Dans les jours qui ont suivi le crash de Joe Biden, Donald Trump a tenté quelque chose d'inédit. On ne parle pas de dire la vérité ou de manger des légumes. Encore moins de ralentir sur les litres de Coca-Cola. Le candidat effronté, bruyant et tapageur, avec un penchant assumé pour la provoc' et les messages en lettres capitales, a gardé le silence. Une approche inédite. Et remarquable, au milieu du chaos et du désarroi démocrate qui entourent l'avenir politique du président.
Même lors de son interview lundi soir sur Fox News, le milliardaire s'est montré étonnamment mesuré dans ses attaques. S'il a émis quelques vagues critiques quant à la performance de son adversaire, il s'est gardé de mentionner tout problème de santé. Pas la moindre remarque (!) sur le mental défaillant du démocrate de 81 ans. Au contraire, il a supposé que Biden resterait dans la course. La faute à son «ego», ose à peine suggérer Trump.
A défaut de critiques plus saillantes, le républicain a préféré s'écarter momentanément des feux de la rampe et s'adonner à son passe-temps préféré, le golf, dans le New Jersey. Il s'est même abstenu d'annoncer publiquement son colistier – un évènement politique majeur qui lui aurait garanti la Une des journaux pendant plusieurs jours.
Une délicatesse louche qui n'a pas manqué de taper dans l'oeil de certains démocrates. C'est le cas de David Axelrod, ancien conseiller de Barack Obama à la Maison-Blanche, sur X, lundi. «Trump ne parle pas beaucoup du mauvais débat de Biden. La campagne de Trump ne fait aucune publicité à ce sujet», fait remarquer le stratège, qui entretiendrait des relations «tendues» avec l'actuel locataire de la Maison-Blanche. Il enchaîne par une question piège: «Pourquoi pensez-vous qu'ils retiennent leurs attaques de manière inhabituelle?»
Donald Trump a peut-être compris que, parfois, less is more. Pas besoin d'en rajouter une couche, en particulier quand Joe Biden et sa base s'enfoncent déjà bien assez dans leur propre divergences. «Le silence de Trump indique: "Pourquoi dire quelque chose, quand tout va comme je le souhaite et que les démocrates sont à la merci de tout le monde?"», soupire l'ancien gouverneur démocrate de New York, David Paterson, à la station de radio locale WABC 770.
Plutôt que de plonger tête la première dans la panique démocrate, l'équipe de campagne a donc préféré se taire et observer. Laisser leurs ennemis s'entre-déchirer. Voir les appels au retrait de l'élection présidentielle s'intensifier. «On essaie quelque chose de nouveau», confirmait déjà un autre initié anonyme de la campagne Trump à ABC News, la semaine passée.
A commencer par l'annonce d'un candidat à la vice-présidence, considérée comme imminente. Sans parler de la Convention nationale républicaine, qui débutera le 15 juillet prochain, à Milwaukee, dans le Wisconsin, et qui devrait voir Trump intronisé en tant que candidat officiel du parti républicain.
Aucune raison de ternir pour le moment une campagne plus propre, plus stricte et plus disciplinée, qui séduit autant les ténors du Grand Old Party que les donateurs: «L’équipe de campagne souhaite désespérément qu’il se taise», admet Dan Eberhart, un mécène de Trump, à The Hill.
Un silence qui risque, toutefois, de ne pas s'éterniser. Non seulement l'ancien président a continué ses publications prolifiques sur son réseau Truth Social, où, fidèle à son habitude, il a multiplié les accusations calomnieuses au sujet de son adversaire «corrompu» et de son administration «fasciste», mais il pourrait sortir de sa réserve, mardi soir déjà, lors d'un rassemblement prévu près de son golf à Doral, en Floride.
Son premier événement public en onze jours. Et le deuxième, seulement, depuis la débâcle en direct de Joe Biden. Plusieurs médias, dont le Guardian, s'attendent à ce que le candidat revienne à son caractère volubile. Pour le moment, son équipe a laissé peu d'indices sur le contenu de son discours – si ce n'est les «conséquences catastrophiques» de l'administration Biden sur les Floridiens, en termes d'immigration et d'économie.
Il s'agira en tout cas de la première occasion pour Trump de remuer le couteau dans la plaie devant les caméras de télévision. Ou de retenir ses coups contre un adversaire qu'il considère (il n'est pas le seul) grièvement blessé... et d'autant plus facile à achever le 5 novembre.