité». Pourtant, ce n’est qu’en avril 2023 qu’elle franchit le pas ultime: renoncer publiquement à son soutien à Donald Trump.
En janvier 2025, Donald Trump, réélu président, annonce une série de grâces pour les émeutiers du Capitole. Pamela Hemphill est parmi les bénéficiaires. Mais la septuagénaire décline l’offre, comme elle le raconte à la BBC. «Accepter une grâce reviendrait à nier ma responsabilité», affirme l’ancienne adepte du président américain. Pour elle, cette décision est avant tout une question d’intégrité.
Son geste est salué par certains, critiqué par d’autres. Les partisans de Trump considèrent désormais l'Américaine de 71 ans comme une «traîtresse», tandis que ses anciens alliés du Capitole l’accusent de vouloir se racheter une image. Pamela, elle, reste imperturbable. «Je n’ai rien à prouver à qui que ce soit. Je veux juste faire ce qui est juste», explique-t-elle dans les colonnes du New York Times.
Pamela Hemphill a déclaré qu'elle avait parlé avec un avocat de la possibilité de rejeter la grâce, mais qu'elle n'avait toutefois engagé aucune action en justice pour le faire.
Ce n'est pas la première fois qu'une personne condamnée refuse une grâce présidentielle. La Cour Suprême a récemment statué sur la question: tout individu peut refuser cette grâce en vertu de la Constitution américaine.
Parmi les autres personnes graciées par Donald Trump figurait également l'une des figures les plus connues et controversées des émeutes. Jacob Chansley, le chaman autoproclamé de QAnon, libéré de prison en 2023 après 27 mois de prison, sur une peine de 41 mois.
Il a déclaré à la BBC avoir appris, à la salle de sport, être gracié par le président américain, par son avocat. Le «chaman a précisé au média américain être sorti et avoir crié «liberté» à tue-tête.